Je ne bougeai d’un iota. Mon ami Ghrib m’appela, me tira des songes et de ma torpeur. Je fus envahi par le charme de Medina. Nous devînmes regagner ensemble la capitale.
- Puis-je disposer, dis-je, avec le soupçon de tristesse dans la voix, interrompant leur discussion.
- Sans problème Abdou. Mais avant de nous quitter, je vous demanderais de bien vouloir me laisser vos coordonnées, sachez que je voudrais sincérement vous revoir, après les consultations de madame.
- Soit, avec grand plaisir, monsieur…
- En voilà des façons, j’ai présenté ma femme et sa cousine, en omettant de le faire moi-même. Je m’appelle Abderrahim.
- Enchanté Abderrahim
Se tournant vers Medina, il lui demanda de prendre le numéro de mon GSM.
- Je ne suis pas abonné à aucun réseau du pays, me dit-il, et Médina, sera notre parfaite coordinatrice.
J’énonçai mon numéro et Medina le transcrivit, gênée, toute rubiconde dans son léger sourire. Belle jusqu’au trognon, un chou, un cœur.
Nous nous échangeâmes les coordonnées respectives. Je souris poliment, mêmement je fus confus sous l’emprise de la gêne.
- Surtout monsieur Abdou, ne nous mettez pas dans l’oubliance. Consacrez nous un moment, nous sommes honorés de votre connaissance.
- De grâce, Abderrahim, ma disponibilité de sympathie englobera, croyez moi, la fantaisie du temps. J’attends votre signe pour vous revoir.
Je disais cette politesse, sans hypocrisie, en regardant dans les yeux Medina. Je les saluai promptement pour rejoindre mon collègue. Une heureuse aubaine que je quittai, marchant doucement vers mon ami. Je flottais entre l’espérance et la désespérance. Le diable sait pourquoi !
Le lendemain, après l’entrevue avec notre responsable, et la remise du rapport de mission, je me dirigeai comme de coutume, au café Pachalik. Aucune trace de la P.307. J’attendis la sortie en sirotant ma tasse de nectar du café. Je vis une silhouette, l’allure saccadée. C’est elle! Elle ne porte plus la blanche djellaba . Elle vêt un patron en velours bleu royal, qui lui va à merveille. Son coiffage et sa tournure étiquettent sa singulière élégance. Elle chausse des Balmain. Une jolie coquetterie. Elle traversa la rue, en direction de la terrasse où, je pris place. Elle arbora un sourire qui contint un léger soupçon de joie. Un sourire que je pensai pour moi. Elle vint vers un homme qui l’attendait juste devant la terrasse. Elle lui fit un bon visage. Apres une bise de salut, ils quittèrent ma vue, main dans la main. Mes yeux brillèrent comme chardons ardents. Je me meurs. Je n’eus jamais éprouvé de pire.
Une jalousie secrète me creva. Je les regardai de loin, avec un œil d’envie. Adieu veau, vache et mouton! A chacun sa chacune, me dis – je. "Mais ses yeux restaient secs, brûlants de larmes qui ne s'épanchaient pas. Aucune jalousie du reste, ni révolte, ni mouvement de haine. Rien que le vaste sentiment de la douleur qui, envahissant tout son être, se confondait avec lui. Des flammes fulgurantes passaient devant ses yeux (MOSELLY)".
Cependant, de derrière par la tête, la physionomie de son compagnon ne m’inspira point confiance. Il a l’air d’un zigoto. Son snobisme et afféterie lui donnent un air d’arnaqueur. Tout dernièrement l’on me conta l’histoire d’un radin qui un jour passa chez la boucherie pour se payer une livre de viande. Il entendit, un homme respectablement habillé, demander, quatre kilos de viandes, deux kilos de viande hachée, un kilo de saucissons. Dés qu’il quitta la boucherie, le ladre apostropha la bouchère.
- Qui est ce gars ?
- Vas… ! Vas…! Vas...!Wallah tu m’as fait rire ! Qui ne connaît pas Taibi Moullerdouze!(Bonhomme proprietaitre d'une R12) C’est un quidam qui ne travaille guère. Son violon d’Ingres c’est de guetter les veuves. Il s’active à dénigrer leurs points faibles, à les charmer et les épouser. Dés qu’il dilapide son avoir, Il délaisse la pauvre et s’en va quérir une autre victime.
En entendant cela, ipso facto l’harpagon dit à la bouchère.
- Donnez moi un kilo de filet de bœuf et un kilo de carré d’agneau.
En remettant ses achats à son conjoint, hébétée elle lui demande :
- Pourquoi as-tu acheté toute cette quantité de viande ?
- Je préfère que ce soit moi qui les consomme et non Taibi Moullerdouze, rétorqua-t-il.
J’espère que je n’ai pas donné libre pensée à la folle du logis, mon imagination ! Il se peut que maîtresse jalousie m’édicte ces lugubres pensées .Pourvu que je me trompasse.
Sur ces entrefaites, une tristesse muette s’empara de moi. Moi qui rêvai, espérai son amitié et son amour. Est-ce mon absence de la scène ces derniers jours, qui causa cette perte ? Tel un soliloque, je me parlai à moi-même. Naguère il m’arriva souvent, de me fâcher pour passer le temps. Cependant, présentement, il ne fallait qu’une goutte pour que le verre déborde, et je fus ce vase plein de larmes. Un vase de tristesse. Mon optimisme me rassura, une de perdue deux de retrouvées. Je ne me découragerai point, j’éviterai la morosité. Je laisse les choses suivre leur cheminement spontané. J’irai sous d’autres cieux. J’oublierai cette mésaventure d’occasion, pour une aventure galante avec une dame fofolle. "Chez elle la passion est un feu follet qui s'éteint subitement après avoir allumé un incendie. MERIMEE"
A suivre......
Salé, le 19.02.09