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Courti Abdou senior

  • Trituration

                                                           Trituration

    Ainsi deux jours après la cueillette du fruit, la récolte est  emballée dans des sacs, entreposés sur une natte, et non sur le sol. Miloud, le propriétaire de  la Pickup est chargé du transport du produit vers une unité d’extraction. Cette année, j’ai opté pour une traditionnelle. J’estime que le pressage à froid est meilleur que celui fait à l’eau chaude. L’huile vierge  extra d’une presse à froid, conserve toutes les qualités nutritionnelles. Le gain de deux ou trois litres par un quintal n’est guère profitable. Il y a ce risque de chauffage de l’eau. L’extraction du moût d’huile à froid est préférable.

    Une fois arrivés à l’unité, le spectacle est fabuleux. Les gens sont heureux et souriants. Des gars sortaient portant dans des bidon, un liquide rouge. Ce contenu est le margine. Selon un connaisseur, il est utile à médicamenter les plaies et les rougeurs des jambes. A droite de l’entrée des sacs d’olives empilés en palettes de bois attendent leur tour. A gauche, de grands tas de grignon gisent sur le sol. A noter que le grignon d’olive (épicarpe) est la partie résiduelle de l’olive après la trituration. (Il contient encore de l’ordre de 4 à 5 % d’huile, parfois plus en fonction du mode de trituration. Cette huile, appelée huile de grignon d’olive, est extraite du grignon, après séchage de celui-ci, à l’aide d’un solvant alimentaire généralement de l’hexane. Une fois le solvant évaporé puis condensé pour être recyclé, l’huile brute est raffinée, lavage à l’eau, neutralisation,  décoloration et désodorisation. Cette huile de grignon d’olive est utilisée localement pour la cuisine surtout dans les provinces du Sud du Maroc. Une partie est également exportée vers l’Europe et les États-Unis. Il faut noter que cette huile de grignon peut remplacer avantageusement l’huile d’olive pour toutes les préparations culinaires cuites. À noter également que l’huile de grignon d’olive, riche en acide oléique et moins cher que l’huile d’olive, peut servir de matière première pour toute la chimie verte demandant une molécule réactive grâce à sa double liaison et à sa fonction acide organique). Tous sert, rien ne se perd !

    La cargaison est déchargée et mise en place sur palettes en bois. Deux jours avant, j’ai envoyé mon ouvrier pour prendre un rendez-vous. Mon rang est le 334. Une fois dans d’enceinte de l’unité, je suis surpris par l’ambiance. Des gens son attablés et déjeunent goulument. Au menu des pains d’orge fait maison (mahrache ou pain crone), un grand plat d’huile d’olives, deux théières un pour les diabétiques. Le parfum de l’huile d’olive et du thé à la l’absinthe font une odeur orthonasale singulièrement marocaine !

    Deux jours aprés, je retournais à l’unité pour enlever les bidons du produit trituré. La récolte a été fructueuse, Dieu merci !

    Pour mémoire, Sept sourates du Coran sont consacrées à cet arbre. Jâbir (qu’Allah l’agrée) relate que le Messager d’Allah (sur lui la paix et le salut) a dit : « Il n’est pas un musulman qui plante un arbre sans que tout ce qui en est mangé, volé ou prélevé ne soit considéré comme une aumône de sa part. » 

     

     

  • La cueillette d'oliviers

    J'ai remarqué que les gharbaouis du nord du Maroc, pour la cueillette des fraises, s’en remettent aux femmes. Celles-là, ont des doigts fins et doucereux. C’est pour cela que les fruits rouges grossissent à la présence de la femme. Les Espagnols comprirent le Stratège et depuis des années, recrutent la main d'œuvre marocaine. En suivant la  même méthode, j’ai utilisé la junte féminine. L’arrachage à la main d’une à une, est meilleur que le peigne, ou le petit de râteau à main. En tant que nouveau oléiculteur, j’ai évité le secoueur, le vibreur des troncs et aussi pour préserver ces jeunes arbres Haouzia et Ménara. Le résultat est probant! Attendant donc le raffinage de ce fruit. Ce sera une huile extra-vierge du fameux terroir de Benguerir. Une huile agréable sur le plan sensoriel !

