- Merci mon poète et écrivassier. Depuis hier soir je pensais à te parler de la ville de Sidi-Ifni et de la tribu combattante Ait-Baamrane. Il se peut que tu en aies besoin pour tes reportages.
- Oui, laissons cela pour une autre fois et parlons d’autres choses. Plusieurs journalistes, écrivains et chercheurs ont vulgarisé ces sujets. Il me faut des scoops sur le social.
A ce moment là, une dame, souriante s’approcha de notre table. Je reconnus ce visage aimable. Je répondis au sourire d’Amina. Une assistante dans une clinique à Rabat. Elle aussi de la région d’Agadir. Toute resplendissante de charme, de joie et de santé. D’une voix chaude, elle m’adressa, imitant mon salut préféré :
- Ah te voilà Abbèss ! Contente de te trouver dans ces lieux !
- Ah te voilà Amina ! Que sont mes amies devenues ! Quel bon vent t’amène !
- Je suis en congé et je revisite ce coin de paradis. J’ai aperçu ta 403 devant le restaurant, je tenais à te dire bonjour.
Je fis la présentation des deux dames. Enchantée l’une et l’autre se dirent-elles entre deux échanges de civilité. Elles se parlèrent en souriant.
- Tu es encore là, pour combien de jours, cher ami ?
- Non ! Je repars demain inchallah. J’ai presque terminé mon travail.
- Bon retour donc ! Je serais à Rabat la semaine prochaine.
- Soit ! Prends soins de toi. Bonjour à toute la famille, notamment à ta maman.
Amina demanda poliment la permission de disposer. Elle nous salua et ressortit. Jade est restée sans mot dire. Je remarquai son irritation.
- Ah bon tu quittes demain. Tu devais m’informer au moins.
- Mais j’allais le faire lors de notre retour.
- Tu devais me le dire avant de le savoir d’une manière fortuite. Qui est cette femme ? m’apostropha Jade.
- Une connaissance de la capitale, répondis-je innocemment. Nous faisons des échanges de romans et revues. Elle est une grande lectrice.
- Humm !! Saches que cela, ne me regarde pas, dit- elle en mussant un sourire flûté.
- Pourquoi tu appuies sur la chanterelle Jade? Dis-je, le ton boudeur.
- Loin de là, ce n’est pas de l’esbroufe. Il n’y a rien entre nous deux. N’imagines surtout pas que je suis jalouse.
- On dirait un « saint Jean » bouche d’or, susurrai-je, le visage souriant. Mais pourquoi tu enfonces le clou ?
Ces quiproquos embrouillèrent notre discussion. Je me demandai si c’est l’arrivée de la femme qui est à l’origine de cette jalousité ou bien mon non diplomatique, d’ouïr son récit sur Sidi-Ifni. Nous terminâmes notre dessert. Sans attendre, je fis appelle au serveur pour l’addition. Moi qui prenais un café après un bon déjeuner. Je réglai la facture et fis signe à Jade que nous quittions le restaurant. Au sortir, le serveur me remit mon manteau.
Lors du retour, nous ne nous échangeâmes aucun mot. Elle fredonna une chanson à peine audible, tel un murmure ’’Parlez-moi de lui’’.
- C’est une chanson de Dalida que tu chantonnes ? Demandai-je.
- Oui, mais Françoise Hardy aussi la chante dans son Album ‘’comment te dire Adieu’’. Finissant sa réplique, elle se tut et se refugia dans un épais silence. Etait-ce des paroles insinueuses ?
C’était la déchirure d’une amitié née, d’il y a trois jours. Un sentiment de culpabilité m’envahit. Mais je chassai cette appréhension. Des flots de pensées et soucis lancinants obsédèrent mon esprit .
- Les bonnes choses ne durent jamais, fit Jade interrompant le silence.
- Pourquoi cette réflexion ?
- Je me réfère à Sand dans son dit « je crus longtemps que les transports et les jalousies de l'amour étaient inconciliables avec la divine sérénité de l'amitié, et, à l'époque où je connus Rollinat, je cherchais l'amitié sans l'amour comme un refuge et un sanctuaire où je pusse oublier l'existence de toute affection orageuse et navrante ».
- Je récuse cette idée. Notre amitié est fraternelle !
- Fais-moi l’amitié de croire que celle-ci n’existe pas entre un homme et une femme.
- Jade ! Tu es jeune, belle, charmante, joviale et intellectuelle. Tu travailles, tu gagnes un salaire honorifique. Heureux sera l’homme qui te prendra pour épouse. Ce n’est pas que je fuis tes sentiments. C’est un honneur pour ton ci-devant. Je suis seulement de passage, et je ne voudrais en aucun cas abuser ni de ta gentillesse, ni de ton amitié.
Ce dit fort au dessous de la vérité l’ébranla. Dans son œil inquisitrice, brilla une petite lumière de fierté. Elle poussa un profond soupir.
- Quelqu’un lèche quelqu’une, souffla –t- elle.
- Non Chère amie! Ce n’est nullement une galanthommérie. Je dois te remercier Jade, pour tout ce que tu m’as fait durant ces trois jours. Disai-je pour taire sa réponse. Tu fus aimable crois moi.
- De rien, répondit-elle sèchement. Je dois écraser la photo prise se matin. Elle disait cela en saisissant mon appareil ‘’ Canon’’ mis dans la boîte à gants.
Elle chercha son portrait et l’arasa. Ainsi, elle effaça charme et souvenir. Lors du repas, elle m’avança qu’elle gommait tous le monde pour que je restasse seul visible.
- Jade, restons amis veux-tu !
Sa réponse fut un long silence. Elle se dégrisait, dépitée. Je la conduisis gentiment, près de sa Mercedes, où je la déposai. Elle me serra la main de l’amitié, sans le baiser furtif.
- Merci pour ces randonnées. Adieu mon ami, nous ne nous reverrons peut être jamais. Mais, j’ai tes coordonnées pour te contacter.
- Ce n’est qu’un au revoir Jade.
Je fus gêné aux entournures. Mais je songeai que « Les femmes ne sont, tout compte fait que le principe antagoniste du temps, des horloges sauvages qu’il faut savoir remonter à intervalles régulier avec des clés que la nature nous a données ». Qui vivra verra!!
FIN