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  • Mécontemporain épisode 7

    Salé, le 05 Octobre 2008

    Après une vingtaine de minutes, nous arrivâmes à Diori Hamani International Airport. Le départ était prévu à 2 h 30. Après l’enregistrement des bagages et l’acquisition de nos billets d’accès, Ghrib et moi prîmes congés de nos amis Nigériens. Nous les remerciâmes pour l’accueil chaleureux et le séjour. Ils nous étaient difficiles de leur dire le triste Adieu. Ma pomme d’Adam fut saillante, une mélancolie poignante me serra la gorge.
    Nous montâmes sur la passerelle de l’avion. Cherchant ma place numérotée, j’eus du bol d’avoir à mes cotés deux jeunes dames. Deux charmantes noires comme de l’ébène. Une habillée en jean velours teint tilleul, une surchemise aux finitions soignées. Une chemise taillissime pourprée. Le décolletage carré découvre des seins en poires. Le cou orné par une chainette en or et un rasoir en argent comme fanfreluche. L’effluve de leur parfum caresse l’odorat. Je préfère la femme parfumée, qu’une odeur de sainteté. L'autre dame portait une robe au couleur africaine. Elle n'a aucune caractéristique mouvante, comme la cousine Bette. Mon ami Ghrib prit place à coté, dans l’autre rangée. Je saluai mes voisines avec le sourire. A Ghrib je fis un clin d’œil à la dérobée. Il me sourit l’air complice. Il lut la joie dans mes yeux. Il sut que je ne m’ennuierai guère durant ce vol. A l’heure arrêtée, l’avion décolla et prit son vol. Les passagers virent les hôtesses expliquer les consignes de secours en cas de détresse. Puis ce fut un silence. Je préférai la conspiration du bruit. Dix minutes passèrent et j’eus des démangeaisons pour ne pas encore entamer une discussion avec mes voisines. Je m’y attardai involontairement. Il n’y a pas le feu au lac, patience Abdou me dis-je. J’évitai d’inventer l’eau tiède et toute espièglerie.
    J’ouvris mon porte document. Je tirai une revue littéraire. Ce numéro spécial traite de « La farce de Maître Pathelin » Cet avocat véreux, malhonnête et sans cause à défendre, promet à sa femme, dame Guillemette, de renouveler leur garde-robe en lui rapportant du drap sans rien débourser. Il se rend à la foire où il réussit à obtenir, non sans mal, une pièce de drap, en se promettant bien de ne pas la payer, en flattant le drapier Guillaume et en l’invitant à boire. Il eut avec de belles paroles son voisin le drapier qui, de son côté, s'applaudissait de la lui vendre plus qu'elle ne vaut ,découvre, au moment de récolter son dû; l’arnaque. Ce même drapier a un berger, Thibaut, qui le vole et qui a recours à l'avocat pour se défendre en justice contre son maître dans une affaire où il est coupable. L’avocat lui conseille de bêler devant le juge pour qu’il paraisse simple d’esprit. Sur les conseils de Pathelin, le berger gagne son procès en faisant l'imbécile devant ses juges et en répondant à toutes les questions par le bêlement. Mais lorsque Pathelin lui réclame ses honoraires, il n’obtient, à son tour, qu’un « bée ».
    Je retins de ma lecture « Il eut avec de belles paroles son voisin ». Je savais que la parole est un acte individuel de volonté et d’intelligence. Le mot chien n’a jamais mordu personne. Je m’adressai à ma proche voisine interrompant leur discussion :
    - Sans indiscrétion, vous êtes des Niameyennes ?
    - Non d’Ouagadou, des Burkinaises, me répondit-elle, avec un blanc et large sourire. Et vous sans doute Marocain ?
    - Enchanté. Oui je le suis, disais-je, le ton facétieux.
    Je feintai de rire, en pensant à Burkinabais et « burkinabaise ». Je savais que nous devions faire escale à Ouagadougou.
    - Charmée, dit –elle. Nous estimons beaucoup le Maroc !
    - Nous aussi madame, nous apprécions votre pays. Nos relations sont excellentes. Personnellement je lis sur le net, les journaux burkinabais et je rends visite, de temps à autre, au portail du Faso-net. J’aime l’humour de Ba Bouanga
    - Ah c’est notre Gad Elmaleh ! dit-elle souriante. Mon amie et moi eûmes l’occasion de voir un de ses spectacles « Papa est en haut » au Palais des sports à Paris. Ce qui est marrant chez lui, Gad signifie joie en hébreux. Il répand l’allégresse. Force est de constater cette tolérance notoire au Maroc. Cet esprit de convivialité des religions, des races, des ethnies. Un fait à prendre en considération.
