Au travail, un beau matin je fus lésé, blessé dans mon amour propre. Je me senti frustré par le favoritisme, qui laisse place à l’arbitraire. Peut être existe-t-il, tant soit peu, mes semblables d’obéissance passive. Moi, je ne baisserai jamais le nez. Le responsable du service ; fit comme Napoléon qui se mit à juger les gens par la taille de leur nez, et accorda avantages à ceux ayant le grand nez. Il préfère celui qui fourre son nez dans les affaires de tous .
Selon le principe de Laurence Peter « Vous pouvez par exemple grommeler de temps en temps : C’est toujours les mêmes qui sont promus, dans cette boîte, et on oublie les meilleurs…L’incompétence créatrice offre, il me semble, un champ d’action aussi passionnant que la lutte traditionnelle pour l’échelon supérieur. Il donna un exemple : Pour son stage on confia à un maître une classe spéciale d’enfants attardés. Bien qu’on lui eût dit que ces enfants ne seraient pas capables de comprendre grand-chose, il entreprit de leur apprendre tout ce qu’il pouvait. A la fin de l’année, beaucoup d’enfants attardés obtinrent de meilleurs notes de lecture et de calcul que les enfants des classes normales. La direction de l’école pour le congédier, lui reprocha d’avoir négligé l’enfilage de perles, les pâtés de sable et autres disciplines destinés aux enfants attardés. Il a omis d’utiliser le modelage, les jeux de constructions et les boites de peintures fournies par le comité pour l’enseignement. »
Rendu camus , ne savant que dire, ombrageux, irrité, manifestant mon courroux, la moutarde me monta au nez. Je quittai le bureau. Je mis le nez dehors, pour humer un peu d’air et me recueillir. Je trouvai refuge dans une terrasse de café, loin des tracas pour ruminer mes soucis et méditer sur les facteurs intrinsèques et extrinsèques à mon mécontentement. Et penser aussi à la théorie bifactorielle satisfaction - insatisfaction de Maidani. Les chercheurs ont constaté que la satisfaction au travail est un excellent indicateur de santé et de longévité. Le mécontentement peut cependant susciter, chez l’individu, des doutes quant à sa capacité de bien faire son travail. C’est ce qui se produit en particulier si les travailleurs estiment que leur activité professionnelle n’utilise pas pleinement leurs qualifications et aptitudes.
Attablé, je demandai au serveur, une tasse de café, une bouteille d’Oulmès et un cendrier. Je lisais une œuvre de Mathilde Alanic « Anne et le bonheur » (Après les vastes horizons où son activité s’était dispersés, ces dernières années, les scènes qu’il traversait, en reprenant contact avec le monde civilisé, lui semblaient singulièrement puériles, rétrécies, mesquines. Du coin de son œil bleu, d’un bleu de glacier, l’officier dévisageait, les uns après les autres, les gens qui l’environnaient, les jugeant de banals exemplaires d’humanité. Et il leur en voulait, à ces êtres falots, incapables de résister à la maussaderie de l’heure, de dégager un si total ennui qu’il en subissait lui-même l’influence…Un bâillement près de lui s’étrangla à peine, le gagna par contagion.
- Diable ! Vais-je céder au cafard, moi aussi ? C’est trop bête ! Réagissons !)
Au moment où je pris ma tasse, je voulus imiter mon héros du roman. Mais du coin d’un œil ambre et non bleu comme la sienne. Je regardai les passants. Mon attention fut attirée par une charmante femme. Moricaude, jeune et jolie. Ardente femme, habillée en djellaba. Blanc vêtue, elle est probablement une femme veuve. Elle sortait d’une agence d’assurance. Venait-elle pour régler une affaire ou y travaille- t-elle ?
Elle me sublima. Je l’admirai de loin, retenant mon souffle. Elle se dirigea à sa Peugeot 307 noire. C’est un parking non loin de l’agence. Donc elle travaille dans cette assurance. Elle quitta benoîtement la place. J’oubliai mon désappointement. L’âme donjuanesque m’envahit. Je me pointerais là demain. Faute de grive, tue le merle me disé-je !
A suivre