Le lendemain, je repris le chemin du travail comme de coutume. Je dus trimer sans répit. Notre journal avait lancé un concours pour les jeunes écrivains en herbe. Le sujet consistait à écrire un article sur l’histoire du Maroc ou une histoire vécue de prés.
Le courrier est énorme, car plusieurs prétendants ont participé à ce concours mémorialistes. Ils y avaient des chroniqueurs, des annalistes et aussi des scribouilleurs. Les écrits de deux jeunes lauréats attirèrent mon attention. Souki, fille originaire du sud a un style originel.
Dans son récit vécu, elle narra un fait fortuit survenu l’été dernier lors du transport d’un groupe d’hommes et de femmes vers un village voisin, dans un Mitsubishi. Sur la carrosserie le groupement chantait au son du Taskiwin , une forme particulière de l’ahwash . Une danse accompagnée de flûtes (Ghitaa) et de tambours qui mit en transe les convives au mariage. Les hommes hissaient des drapeaux aux couleurs vives. Les femmes brandissaient des roseaux au bout desquels elles accrochèrent un bouquet de fleurs et de menthe ainsi que des billets de banque de 100(Elqarfi) et de 200 dh(Zriga).
Le véhicule alla à toute vitesse. Le hasard voulu qu’une cigogne, ce jour, n’eut trouvé de proies qu’un serpent, au lieu de musaraignes, vers de terre, poissons, têtards ou grenouilles. En survolant le Mitsubishi, le serpent après une série de tractations, força l’échassier à ouvrir ses mandibules, et à lâcher l’ophidien, un serpent cocu qui vint tomber juste sur le groupe. La liesse et la joie muèrent en panique et affolement. Les femmes crièrent de frayeur et d’effroi. Les hommes sautèrent de par-dessus la carrosserie. Les femmes firent de même « sauve qui peut ». Une invitée en sautant se fracassa le crâne décéda sur le coup.
Le chauffeur pris au dépourvu gara et freina subitement le camion, descendit de la cabine et vint constater les dégâts. Deux corps gisaient non loin à 100 m. Des rescapés vinrent expliquer le mélodrame. Le bilan deux morts et quelques blessés.
Les invités indemnes prirent leurs portables pour aviser les leurs, en évitant lors de leur discussions de dire Mitsubishi. Cette appellation est indécente dans le Souss, (l’accueil de la femme). Ils disaient avec un sourire maquillé « Le grand camion blanc ». Quant au serpent cocu, il fut piétiné par un « courageux » qui le prit par la queue en disant à haute voix : On a tué le serpent qui causa cet accident ! (qatalna Attouebane).
Après la sortie du travail, je me dirigeais vers le café. Je demandais un soda. Quelques minutes, que voici mon ami.
- Bonjour. Cela fait longtemps que tu es là.
- Non. Mais il y a juste cinq minutes
- Cet après midi, je n’ai travaillé. Les élèves ont séché un cours. Je suis passé par là et j ai trouvé un incident que les loubards ont tous vu à midi.
- Quel incident ?
- Une dame qui travaille dans l’assurance en face eut un problème. L’homme qui était avec elle, était recherché pour escroquerie.
- Quelle dame ? Envahi par la peur et la désillusion. Je pensai à ma future dulcinée.
- C’est une femme qui travaille dans cette assurance. Elle s’appelle Lila, une femme de père marocain et de mère tunisienne. Son père lors de son voyage à la Mecque a rencontré une tunisienne à Sfax, tomba en relation avec elle et décida de se marier renonçant au pèlerinage. Ils procréèrent trois enfants, deux filles et un garçon. Lina l’aînée, celle qui travaille en face, fit la connaissance d’un autre marocain natif de Soussa (Tunisie), qui rejoignit le Maroc après l’obtention d’un diplôme de journalisme. Ils célébrèrent un faste mariage à Agadir. Ils résident dans le quartier voisin.
- Eh ben, mon ami tu es mqaddem al houma (employé municipal). Tu connais tout le monde !
- Non, mais c’est que leur fille Jouhaina, orpheline de 5 ans, prend des cours d’intensification le soir chez moi.
- Donc sa mère est veuve !
- Oui, son pauvre mari est décédé il y a presque six mois dans un accident de circulation sur la route côtière entre Tanger et Tétouan. Il était en compagnie d’amis tunisiens. Le chauffeur qui conduisait une voiture de location, avait bu un verre de trop. Et comme on dit le cent appelle le sang, ils périrent les trois dans la catastrophe en percutant un arbre.
- Oui mais quelle est la corrélation entre la veuve et l’incident de ce matin.
- Je vois que tu t’intéresses à ce sujet ? Me dit-il, affichant un léger sourire. Vas-tu faire une chronique des faits divers pour ton journal ?
- Une simple curiosité, rétorquai-je.
- Le corrélatif c’est qu’un homme remarqua la dame il y a peu. Il l’approcha, je ne sais comment elle finit par faiblesse ou par solitude à se plier à son charme. Ainsi chaque soir à sa sortie du travail, il l’attendait devant le siège, pour l’accompagner à la maison.
- Sans doute un flibustier dis-je, sans vouloir lui couper la parole.
- Mais cet homme est un imposteur. C’est un brigand. Un jour il se posta devant le guichet automatique d’une banque attendant sa proie. Voyant et épiant une fille esseulée. Il l’a vit composer son numéro de code après qu’elle introduisit sa carte bancaire, et tira 700 dh flambant neufs. En comptant ses billets le filou s’approchât de sa victime et lui dit :
- Mademoiselle cette somme est à moi.
- Non rouspéta-t-elle c’est mon argent !
- Faites voir. Elle s’exécuta innocemment et le gars lui happa les billets de sa main, les mit dans sa poche et commença à la gronder et à crier à haute voix
- Salope, tu m’as ruinée. A cause de toi, j’ai délaissé ma famille et mes enfants. Tu ne cesses de me harceler.
Emportée par le courroux de cet énergumène, elle ne savait à quel saint se vouer et craignait que les flâneurs qui commençaient à se rassembler ne croient aux mensonges de ce malandrin.
- Fous moi la paix et cesse de me tracasser veux-tu et quitta sa victime.
Elle abomina cet ostrogoth, ce rabat-joie et appréhenda qu’un voisin du quartier n’assistât à ce mélodrame. Elle dédaigna l’ignominie de ce chenapan, sa vilénie humaine et sa crapulerie. Elle resta coite, béate et aphone.
Elle le regardait s’éloigner en le poursuivant des yeux ce ramassis en se remettant au Ciel. Elle voulait décharger son cœur de cette cupidité et de sa malchance devant cette hogra.
Le hasard veut que, Randa, la victime en passant par cette avenue, reconnaisse le goujat, saluant par bise de joue Lila à sa sortie. Elle le désigna à son père en criant.
- Papa cria Randa lançant un haro, c’est lui mon agresseur de l’autre jour devant le GAB.
A suivre...