    Lors d’une discussion avec un ouvrier agricole chevronné, il m’a surpris en me disant que tous les arbres dorment. L’olivier, lui ne dort jamais. Après la cueillette, il se remet au travail. En cherchant sur le Net, je trouvais qu’il avait  raison. La nuit, les arbres se mettent en position de sommeil. Dans l’heure qui suit le coucher du soleil, l’arbre tout entier commence à s’affaisser. Ce phénomène s’appelle la nyctinastie .Dire qu’il y a aussi dans la nature, des plantes pour bien dormir !  

     

  • Avant-propos

         « Seules les mères et l'écriture ne nous abandonnent pas. Chaque cahier qui s'ouvre est un berceau calme et blanc. Chaque cahier fait de nous un enfant, un bébé. Philosophe Grec »

     

           Dès mon jeune âge, la ferveur de la lecture m’a été inculquée par Madame Caravella, une française d’une bonté inouïe. Elle me donnait des romans et des albums des bandes dessinées à titre de récompense des courses dont elle me chargeait. J’emmagasinais, j’entassais les histoires, les idées et les styles.

          Un jour, ma fille benjamine me soufflait l’idée de noircir, de brouillonner des historiettes, en me proposant de créer un blog. Elle était toujours contente de mes écrits. J’hésitais au début pour sa proposition. Tenace, elle me convainquait. Dès l’abord,  j’entamais des essais, que je rédigeais sans souci de la forme.

          J’épousais donc, l’idée. Ma mémoire enregistre sur le vif des séquences et des instantanées quotidiennes inintéressantes, insignifiantes pour des uns, anodines pour d'autres. Ces reliques entassées de mon passé, de ma jeunesse m’obligent en conséquence à les accoucher sur papier. Personnellement je fais d’une scène des événements. Une imagination fertile et féconde dira-t-on.

          En toute sérénité, ces dernières années et à l’aube de ma retraite, je rêvais de laisser un recueil, petit soit-il, englobant ces mémoires afin de signer mon passage dans cette vie. Ainsi, mes petits enfants, diront me lisant, avec satisfaction : De son vivant, feu nôtre grand père fut un écrivaillon et un poétaillon ! 

     

                                                                                                             A.C.

  • TROPE

     

         Ce jour 13 Ramadan, je fis le rat dans ma bibliothèque bleue. Je dis bleue car elle englobe aussi des œuvres littéraires du 14 ème siècle. J’étais loin de ce prestigieux cercle. Une amie bouda ma paresse, me reprochant cette absence de narration. Les araignées ont tissé de grandes toiles durant ton absence, me dit-elle, pour me taquiner. Je voulais de nouveau sentir l’odeur de l’encre. Je ne pouvais plus mater cette excitation. Tant mieux, j’aspirai à ne plus faire le sang d’encre. Ecrire signifie pour moi dire quelque chose d’une manière plus belle qu’elle ne l’est en réalité. M. Walser.

         Moi, j’aime la vie. Je positive. Je suis heureux et j’ai décidé de l’être. D’une conversation anodine, je sus qu'un proche de mes amis, s’est séparé de sa meilleure copine. Une amitié immanquable. Cet ami quand il échoue, il claque dans ses mains. Quand il a peur, il claque ses dents. Quand il a faim, il claque du bec. Avant de rompre avec elle, il claquait sa langue pour décrire sa bonté et sa générosité. Son amie lui claqua la porte au nez et refusa de le revoir. Pourtant, il prescrivait à la prendre pour femme la voyant douée d’une noble âme. Mais une simple dispute, fut la cause d’une grande déchirure et le projet culbuta le mettant ainsi dans le désarroi. Il l’aimait. Ce n’est point une pensée, mais un sentiment m’affirmait-il, la gorge serrée, souriant bêtement et le souvenir ravivé. Il se demanda comment osa-t-elle demander sa relève du service pour une affectation dans un autre département, car ils travaillaient ensemble depuis deux ans dans le même bureau. Je ne suis pas un croque-mitaine, me dit-il, prit par des sautes d’humeur et d’idée. Elle peut partir quand elle le voudra, mais cet agissement me fit mal.

