Nous dînâmes copieusement. Je mangeais goulûment, non pour faire plaisir à mon hôtesse, mais pour lui insinuer que j’eus faim d’elle. Tout a été organisé et de temps à autres, je l’aidai à apporter les plats à la cuisine. Parfois, quand je finissais d’avaler mon verre, je remplissais un autre en trinquant à son honneur. Elle choquait délicatement son verre de soda Seven-up avec le mien, me disant « À nôtre santé !»
Après le dîner, nous passâmes au salon pour converser. Je ne pouvais laisser ma dive bouteille et mon verre à pied. De prime abord, elle me demanda ma raison sociale. Je répondis franchement et sans détour, que je suis un simple employé dans une société import-export. Elle me souffla, qu’elle fût ravie de cette rencontre matinale. Durant cet entretien, elle conversait sans tic apparent. Elle me confia qu’elle était mariée à un homme d’affaires. Son mariage gris l’a traumatisée. Elle narra avec tristesse son divorce. Je notai sur son beau visage, une sérénité et l’envie de dégager toute son énergie négative. Je m’abstins à interrompre sa narration.
- Comme d’habitude Mimoune, dit-elle, regagnait son domicile. En entrant à la maison le coucou de l’horloge mécanique sonnait 23h. Elle l’attendait dans le salon et sa petite horloge flétrie penser mal de ce retard. Elle avait le cœur sur les lèvres. Elle pensait que son mari s’est attardé pour libertinage. Il y a une semaine, Mimoune a tardé, elle pensait qu’il était avec une autre femme. Par contre sa belle mère clamait, je ne sais pas ce qui est arrivé à mon fils. Pourvu qu’il ne lui arrive ni mal ni accident.
- Pourquoi ce retard, l’apostropha-t-elle. La table est servie, nous devons dîner pour aller dormir. Tu dépasses les bornes ces derniers jours par tes rentrées tardives !
- Femme, c’est plus fort que moi. Vous deviez manger si je ne suis pas là. Et ne me parle pas sur ce ton, veux-tu ! Arrêtes de me recevoir, chaque fois à la male heure.
-Ah bon ! Je n’ai plus droit de commenter tes débordements. C’est toi qui s’occupes de tout. Le ménage, les courses ! Ce n’est plus une vie, c’est géhenne.
- Rahima, tu ne cesses de bouder ces derniers temps. Ne crois pas que c’est pour le plaisir que je reste dehors. C’est la période des déclarations d’impôts sur le bénéfice. Je dois revoir les évaluations avec l’agent comptable. Je ne veux m’attarder pour fournir le bilan, et payer des pénalités. Cesses veux-tu de me harceler ! Sinon, il vaut mieux qu’on se sépare, dit-il tout haut devant sa mère ébahie par cette boutade.
Chaque jour, c’est les mêmes scènes et allocutions familiales. Elle finit par demander son divorce, pour raison de discorde. En pleine crise de colère, Il lui avait dit, tu es trois fois répudiée et au diable la moudawana ! La déchirure fut atroce, mais depuis quatre mois, elle reprit sa liberté son humeur et sa joie. La pension de divorce allouée par son ex lui assure une coulante vie. Elle a des amies fidèles. Elle voyage et fréquente des restaurants de choix. Mais elle ne sent point à l’aise. Ces derniers jours, il est venu me supplier pour le remariage, termina-t-elle. Il me fait pitié. J’ai posé des conditions pour reprendre mon foyer et vivre avec lui. Il regrette son geste et de mon coté, je dois baisser la barre des revendications.
Eméché, J’écoutai avec attention son témoignage. Je songeai à son discours qu’elle relata avec nostalgie. J’achevai mon dernier verre. Mes méninges me soufflèrent qu’il y ait anguille sous roches. Elle est charmante, mais énigmatique. Selon la charia, une femme répudiée trois fois, doit se remarier avec un deuxième homme, pour le remariage. Il ne peut la reprendre que si elle contracte un autre mariage consommé ou qu’elle se retrouve veuve.
- Abdou, me lança - t- elle, le ciel t’envoi en ce moment précis. Ne crois surtout pas que je vais te leurrer en te demandant le mariage. Tu sais que mon ex ne peut me remarier que si j’épouse un autre homme. C’est la punition de la charia pour que les hommes ne badinent pas avec ce lien sacré.
A suivre ./...