Le jour suivant, je pris mon petit – déjeuner, fis le change et pris la direction de la sortie. Le bon petit hasard fit que Corrine sortît au même moment. Après un salut amical, elle me lança :
- Bonjour Abdou. Vous allez où à cette heure- ci ?
- Je vais au marché Antala,dis-je lui adressant un sourire. Je sais qu’hier vous me conseillassiez d’y aller pour la croix d’Agadez.
- En effet, je vais dans cette direction. Peux-je vous y amener ?
- Très volontiers, si cela ne vous dérange point Madame, dis-je. Je vous saurai reconnaissant.
Nous nous dirigeâmes au parking. Elle ouvrit la porte de sa Picanto couleur vert esthétique. Je pris place à ses cotés. Elle portait un tailleur vert pâle. Je regardai discrètement sa poitrine moulée dans un bustier. Son parfum m’embauma de nouveau. Elle alluma son Pionner. La douce musique latino-américaine, sans doute « Blessed » chanté par Christina Aguilera, déchira le silence. Elle conduisait lentement et sûrement. De jolis bras tenaient ferme, le volant. Un beau bracelet esclave en argent ornait son bras gauche. Moi, je restais les bras ballants devant sa gentillesse, sa beauté et son charme. Je savais qu'en ce moment, mon cœur comme d’habitude, va aux femmes charmantes. Corinne l’est. (Madame et souveraine,que mon coeur a de la peine. Le génie à son tour embrase toute chose; il vous rend sa lumière, et vous êtes la rose.G.Nerval) Mais je me tus, cherchant mes mots. Je devais parler pour voiler mon agitation intérieure, bien que je m’abandonnasse à des rêveries. Un long silence, mais je devais être poli et courtois pour ne point abuser de sa gentillesse. Corinne, elle, pratiqua un silence prudent.(Nous nous perdions exprès,et,pour nous retrouver...Nous restions des moments,sans paroles, à rêver.Lamartine)
- Corinne, tu sais que je pars ce soir, via Ouagadougou ? Dis-je pour relancer une discussion.
- Oui, je le sais. J’espère que le séjour fut agréable.
- Oui, madame, un séjour bienheureux. Nous ne nous plaignîmes guère, Les autochtones furent aimables et gentils. Notre femme- hôtesse fut aussi à la hauteur de son hospitalité et renom. Il fait beau y vivre dans ce pays.
- Un devoir monsieur, répondit-elle, avec un large sourire.
- Il me semble que vous êtes heureuse, Corinne, dans ce pays !
- Ma passion réside dans tous ce qui m’intéresse. Seule ma fille compte pour moi. Son avenir et son devenir m’incombent. C’est dur d’être femme dans ce bled. J’évite de me remarier. Les hommes m’ont fait souffrir et c’est certainement pour cela que je me suis endurcie et que je ne m'ouvre pas facilement. Je ne sais pas pourquoi je vous raconte ma vie. Mais sachez que je suis une femme sensible qui a beaucoup pleuré et qui laisse encore couler des larmes.
- Je vous comprends madame. C’est sage comme décision, notamment pour l’éducation de votre fille. Vous êtes ce qu’on appelle madame couveuse. Balzac a dit « Vos femmes les plus nobles sont ainsi devenues d'estimables couveuses ». Bonne chance mère courage.
Après dix minutes, nous voilà arrivés au marché. Je descendis de la voiture et prit congé d’elle. En démarrant elle m’adressa :
- C’est là ! Entrez à gauche vous trouverez les bijoutiers et bonne chance. Au juste ; vous n’allez pas trop tarder là. J’en ai pour 1 heure et demie pour retourner. Si vous êtes là, je vous ramène à la cité.
- Bien merci, sans aucun doute. J’y serais là pour vous attendre, dis-je.
Nous nous quittâmes ravis l’un et l’autre. A l’entrée, je fus abordé par un homme de couleur, tenant un sac en plastique sombre.
- Papa achètes çà s’il vous plait!
Il ouvrit le sac, le scrutant, ce sont des pommes de terre.
- Oui, mais monsieur, ma famille est au Maroc, dis-je abalobé.
- Oui, emmenez donc cela pour la famille.
J’évitai de sourire, pour ne point blesser ses sentiments. Il fut dans les patates.Le Maroc ne manque pas de tubercules. Je tirai de ma poche un billet de 1.000 CFA, que je lui remettais.
- Merci patron, me dit-il, me délaissant, l’air content.
J’entrai dans ce grand marché, l’un des plus intéressant de l’Afrique de l’ouest. Des étalages des tissus magnifiques , des objets en cuir, des bijoux, des couvertures djermas, et bien des choses impossibles. Je cherchais une boutique de bijoux. Les marchands m’invitèrent à visiter leur étalage. Je feignis ne pas entendre. Je pus trouver une boutique et ma croix d’Agadez que j’achetasse après un petit marchandage sur le prix. Pour ma sœur, résidante en Belgique, j’achetai un Iferouane, un penditif semblable à la croix d’Agadez. Par une hospitalité légendaire, le marchand, me proposa un verre de thé. Il me restait un peu de temps encore et j’acceptai l’offre modestement. Car depuis mon arrivée, je n’ai bu ce breuvage national. Il sut que je suis marocain. Il me relata le beau geste de notre Roi à Maradi.
