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Et compagnie (19 ème Episode)

 

- Ah, quel hasard et quel bonheur de te retrouver, dis-je sans voix. Qui s’assemble se ressemble, étoile filante !

- Dans le Coran, répliqua-t-elle,  Dieu a dit «Nous avons effectivement embelli le ciel le plus proche avec des lampes (des étoiles) dont Nous avons fait des projectiles pour lapider des diables et Nous leur avons préparé le châtiment de la Fournaise » (Sourate Al-Mulk).

    Cette réplique du Coran me mit la puce à l’oreille. Elle n’a jamais cité la parole de Dieu pour la rétorque. J'aime le psalmodier. Ma réflexion fut sans arrière pensée derrière la tête pour cette inamicale remontrance. 

- Cela fait des mois que je ne t’ai pas vu, dit-elle me voyant l’air irascible. Maintes fois, j’eus une pensée pour toi. La dernière fois, j’étais en mission dans ta ville d’origine. Une nouvelle belle ville ! Je voulais te parler pour te le dire, mais je n’avais plus tes cordonnées. Dans une fâcheuse dispute avec ma sœur, j’ai abîmé la puce, mais j’ai récupéré mon ancien numéro.

- Toujours la même, il faut que tu insinuasses que je devais t’appeler, dis-je avec sourire narquois. Et si on continuait notre discussion devant une boisson si tu ne vois aucun inconvénient?

 - Avec grand plaisir. Je suis libre pour une heure, j’ai une séance de natation juste après.

     Nejma est plus jeune que moi. Mais je sais, qu’elle me voue un grand respect. Et moi de même. Elle a grandie. Elle est devenue belle et charmante. Je l’admirai et l’adorer et j’avais à l’esprit une citation d’un écrivain  « je vis une jeune tige de palmier et en le voyant, je restais saisi d’admiration, car jamais un si bel arbre n’était sorti de la terre, ainsi, femme, je t’admire et suis émerveillé». Mais les conseils de la voyante m’accablèrent. Je fis mine de rien. Est-elle la vraie désirée ? Est-elle la promise ? J’en doute.

    Nous nous décidâmes de choisir, le café le plus près. Nous nous mîmes d’accord pour aller au café de la gare Rabat-ville. Nous longeâmes l’avenue Mohamed V, chemin faisant, nous nous informâmes l’un et l’autre des péripéties des mois passés durant la déchirure. Arrivés à la place Alaouite, nous entrâmes dans la gare. Nous prîmes place dans un coin discret. Avant de prendre place, elle voulut retirer le veston qu’elle portait. Je l’aidai à ôter la veste en velours nicky. J’humai le beau parfum, qui l’embaumait et je découvris qu’elle portait un t-shirt en jersey.

 - Merci, me dit-elle. Toujours galant.

- Un devoir, répondis-je. Cela fait partie de l’étiquette mondaine.

   Nous nous assîmes et nous abordâmes une conversation sur cette retrouvaille.

- Quoi de nouveau, Abdou ? M’apostropha-t-elle.

- Rien de nouveau, dis-je. Le moral est au beau fixe. Je ne me pleins point. Je travaille. Je passe mes weekends merveilleusement. Je lis. J’ai des amis sereins qui me respectent. Là où je vais-je suis le bien reçu.

- C’est bon, tu m’as toujours fascinée avec ton caractère. Tu brouillonnes encore ? J’ai toujours aimé tes historiettes.

 - Oui, Malgré le travail, je suis encore fidèle à la plume, mais ces derniers jours je paresse.

 - Donc tu n’es ni remué, ni amoureux. Car je sais que si tu cesses d’écrire, c’est que si tu n’es guère sous le joug de l’amour. Ta muse te délaisse.

 Cette remarque choqua ma modestie. Je fis semblant de ne pas entendre cette réflexion critique. C’est moi qui l’ai invitée et je dois la supporter.  

- Nejma, dis-je, la muse ne m’a jamais délaissé et je ne l’ai jamais congédiée.  Amine Maalouf l’a bien précisé : Peut-être l’écriture n’éveille-t-elle les passions que pour mieux les éteindre, comme à la chasse ces rabatteurs qui débusquent le gibier pour l’exposer aux flèches. Aussi des fois, il m’arrive de traîner et de fuir momentanément l’écriture, je fais des efforts pour courtiser ma muse.

- Je serais malheureuse de savoir que tes doigts, qui nous font rêver par leur prouesse en écriture s’arrêtent subitement de nous épater. Prends soins de ce lien qui nous lie et ne cesse pas de nous faire rêver.

    Malgré le brouhaha dans le café, ces paroles flatteuses d’une voix de sirène me parvinrent si douces. Je regardai avec admiration le mouvement de ses lèvres légèrement maquillées en rose. Je contemplai cette langue sertie de rubis. Je me dis, elle est charmante. Je demeurai perplexe. J’hésitais. Il en est des comparaisons et des ressemblances comme des pièces d'or; dont Rousseau a dit, que la première était plus difficile à gagner que les mille qui suivent. Mais où est la première ?

 - Silence radio, Abdou ? me lança-t-elle. A quoi penses-tu ?

 

    Au même moment une chaîne arabe diffusa une chanson de Rabeh Driassa « Nejma qotbiya » (étoile polaire). Je savais qu’elle aime les chansons de Rabeh. Elle se tut, pour la chantonner. J’aimais cette chanson, mais pour marquer ma désapprobation, j’écoutai ses murmures. Elle fredonnait sans chanter. 

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