        Maintes fois, il me raconta, leur jeu intelligeant au bureau en s’amusant à jouer en duo la pièce théâtrale d’Ionesco " la cantatrice chauve" Durant les pauses, ce fut leur passion favorite.

         Curieux je lui demandais, le genre de cet amusement pour qu’il dégage son énergie négative. Affichant un large sourire, il débita leurs jeux instructifs. Nous nous adonnions à proposer des mots, et l’un et l’autre nous devions dire son homonyme ou bien le composer dans une phrase. Je m’explique, dit-il les yeux brillant de joie. Les deux jours du week-end languissaient pour nous. Parfois pour dissiper la nostalgie nous chations.

        Un beau matin du lundi où nous reprenions le travail, l’esprit frais, je lui disais lors de la pause et après lui avoir demandé ses activités durant le repos de fin de semaine:

    -      Vois-tu ma chère, toi et moi nous ferons un beau couple. C’est ma façon de lui dire qu’elle m’intéresse. 

    -      Ah non, dit-elle, avec un large sourire ! Le couple est le lieu qui sert à attacher deux chiens de chasse.

    -      Loin de là, dis-je l’air hébété. Je pense à notre union mon amie.

    -      Tu en rajoutes là, l’amie est un poisson sans crins et je ne suis pas chauve.

    -      Oui, tu n’es pas «la cantatrice chauve» de la pièce que nous aimons jouer. Tes piques sont gentilles mais vives.

    -      Je partage ton avis.  Mais vive est aussi de la famille des  poissons marins perciformes.

    -      Tu sais ma chère, dis-je semblant d’être agacé. Je pense bientôt me séparer de ma meilleure compagnonne.

    -      Moi aussi, prochainement, je vais me séparer de mon meilleur ami. Dit-elle l’air moqueur.

    -      Mais moi je parle de la cigarette, dis-je, ahuri .

    -      Mais moi aussi, je parle de mon nom, puisque je vais porter le nom de mon mari, dit-elle l’air rassuré.

    -      Passant veux-tu. Tu m’épates ce jour, tu mènes le score.

    -      Victoire ambigüe. Passant est la scie du bucheron, mon ange !

    -      Et l’ange, ma chair, est un poisson à front jaune.

    -      Je suis bien assise sur ma chaire. Elle n’est point une chaire de mensonges !

    -      Mais, nous ne mentons pas je pense!

    -      Non, mais nous ne montant pas sur nos ergots je pense ?rétorqua-t-elle avec une moue interrogative.

             Vraiment astucieux votre jeu. Au lieu de croiser vos bras, vous croisez vos mots, dis-je, l’encourageant à continuer sa narration.

    -      Tes rétorques sont bizarres, reprit-il.

    -      En ornithologie bizart est le nom d’un oiseau, dit-elle.

    -      Tu sais cette discussion, me rappelle notre soirée au net. Comme si nous chatons via Hotmail.

    -      Mais chatons sont les fleurs du noyer et du saule !

    -      J’ai failli ce jour, dire que je pensais à ta conquête !  

    -      Quelle conquête ? Est-ce l’espèce d’œillet fleuriste ?

    -      Je ne parle pas de la révolution d’œillets des barbus.

    -      Tu veux dire des oiseaux barbus appelés gypaètes?

    -      C’est intéressant et beau ce que j’apprends ce jour.

    -      Baud est un chien courant en barbarie !

     A suivre./.....

     

  • Le boudoir (Suite)

        Ces divergences malmènent cette amitié pensais-je. Réveillé de mon songe, je remarquai que le metteur en scène choisi, a failli à sa tâche. Je le délaissai pour appeler un autre. Ensorcelé charmeusement dans ce boudoir, je  me replongeai dans mon songe et fit appel à un autre. Aucun n’a voulu répondre, par solidarité avec leur collègue. Je dus réengager l’auteur des navets. Bien qu’il soit un concepteur famélique, il me souffla le conte d’une rencontre, drainée par le hasard, dans une bibliothèque municipale.

