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Leçon de chose:Sauterelle.

                                         

                        Leçon de chose: Sauterelle

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    Que de fois je me rendais au salon de thé « L'Oriental » pour prendre une tasse de café et m’adonner à la lecture. Que de fois je rencontrais une habituée. Une femme génialement désirable au visage qui attire les regards comme attire une rose, l'abeille. Solitaire elle lisait, et de temps à autres elle levait ses yeux pour contempler la mer et redire sa lecture  silencieusement.

   Que de fois je voulais l’approcher, mais en vain ! Mon engouement immodéré me suscitait d’aller lui parler, mais je me résignais à le faire.Je me demandais comment agir et sauter la sauterelle pour ouvrir sa porte. Le hasard faisant bien les choses. Ce jour là  délaissant ma lecture, son chapeau éventé atterrit prés de moi.Le plan c'est l'homme. Saisissant l’unique aubaine, je le prenais à la va-vite pour le lui remettre en gentleman.

  -  Merci, me dit-elle avec un sourire angélique.

  -  Un devoir, répondis-je avec un sourire enjôleur. Sans indiscrétion, êtes-vous de Sidi-Ifni ?

  -  Non, retorqua-t-elle, je suis de Tiznit.

  - Ah la ville de la fabrication des bijoux d’argent. Ce patrimoine ancestral, qui ne laisse aucun visiteur insensible à la méticulosité de ses artisans. Alliant leur savoir-faire à leur créativité, ils ont donné vie à un art dont ils détiennent seuls le secret.(Mais la drague n'est qu'un palliatif pour gens inorganisés, me rappelais-je)
  - Je vois que vous connaissez ma ville natale monsieur.

  - Peu ou prou ! Mais sans tarabiscoter, c’est une belle ville. Ses habitants  et ses artisans sont des argentiers. Je vous laisse pour ne point vous déranger, lançais-je à contre cœur, en terminant ma ratiocination.

 - Du tout ! Vous ne me déranger guère. Rejoignez-moi à cette table si vous le permettez ! Vous discourez admirablement.

 - De grâce madame. Vos désirs sont des ordres.

   Je prends mon livre, et je demande au serveur de déplacer ma tasse près de la dame. Nous nous échangeâmes et arborâmes le sourire. Je lui demandais ce qu’elle faisait dans ce bas monde.

 - Professeur de sciences naturelles.

 - Ah vous disséquez les amphibiens et les orthoptères.

 - Oui, dit-elle, en lançant un sourire en coin.

 - Vous me rappelez Monsieur Nicoli, un Corse, mon professeur des sciences.

 - Parlez-en-moi de cette personne, je vous prie !

 - Soit ! Un beau jour en garant sa voiture, notre professeur de sciences naturelles, Monsieur Nicoli aperçut la majeure partie de sa classe en train de jouer un match de mini-foot .Ils jouaient avec une balle de tennis sur le gazon. Un espace vert ornant la devanture de la belle mosquée Assouna . Celle-ci se trouve en face du portail du lycée Moulay Youssef. Seuls quelques potaches arrivés en retard n’y participaient .Parmi eux Fannouri. Il était le mal aimé de  ses collègues. Il apprenait ses leçons par cœur, les récitait  avec monotonie.  Comme disait Bouvard : motamoter !

   La cloche sonna quinze heures de relevée. Tous les joueurs et spectateurs se hâtaient pour prendre leurs effets et cartables délaissés dans le capharnaüm prés des buts.  Si les uns étaient essoufflés, les autres suintaient de sueurs.

   Enjambant les escaliers à toute hâte, rangés par deux, nous voici devant l’entrée de la classe. Un amphithéâtre, laboratoire des expériences des sciences naturelles, où notre Nicoli disposait la rainette, face dorsale contre la planche à dissection, et l'épingler par l'extrémité de ses quatre membres. Aussi la dissection  des souris et des vertébrés notamment celle du criquet pèlerin. Le Maroc menait depuis lors une lutte anti- acridienne contre ce fléau dévastateur.

   Nous entrâmes et prîmes  place. Le professeur scruta ses élèves par dessus ses lunettes. Il était mécontent du jeu devant le « portail » et ne voulait par ce regard,  user ses verres.

 - Fennouri au tableau, lança-t-il.

  Un sourire enroba la classe. Il devait réciter la leçon de la semaine dernière « Le criquet  ».  

Une fois devant le professeur, harassé, balbutiant des mots avec accentuation, il débita  roulant les R :

 - Le criqui, le criqui, le  criqui, le criquite, le criquite ! Il se tut, cherchant ses mots. En se tournant vers  nous il suppliait :

 - Juste la tête, akhouti irhame lwaldine(que Dieu bénisse vos parents,  frères !

     Bouche cousue, aucun ne prêta ni aide ni assistance. Des crescendos de rires fusaient à sa lugubre position.

 - Monsieur Fannouri  à ta place, tu n’as pas appris ta leçon, tu as un zéro !

 - Mais j’ai appris ma leçon Monsieur, il me faut juste la tête, adjurait-il.disant, criqui..criquite!

 - Quittes là, j’ai dit un zéro, et c’est méritoire.En sus tu m’écriras cent fois la leçon comme punition, Pelé!

   Rageant,  rabroué, abattu, triste et dolent à cette vitupération, il regagna sa place sous la risée de tous, lui qui ne jouait point.

- Ah le pauvre, dit-elle avec son sourire au transfert d’enthousiasme, comme les dents de peigne. Je suis en retard, vous m’excuserez si je pars.Nous n'avons cependant pas parler de vous, mais demain l'on parlera de tous.

- Promis, je ne vous retiens pas.

  Nous consentîmes de nous revoir le lendemain.

Je suis mon belleau, celui

Qui veut vivre ce aujourd'hui

L'homme ne sauroit connoitre

Si un lendemain doit être.(Ronsard) 

                                                        Salé,le 08 janvier 2008 à 21h de relevée

Commentaires

  • j'ai lu et relu votre texte que d'ailleurs trouvé bien riche,d'un style bien structuré,et une bonne manipulation de la langue,et surtout le contenu qui raconte une histoire vécue,j'avais cru que ce romantisme n'existait plus,et que les hommes ne prenaient plus du temps pour aborder une femme,je vous admire,et j'attends la suite....

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