    - Compliments très touchant m’allant droit au cœur mademoiselle, répliquais-je fièrement.
    A ces propos, je bus du petit lait, satisfait et honoré. Je toisai incontinent sa façon de s’exprimer, dont je n’aie ouï, ces derniers temps. J’admirai son langage, en langue et parole. Honni qui manigance, songeai-je . Je me devais être poli et courtois durant ce court vol. Il fallait éviter d’être persiffleur ou luciférien. La seconde dame entendait, ne parler point. Elle manque d’hardiesse ou elle est d'une timidité intellectuelle, pensai-je.
    - Que font mesdames dans ce bas monde, si ce n’est une indiscrétion ?
    - Moi, maitresse d’école, dit la proche voisine.
    - Ravi que la maitresse décolle en avion, dis-je plaisantant. Elle apprécia le jeu de mot en affichant un sourire avec douceur.
    - Je vois que monsieur excelle dans les jeux de mots, me lança-t-elle. Moi aussi j’adore ce jeu temporel et les bobards. Les blagues dans ma mémoire sont alignées les unes après les autres comme des perles d’un chapelet.
    - Ah bon ! Contes-y une veux-tu, dis-je. En mon for intérieur je décrochai la timbale en gagnant leur sympathie.
    - Soit ! Deux couples se rencontrent chaque samedi soir pour jouer aux dames, aux échecs, aux cartes ou parfois, au scrabble. Un soir éprouvant l’ennui de jouer le même jeu, l’un proposa de changer de divertissement. Tous se mirent d’accord et optèrent pour le jeu du mime. Chacun fera un mimique, et, aux autres de deviner le métier. La première femme se leva. Enleva son chemisier, puis son corset. Prit ses seins des deux mains et dit :
    - C’est quoi ce métier ?
    Les gars sont restés bouche bée et donnèrent leurs langues au chat.
    - Mais ce sont mes deux seins, donc médecin.
    A son tour la seconde femme, fit de même. Elle enleva son chemisier et son corset. Elle prit les deux bouts de ses mamelons qu’elle joignit et leur demanda le métier. Aucune réponse.
    - Mais c’est les bouts reliés, donc le bourrelier.
    Le mari de la première femme prit un lange, entoura le bout de son phallus et demanda à son tour le métier. Pas de réponse.
    - Voyons, c’est le bout langer, donc le boulanger.
    Ensemble nous rîmes à nous fendre la mâchoire. Les passagers nous scrutèrent cherchant à déceler l’air de cette gaieté.
    Au moment où elle termina sa blague, les hauts parleurs annonçaient aux passagers de regagner leur place et de fermer leurs ceintures de sécurité. L’avion devait entamer la descente vers l’aéroport d’Ouagadougou.
    - C’est ingénieux dis-je. Belle farce mademoiselle !
    - Mon amie s'appelle Gertrude et moi c'est Désirée. As-tu une blague à nous narrer toi aussi, bientôt l’avion va atterrir ?
    - Honoré, moi c'est Abdou. Oui, j’ai une en mémoire.
    - Charmées. Racontes-y donc !
    - Avec grand plaisir ! D’emblée, une jeune fille avertit le garçon avec lequel elle sort pour la première fois :
    - Ma mère m’a fait jurer de répondre énergiquement « non » à tout ce que vous me proposeriez.
    - Très bien. Verriez-vous une objection à ce que je vous embrasse ?
    - Non.
    Et de rire ! Nous nous tînmes les côtes de rire. Le bruit du train d’atterrissage ébranla notre bonne humeur. Nos paroles et notre gaieté s’amenuisèrent comme tombent les pétales d’une fleur fatiguée. L’atterrissage ne fut pas trop dur, probablement la séparation le sera aussi. L’avion s’arrêta sur la piste. Je me levais pour laisser le passage à mes voisines.
    - Mon dernier mot avant de vous souhaiter bonne continuation, me dit l’éloquente Désirée, vous exercez quoi dans la vie Abdou?
    - Journaleux, dis-je avec le sourire. Je dis parfois ce que je pense, mais je ne pense rarement à ce que je dis.
    - En voilà la modestie, l’humilité et l’effacement. Ravie de faire votre connaissance journaliste chevronné. On sent chez vous l’odeur des salles de rédaction, termina-t-elle avec un serein sourire.
    Avant de leur serrer la main dans la stricte politesse d’Adieu, je lui remis ma carte de visite, qu’elle mit dans son sac. Elles me quittèrent heureuses et contentes. Avant qu’elles ne descendent, elles firent de la main un salut, par civilité je répondis aux salueuses.


    A suivre.../...