        Ce jour, je faisais une recherche sur l’œuvre d’un philosophe Grec. En visitant les rayons, bien classés et numérisés, je mis la main sur le livre «Littérature grecque ». Heureux de ma trouvaille, je regagnai la salle de lecture. Scrutant, je vis un fauteuil vide. Je pris place. Excité et curieux, j’entamai la lecture. Je cherchai les œuvres du syrien Lucien. J’eus la chance de trouver «  Le songe et le coq ». Après un dîner chez le riche Eucrate, le savetier Micycle fit un rêve. C’est un rêve d’or : Eucrate est mort en le laissant, son héritier. Arraché à ce beau rêve par son propre coq, qui voulait seulement que son maître se levât tôt pour travailler afin de gagner sa vie. Micycle jure qu’à l’aube il égorgera le réveille-matin. Mais voilà que ce dernier prit la parole, et dans le meilleur style : car il n’est autre que le philosophe Pythagore, que les mystères de la métempsycose ont envoyé dans la basse-cour de Micycle. Outre son éloquence, Pythagore-le-coq a une plume magique, grâce à laquelle il peut entrer sans être vu. Il démontra sans peine à son maître que le savetier Micycle est le plus heureux des hommes. Mais prends garde de n'être riche qu'en songe et d'avoir faim à ton réveil, lui dit-il

         Dans une lecture de texte à l’école primaire, tout petit, mon imagination puérile, fut charmée par l’histoire du cordonnier, voisin d’un riche boutiquier. Ce dernier jalousait le savetier. Il martelait l’enclume en chantant des airs en bonne humeur. Il l’enviait pour son bonheur. Le riche ne pouvait fermer l’œil de la nuit par crainte d’être volé. Il vint chez lui. Il lui remit une bourse de louis d’or et lui demanda de veiller sur son dépôt, moyennant une récompense. Depuis ce jour le pauvre savetier, ne rencontra plus le sommeil. Il blanchissait ses nuits. Le jour il martelait sans chansonnette. Une semaine passée, il revint chez son riche voisin. Il lui remit sa bourse, lui disant voici ton dépôt et rends moi mon bonheur ! 

        De temps à autres, je relevais la tête  pour répéter à moi-même, ma lecture à voix basse en mimant les lèvres. Je ne fus point seul à le faire. Devant moi en face dans l’autre coté de la grande table de lecture, je vis une fille, belle brune charmante. Un astre du jour. La nuit sans doute une lune rayonnante. Bien qu’elle mette un bandeau sur sa tête pour tenir sa belle chevelure, elle laissa pendre sur son petit front, une mèche de cheveu. Un zeste d’espoir. Elle a des formes épanouies et généreuses. Elle me glissa un regard et me lança un sourire. Des dents soignées éclatantes de blancheur. Je le cultivai, et je me devais de répondre par le même sourire en l’affichant serein et doux  avec un léger mouvement des lèvres. Rubiconde de timidité, la cramoisie teint ses joues sans fards. Elle me lança un baiser sur les bouts des doigts. Je lui retournai un semblable sur les deux mains. Je ne la singeai guère, mais je l’imitai par réciprocité. Durant un moment, je senti qu’elle polarisa mon attention.

        Son charme m‘attira et j’obéissais à mon instinct. Je suis poli et honnête, il me fut impossible  de la charmer dans ce salon. J’eus une idée. Pourquoi ne pas lui écrire un mot sur un papillon. Comme chateaubriand le faisait. Il utilisait la plume d’oie pour écrire aux proches. Pour les lointains, il usait de la plume de corbeau. J’avais un Parker à plume et un stylo à bille. Délaissant ma recherche, je pris mon Parker et je scribouillai à la va vite :

          « Le bonjour te va ma demoiselle. Dans le monde, il existe des centaines de langues, mais le sourire les connaît toutes. Je ne puis continuer ma lecture. Vos sourires m’inondent.

