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  • Thaumaturgie

     

    Salé, le 13 Janvier 2007 à 23h30 de relevée.

                                               THAUMATURGIE

       On a coutume de rire des gris-gris des femmes ou des recettes mystérieuses des sorciers, des Fqihs et des  thaumaturges du terroir . L’historiette de ce soir relatera  l 'aventure d'une femme que j’appellerais pour la circonstance Fredwa.

       Elle connut son époux Adaawya à l’usine ,oū  il travailla comme ouvrier spécialisé fraiseur. Il mania la fraiseuse avec célérité et termina ses pièces en acier dur et n’utilisa guère le pied à coulisse,  que pour les mesures finales et respecta les  données.

       Fredwa  fut  enseignante et donna  des cours de rattrapage aux ouvriers de l’usine dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme. En passant dans l’atelier, un jour elle  remarqua ce bel homme bien bâti en combinaison bleue, attentif comme en classe. Elle lui afficha un large sourire en signe de bon courage. Il la salua pour taire son silence et resta cloué, éberlué devant  sa machine outil, lorsque son chef d’atelier  passa au même moment, le voyant arque bouté lui dit :

    - Que cherches-tu Adaawya ?

    - Je cherche un chanfrein Monsieur !

    - Chanfreines donc ! En insinuant un sourire moqueur !

       Brusquement Adaawya  pensa au puits des souhaits et songea à la prendre pour épouse. Prenant son courage des deux mains, il  partit à sa rencontre un soir après le cours et l’invita à prendre une boisson ensemble au salon de thé en ville, le samedi après-midi. Elle  accepta  avec véhémence cette invitation.

       Quelques mois après, ils  célébrèrent leur union avec faste  et  voyagèrent en lune de miel dans le haut Atlas.

       Ils vécurent heureux les trois premières années. Fredwa enfanta deux enfants, une fille et un garçon, choix des Rois comme leur dirent leurs proches et amis. Les bambins  choyés  fréquentèrent  les meilleures crèches et écoles. Leurs dépenses s’accentuèrent, s’intensifièrent au jour le jour. Le couple ne put  subvenir à leurs besoins. Les locutions familiales et les remous devinrent leur quotidien. L‘un bouda l’autre .Dans leur foyer s’établit, comme eut dit un écrivain, juste des sentiments comme au théâtre oū vérité et mensonge se brouillent inconsciemment. Il n’y eut qu’une atmosphère qui suinta de la mesquinerie et de la rancoeur.

       Un soir il ne put plus supporter les réflexions les plus absconses de Fredwa, il ne ferma l’œil de la nuit. Il pensa toute la nuit  à cette péronnelle de femme qui le traita de béotien et de blanc bec. Il ne put plus la souffrir ! Il décida de décamper et de quitter la demeure pour lui donner une leçon et non pour fuir sa responsabilité familiale.

      Ainsi dés le potron-jacquet, il prit son petit sac dans lequel il mit quelques objets nécessaires pour sa fugue et sortit  en catimini pour ne point éveiller les siens.

       Fredwa ce jour  fit grasse matinée, et ne se réveilla qu’à 10 h sonnante. Elle chercha son demi à coté d’elle sur le lit, puis le salon, les toilettes, la cuisine mais aucune trace d’Adawya. Elle se dit qu’il eût sorti faire une course. Elle  prépara le petit déjeuner pour ses marmots, se  sustentèrent ensemble.

      Toute la journée elle l’attendit et le soir elle ne cessa de l’appeler au portable, mais en vain! Elle n’entendit comme réponse que l’onomatopée « hors zone ».

    Trois jours passèrent sans nouvelle du fugueur. Elle se confia à sa voisine Hanane qui la conseilla de prendre attache avec le marabout du quartier, lui soufflant son adresse et lui recommanda de porter avec elle un habit quelconque de son mari .

      Elle passa l’après-midi le voir, avec une veste récemment achetée de la friperie. Elle trouva une file d’attente, attendit son tour et entra pétrifiée dans la chambre de consultation oū une grande fumée de l’encensoir rouillé gêna la vision. Le marabout thaumaturge lui demanda la raison de cette visite. Fredwa expliqua son malheur et le pria  de ne ménager aucun effort pour le retour de son cher mari et paiera rubis sur ongle ce service et lui remit la veste.

    - Soit, lui dit-il, il reviendra à son gîte Madame. Vous me donnerez une avance et le reste après son retour.

      Elle se plia à sa demande et lui remit une somme d’argents, perçue de la vente de son bracelet d’or offert par Adaawya lors de son mariage.

        - Ne parlez à personne, gardez votre calme et au coucher du soleil dite « Abracadabra Adaawya »  et patientez. Revenez me voir le lendemain pour me tenir informé.

      Elle le quitta pleine d’espérance. Le temps languit ce jour et le coucher du soleil tarda à venir. Elle  scruta plusieurs fois la pendule et le ciel. Enfin elle vit le soleil à l’horizon,  la même taille mais manque de rigueur. Un tohu-bohu enchevêtra son esprit. Elle entendit enfin le muezzin annonçant  la prière du soir et sans attendre elle cria le mot magique « abracadabra Adaawiya ».

      Elle revint dans le salon et se patienta, comme conseillée par le fqih. Cent vaines minutes, elle entendit la sonnette de la porte. Elle exulta,  la quintessence de l’âme et le caramel de sa ruse. Elle alla  ouvrir et ne trouva pas Adaawya, mais un autre blond européen,  qui fut le précédent propriétaire de la veste offerte en oeuvre de charité!