19488

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Au Café du Tramway !


Suite de « Au Hammam !

     Trois jours après la publication du billet «  Au Hammam », je m’attablai le dimanche matin, au nouveau café Le Tramway. Je demandai un café serré, une bouteille d’Oulmès et un cendrier. Je lisais le roman « l’amour du temps du choléra » du Colombien Gabriel Garcia. Ce beau livre m’a été recommandé par Mymouni, professeur et grand amateur de la littérature. Une histoire d’amour de cinquante ans, durant lesquels un homme attend la femme qu'il aime, mariée à un autre.

        Tandis que je dévorai la belle œuvre, Aziz, un ami de longue date me rejoignit à table.  Après les salutations et démonstrations de civilité, il prit place à mes cotés. L’un et l’autre nous nous demandâmes les nouvelles de nos familles respectives. Aziz est un homme d’une bonté exemplaire, plein d’aménité et d’affabilité. Il est cadre de la santé publique. Ce que j’admire en sa personne, c’est la recherche et l’efficacité pour guérir le malade.

    J’appelai Najate (aucune liaison avec najategate), la serveuse  pour servir  mon invité. La commande d’un jus d’orange ainsi fut, il me dit avec un large sourire :

-         J’ai lu dans un quotidien sérieux, qu’une société portant le nom de "Ma santé", prétendant agir dans le cadre de l'INDH, vend des cartes de santé éponymes à 50 dirhams l'unité. Le Conseil régional de l'Ordre des médecins dénonce ce qui ressemble à une grosse arnaque. Est-ce vrai ?

-         Oui, moi aussi j’ai lu, il y a quelques temps cet article, dis-je. Une longue liste circulait, sur laquelle sont inscrits les noms et adresses des médecins, des cliniques et des laboratoires supposés partenaires de ladite société. Il s’agit environ d’une centaine de médecins généralistes, spécialistes dans les différentes disciplines médicales à savoir chirurgiens-dentistes, diabétologues, gynécologues, cardiologues ophtalmologues. C’est de l’arnaque tout court !

-         Tu parles d’arnaque ? m’apostrophait-il. Les Marocains ces dernières années sont la cible préférée des escrocs. Après l’affaire Anajate, il y eut plusieurs filouteries. Hier soir, j’ai visité ton blog. Ton dernier billet m’a sidéré. Il diffère des précédents. J’ai aimé l’histoire, notamment la façon de décrire la scène du hammam. S’agissant de tromperie du maladroit bijoutier, c’est bien fait pour lui. Il le mérite. 

-         Compliment m’allant droit au cœur Aziz. Entre nous, ce qui se parle, doit s’écrire et tout doit se parler ! J’ai trouvé l’histoire intéressante et je voulais la partager.

-         Je vais te narrer une escroquerie, ficelée et exécutée par des professionnels. En lisant ton dernier billet, je suis venu spécialement pour te voir affirme-t-il.

-         Crois-moi Aziz, je la partagerai avec les lecteurs, dis-je harmonieusement. Je me dois de la vulgariser à titre d’enseignement. Un homme averti en vaut deux!

        Je me lançai à l’écouter, quand un importun quémandeur en haillon s’approcha de nous. Il portait le tee-shirt numéro 10 de « Barca ». Si sale et crasseux que les couleurs eussent terni, rendant ainsi ceux qui l’aperçoivent, des  daltoniens. Mal rasé, la chevelure ébouriffée. Un saligaud au nez de betterave, il nous sollicita :

-         Hajji (nom pour nous flatter), aidez moi pour acheter un morceau de pain, avança-t-il en parfait dribleur!

            Je suis un fan du barca, j’eus pitié du cheminet. Je cherchai une pièce dans ma poche, que je lui  remis en lui disant avec raillerie :

-         Tiens pour le morceau de pain, mais n’oublie pas de boire à ma santé ! Dis-je, en allumant une Winston.

       Mon ami Aziz, pouffant de rire me dit, les mendiants sont les seuls qui se rappellent le mieux de leur passé, parce qu’ils voient toujours le « sous venir ». Revenons à notre sujet, continua-t-il, l’air jovial.

             Au moment où il allait relater l’histoire, que voici un autre intrus qui nous assiégea.  Cette fois-ci, c’est un marchand ambulant. Il vint nous proposer des articles mis dans un plateau. Un homme de couleur. Sans doute un clandestin de la région subsaharienne, en transit vers l’Eldorado. Il a mis une boucle d’oreille sur le lobe de son oreille droite. Je fus sûr et certain qu’il n’était guère natif de Paris. Il vendait des lunettes de soleil Ray ban cockpit d’imitation, des répliques montres Jacquet Droz, des Hermes, des Hebel. Il écoulait aussi des coupe-ongles et quelques articles. Il s’adressa à Aziz lui disant :

-         Patron, pour vous protéger du soleil, achetez des lunettes.

-         Pour vous papa, ces belles montres, me dit-il, vous permettent d’être à l’heure aux rendez vous d’affaires.

-         Quelles affaires ? répondis-je avec le sourire.