         Je terminai mon mot, que je le lui remis discrètement, sans attirer l’attention. Elle le prit, en affichant un beau sourire. Moi, en attendant sa réaction, je me mis à bras ouverts dans la lecture. Mais en silence j’évoquai le ciel pour qu’elle répondît. De temps à autre je lui jetai un coup d’œil furtif. Elle tira un calepin, arracha un feuillet et écrivit. Elle déchira la page détachée, prit une autre et se mit à réécrire. Je poussai un soupir. C’est gagné me dis-je, l’air fanfaron. Et j’attendis presque cinq longues minutes. Elle déchira deux pages pour réécrire sa réponse. Le temps languit. L’haleine et les baisers du zéphyr me parvinrent. Elle termina son écrit, et glissa vers moi son papillon. Mon cœur qui jadis fut en courte pause, Commença de nouveau à battre si fort, que je craignais que les présents n’entendissent l’onomatopée  boum ! Boum ! 

       Délicatement, je lus sa réponse. Une jolie écriture. Une écriture élégante et appliquée :

      « Merci cher monsieur. J’ai remarqué que vous portez une alliance. Je ne veux point avoir une aventure amoureuse avec un homme déjà en couple. J’évite l’homme lié et déjà pris. Je ne veux pas être complice d’une infidélité. Merci de votre attention. Bon courage. ! Bonne chance ! »

       En terminant la lecture de son billet, je lui adressais un sourire serein en hochant la tête positivement.

       J’ai encore échoué dans cette romance. Maugréant le metteur en scène, je me réveillais délivré d’être le jouet du songe. Je délaissai ma folle et fertile imagination que je suivais. Je ne savais « Qui est  le plus fou des deux ? Le fou, ou le fou qui le suit. G. Lucas »

     

     

  • Le boudoir

                    Le boudoir

     

    Il y a dans la vie, un moment où il faut méditer avec douceur sa destinée. Depuis longtemps les philosophes et les penseurs hommes et femmes, ont crée une chambre intime pour cogiter. Dans ma demeure, j’ai composé un boudoir. Un endroit de recueillement rêveur. On sait que ce mot tire son nom du verbe bouder (dont le radical précise quelque chose d’enflé, en l’occurrence la lèvre inférieure de celui qui boude.

    Mon esprit a toujours succombé aux rêveries et aux imaginations fertiles que m’insuffle ce mot boudoir. Bien avant il s’appelait alcôve, emprunté à la langue espagnole « al coba ». Là, je peux en toute intimité égrener mes « secrets d’alcôve » et ma « confession d’alcôve »

    Un après-midi, je m’affaissai dans une profonde bergère et donnai libre cours à mon fantasme. En metteur en scène, je fis appel à une charmante fille qui faisait venir l’amitié et l’amour à la bouche. Une fille aux yeux marocains, à l’attitude marocaine. Bref un sourire marocain. Une fille qui a souffert pour être une belle marocaine.

    Dans mon songe éveillé, je pensai à une sortie  que nous aimions en ensemble au bord du Sebou. Nous nous attablâmes dans un chic salon de thé. Le serveur s’attarda à prendre la commande. Assise à l’aise, elle m’opina admirant la belle vue :

    -         Il me semble que l’eau de la rivière va à contre sens du courant. L’oiseau de rivière le prouve.

    -         Oui, c’est juste répondis-je. C’est le phénomène du flux et du reflux. En ce moment c’est la marée montante.

          En expliquant ce phénomène, elle poussa un soupir de satisfaction. Je n’en déduisais rien.  Je pensai à notre position de controverse, car maintes fois nous nous séparâmes pour des futilités. Mais ce jour là, nous oubliâmes nos polémiques. Je foulais le tapis rouge. Je ne devais franchir la limite permise. Par concept, je m’abstins à dire à haute voix ma pensée. J’étais bâillonné. Le contre courant d’eau de la rivière était une parfaite image de nous deux. Nous sommes amis, je peux dire que non seulement je la chérissais, mais que j’ai et nourrissais un fort sentiment pour elle. Elle est un astre (je préférais regarder les étoiles, elle brillait quand j’allais vers elle).

     Autant que faire se peut, je ménageai mes expressions. Je ne voulais parler de nous deux et j’évitais d’attiser son irritation par crainte de son désenchantement et de recevoir une carte jaune. Elle se tut un long moment. Elle remit ses branches de lunettes son front.