- SM le Roi Mohamed VI s’est rendu, le 18 juillet 2005, au Niger dans le cadre d’une isite humanitaire dit-il fièrement. Lors de ce voyage Royal, le Souverain, ajouta-t-il, a visité l’hôpital installé le 9 juillet 2005 par l’armée marocaine à Maradi, à 550 Km au sud-est de Niamey.
- Un exemple de solidarité sud-sud, répondis-je. J’ai remarqué, que le Niger est en progrès constant. Le Nigérien est homme travailleur.
- Oui, n’y gère rien ! répondit-il, l’air sournois.
- C’est vous qui le dites. Vous excellez dans les jeux de mots monsieur. Moi je dirai, le bijoutier pare les cous, le maître d’armes pare les coups et la couturière parle et coud.
- Génial ! Vous m’étonnez monsieur. Merci pour Niamey et son bijoutier.
- Mais sincèrement, j’ai constaté la ville propre, la verdure est présente dans tous les recoins de Niamey.
- En effet, mais il y a des secteurs négligés. J’ai eu l’occasion de visiter votre beau pays. Je suis un des tijanes. J’ai vu Casa, Rabat et Fès bien sur. Des villes propres et sécurisées. Je notais l’absence du racisme. Les africains sont les leurs. Mais sans tarabiscoter, vous avez aussi un jeune et grand Roi qui veille à la prospérité et la pérennité du Maroc. Je lis les reportages des journalistes sur Laayoune et le Sahara. Sans vous lancer de lauriers, c’est grandiose et phénoménal ce que le Maroc érige dans sa région. Que Le Très Haut protège votre Souverain, Amen.
- Amen ! Dis-je. Un collègue journaliste africain, m’a dit récemment : Ah si vous pouviez nous prêtez votre Roi, seulement une année !
- Il n’a pas tord de le demander ! Votre pays s’investi en Afrique, c’est de bon augure. Plusieurs pays de la région s’imprègnent sur le modèle marocain. Vous avez beaucoup d'envieux et jaloux, mais qu'importe, les chiens aboient et la caravane passe.
- Dites moi, les journaux sont-ils quotidiens à Niamey ?
- Oui, ils paraissent chaque jour, sauf le dimanche.
- Ah, ce jour ils paressent !
- Vous m’avez eu là, monsieur est toujours plaisant.
Je consultai discrètement ma montre, c’était l’heure. Je demandai la permission de partir. Je remerciai mon hôte, pour le verre de thé et le débat. Je lui serrai la main. Elle fut molle et moite. La discussion l’aurait agité d’un vif sentiment. Je regagnai la sortie, en passant prés des étalages où tous les objets inimaginables sont exposés. Des postes radio, des appareils photos, des cassettes, des clefs, outils et ustensiles jonchaient sur les devantures des boutiques.
Une fois dehors, j’attendis cinq minutes et je vis la Picanto. Corinne s’arrêta juste devant, pour m’ouvrir la porte droite.
- Woo (Bonjour) dis-je plaisantant.
- Poo ! U sewo. (bonjour, ça va)
- Sewo! Corinne.
- Compliment Monsieur, Je vois que vous apprissiez, vite les convenances du salut. Avez-vous trouvé ce que vous cherchassiez ?
- Oui, je suis subjugué et charmé par ce marché. J’ai pu acquérir deux colliers. Merci pour votre aide variée.
Lors du retour un courant aimable siégea. Telle l’onde entre les dauphins. J’évitais toujours, de profiter de sa complaisance et indulgence. Par contre nous nous promîmes de rester en contact en échangeant nos coordonnées respectives. Elle m’informa que dans deux mois,qu’elle visitera le Maroc. Par nostalgie, sa fille doit revoir son père à Casablanca. Je la priai de m’informer du jour de leur arrivée par courriel.
Nous arrivâmes à la cité, peu après. En descendant, Corinne me dit, d’une voix douce et onctueuse :
- Cher monsieur, c’est le moment de vous dire mon au revoir. Je vous souhaite tous les deux un bon retour. Transmettez mes amitiés à votre ami.
- Merci, Corinne de cette affectueuse amitié, marmonnai-je avec enthousiasme. J’attends de vos nouvelles une fois au pays.
- Inchallah, dit-elle, la voix sucrée. Soyez prêts à l'heure pour ne point rater l'avion.
- Qui trop embrasse manque le train, dis-je avec un leger sourire. Je n'oppresserai aucune!
Nous nous saluâmes par bise sur les joues. Je restai calme et serein. Le soir, je rangeai ma valise. Gharib et moi partîmes à l’aéroport tard dans la nuit.
Salé, le 20 Août 2008