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Et compagnie (8 ème Episode)

         Elle s’arrêtait de temps à autres, pour manger ou boire de l’eau que je lui servais par galanterie. Durant son récit, elle redéposait ses baguettes sur la table. Elle plantait parfois ses yeux dans les miens pour voir, si je suis attentionné à son récit. J’eus par moment les yeux de Chimène. Je ne pus m’empêcher de la regarder et l’admirer durant sa narration.

         - J’ai oublié de te dire, indique-t-elle, qu’auparavant et durant la seconde guerre mondiale la France cherchait  des guerriers aguerris. Elle opta pour la région de Zemmour et Zayane pour enrôler et embrigader les soldats, les goumiers, afin de libérer son territoire de la domination allemande et aussi pour guerroyer en Indochine.

         Vers les années soixante, et à l’aube de notre indépendance, marmonna-t-elle, l’Hexagone cherchait une main d’œuvre bon marché. Elle  eut l’idée d’envoyer un militaire, Mora,  dans la région du Souss, pour recruter des jeunes, forts et en bonne santé afin de travailler dans les mines. Durant le protectorat, le Résident général savait l’indocilité, le courage et la sérénité des Soussis.

        Ainsi, le sergent Mora devait recruter des hommes ne sachant ni lire, ni écrire. Ceux qui parlent le français furent automatiquement bannis. Ils ne devaient porter aucune étiquette extérieure de la modernité, même l’habit d’un slip. Il examinait les dents, les oreilles, les yeux, les muscles et la colonne vertébrale.

       Je remarquai qu’elle était excitée et d’humeur coléreuse en exposant l’histoire de son père. J’acquiesçai d’un sourire pour la soutenir dans son récit.   

         Les responsables locaux facilitaient sa mission, rajoutât-elle. Ils avaient chargé des crieurs publics pour lancer l’appel au recrutement. Mon père eut vent de cet enrôlement, par le biais des jeunes du douar.  Sans dire mot à ses parents et après mûres réflexions, il décide à tenter sa chance. Vu sa carrure, Il ne trouva aucune difficulté pour être embauché. La commission chargée du tri, tamponnait avec un cachet de couleur verte le thorax des recrues qui doit urgemment gagner le jour qui suit, Ain Borja à Casablanca pour une visite médicale approfondi. Le cachet s’effaçait après quarante huit heures. Par contre le rouge était destiné aux recalés. Certains s’arrachaient la peau en essayant de l’effacer pour retenter leur chance. Essoufflé, en sueur, un ami de mon père, craignant d’être refusé, lui demanda; de poser le cachet vert sur sa poitrine. Cette triche lui permit à passer le contrôle médical.

-   De l’esclavage pur et simple, dis-je, l’interrompant pour lui donnait un temps de répit ! Tu sais Rahima, je me demande sur le sort du bélier. Qu’advient-il après cela ?

-      Ah le mouton! dit-elle avec un large sourire. A son retour de Casa, avec avis favorable, mon grand-père, heureux de cette aubaine, organisa une réception de charité en son honneur. Des fkihs qui psalmodièrent le Coran, ainsi des villageois riches et démunis y assistèrent. Le bélier fut sacrifié et le couscous fut servi à cette occasion aux invités. Pour l’histoire, mon père n’a pas voulu assister à la scène où mon grand-père immola l’ovidé. Il ne cessait de clamer, si moi je vais au paradis français, ce mouton ira lui, au vrai paradis de l’au delà.  Après le départ, des fkihs, tard dans la nuit, une troupe de femmes chantèrent des chants, Izlan  glorifiant les vainqueurs et médisant les recalés.

- Dis-moi Rahima, j’ai remarqué que depuis notre rencontre, Tu ne parles point l’arabe.

- Oui, c’est vrai ! A l’âge de trois ans, j’ai regagné la Lorraine. Je ne parlai que Soussi, ma langue maternelle. J’ai appris le français là-bas. De retour au Maroc, bilingue, je ne connaissais seulement que quelques bribes de l’arabe.  

A suivre./...

 

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