     Je ne voulus pas dire ma réflexion à haute voix, ni lui donner mon esprit et ma manière de penser. Cet homme ignore l’euphémisme de ce nom charmant avec les dames de hauts rangs. Faisant semblant d’être las de porter le plateau, il le déposa sur mon portable que j’eus délaissé par inattention sur la table. Voyant que nous ne sommes pas intéressés par l’achat, avec doigté, il prit le plateau en soustrayant mon portatif. Mais en se retournant pour nous quitter, mon fidèle mobile traumatisé par ce rapt lui fila, glissa d’entre ses mains. Mon Iphone tomba. Heureusement, que l’étui en caoutchouc amortît le choc.

- Patron, je ne l’ai pas fait exprès. Je gagne ma vie honorablement. Excusez-moi !

-         Ce n’est point grave, Dis-je. L’incident est clos !

       Nous fûmes conquis par la pitié. Nous le laissâmes partir, mais sans le ménager avec de caressantes grondades. Ce fut pour moi une leçon, pour veiller sur mon bien ! Après avoir bu une gorgée du jus d’orange, Aziz reprit sa narration.

     La scène se passa dans le quartier chic M’hidra. Un homme habillé en djellaba, barbu, quadragénaire, portant une calotte rouge, entra dans une bijouterie. Il saluât avec courtoisie en entrant. Il tenait à la main un beau cartable ligne Bahia, lui donnant l’étiquette mondaine. L’orfèvre  assis sur une chaise, répondit au salamalec, se leva pour l’accueillir derrière la belle vitrine pavoisée et agencée. Le visiteur, lui remit une boucle d’oreille dormeuse en or.

-         Monsieur, serait-il possible de restaurer cette boucle ?

-      Le prenant, en maître bijoutier. Après avoir vérifié le pivot défaillant, il dit au visiteur qu’il peut le ressouder.

-     Pouvez-vous, me le réparer maintenant et combien votre prix? lui dit-il.

-   Ce sera trente dirhams pour vous et revenez dans une heure, l’assura-t-il.   

-         Monsieur, je suis homme âgé et fatigué, puis-je m’asseoir sur ce banc en attendant la restauration de la pièce ?

-         Sans problème asseyez-vous.

    Il s’assit juste devant lui. Cinq minutes passèrent, une femme élégante entra dans la bijouterie. Elle portait une djellaba Mkhazniya. La quarantaine (le cap de la bonne expérience), emplie des effluves du parfum Hypnose Lancôme. Une femme parfumée, mais sans odeur de sainteté. Elle portait des lunettes de soleil Dragon Cavalera, sur ses cheveux qui enserraient et veiller sur sa belle coiffure de star. Ainsi, elle les gardées à la portée de sa main. D’une voix de sirène, elle demanda le prix des bracelets, et des chaînettes. Constatant que les prix sont onéreux, elle quitta la bijouterie en s’excusant du dérangement.

 

    Durant la narration, je fus tout ouïe. J’écoutais sans l’interrompre Aziz. Il s’offrit une pause pour siroter son jus. Je fis de même, je finis de boire ma tasse qu’au marc.

      Cinq minutes passèrent, reprit-il, un homme d’âge mûr, habit très recherché, entra dans la joaillerie. Il salua poliment le bijoutier et demanda avec un langage courtois, le prix d’un anneau et celui d’une gourmette. Le coût est un peu exorbitant, produisit-il. Il quitta les lieux. Le voyant sortir, il dit au barbu :

-     C’est vraiment bizarre ! Ces deux visiteurs d’il y a un instant, n’ont pas vu, ni remarqué votre présence avec moi, monsieur !dit-il.  

-         Tu sais mon fils, je ne suis vu que par les enfants bénis de leurs parents et les gens de bonne famille. Les malfrats et les bâtards ne s’aperçoivent guère de mon existence. Ma lignée de chérif est pure. Crois-moi, il y a deux jours j’étais aux Lieux Saints. Il tira un mouchoir de la poche de sa djellaba qu’il remit au bijoutier. Hume les senteurs des Lieux Saints, lui dit-il.

      L’orfèvre heureux de cette aubaine, lui qui rêvait depuis belle lurette de visiter ces Lieux de pèlerinage. Il se leva, tendit ses deux mains. Se prosternant avec génuflexion, l’esprit d’humilité, il prit le sacré mouchoir. Il aspira avidement et profondément le tissu de cellulose. Chloroformisé, il s’endormit tel un ange sur sa chaise. L’anesthésiste tira de son cartable,  un gant de la main droite qu’il enfila. Le gougnafier en adroit, rafla toute la devanture de la vitrine sans omettre de reprendre sa boucle endormeuse. Il mit le « gibier dans sa carnassière ». Ses acolytes, les deux précédents visiteurs, le rejoignirent après un signe de reconnaissance. Assurés de leur rapine, heureux de leur opération réussie, ils prirent la poudre d’escampette.  

-      Quel galifard ! Quel naïf ! dis-je à Aziz. “ Apprends la sagesse dans la sottise des autres “, disaient nos ancêtres !

 

 

Salé, le 27 Mai 2012 à 23h20 de relevée.

Les commentaires sont fermés.