         -    Je peux te faire une réflexion mon amie ?

         -    Mais oui, mon homme de réflexion.

         -   C’est une réflexion imagée. Le contre courant est un peu à notre image, le flux et le reflux. Nous prêchons la controverse  et le contresens.

         -    Comment cela ? dit-elle.

         -   Nous nous rencontrons. Nous nous voyons souvent. Tu me reçois avec tous les égards. Ton accueil est bienveillant. Reste que tu ne me réponds pas au téléphone quand je t’appelle.

         -   Oui, mais je réponds à tes messages. Je ne vois pas à ce qu’on change d’attitude. Je ne vois aucun inconvénient à ce que je te réponde au téléphone, si tu veux. Mais alors pas de de rendez-vous ou de rencontre. Choisis l’un ou l'autre , dit-elle en haussant le ton? 

         -   J’aurais dû dire cent fois non ma mie, dis-je l’air embarrassé. Ni l’un ni l’autre. Te voir m’est essentiel. Ta voix m’est agréable à l’oreille surtout la nuit. Je veux les deux. Nous ne sommes plus au temps des films muets de George Wilhelm.

        -   Tu m’étonnes par le ton et le temps!  Tu me rappelles les bonimenteurs qui prêtaient leur voix pour commenter les actions aux spectateurs. Toi tu es bonimenteur et charmeur.

       Ces divergences malmènent cette amitié,pensais-je. Réveillé de mon songe, je remarquai que le metteur en scène Choisi, a failli à sa tâche. Je le délaissai pour appeler un autre. 

     

     A suivre./....

     Salé, le 17.09.15

  • OLFACTION !(Suite et fin)

    - Ce n’est pas grave, répliqua-t-elle. A un de ces jours, j’aurai aimé continuer notre discussion, mais la première classe est au complet en sus c’est onéreux pour moi.

     

        Je la saluai en lui souhaitant bonne chance. Je suivis le chef de gare, quand le haut parleur diffusa: « Mesdames et messieurs votre attention s’il vous plait, le train en provenance de Marrakech et à destination de Settat, Casa, Rabat, Fès sera en retard ! Nous nous excusons pour....» Le chef de gare s’arrêta un instant, afin que je l’eusse rejoint et me dit :

    - Un malpoli a déclenché le signal d’alarme, le train a dû s’arrêter et les vigiles recherchent l’intrus. Ce long arrêt a poussé quelques voyageurs à appeler leur membre de famille motorisée, afin de les prendre de peur de rater l’avion à l’aéroport Mohamed V.

    - Ah donc c’est pour cela, ce retard ! Dis-je. Donc il y a des places vides maintenant ?

    - Oui m’affirma-t-il.

    - Accordez moi une minute, rétorquai-je. Une connaissance a loué une place en deuxième classe, si vous le permettez, je l’invite à venir avec moi.

        En mon for-intérieur je pensai inviter l’étudiante.Pour ce petit trajet, la présence de la femme est nécessaire. Mais je me sentis dans mon tort. Ma conscience gravita autour des aléas. C’est aventureux et hasardeux qui sait ?  

    - Oui c’est possible. Sans problème, Elle doit elle aussi payer au contrôleur, le rajout des prix entre les deux classes.

    - Soit ! Dis-je.

      Je retournai chez la demoiselle. J’hésitai. Je la trouvai  assise à la même place. En me voyant revenir, elle afficha un large sourire rusé.

    - Vous avez oublié quelque chose ? me lança-t-elle.

    - Oui, dis-je plaisant. Vous ! Je vous invite à voyager en première classe.

    - Est-ce une invitation au voyage à la Baudelaire ? répliqua-t-elle. Y a-t-il des places ?

    - Oui, n’a-t-il pas dit: La femme est sans doute une lumière, un regard, une invitation au bonheur.

    - Avec plaisir Monsieur…..dit-elle hésitante.

    - Abdou dis-je souriant. Allons-en !

    - Abdou a charmé Ghita, dit-elle spontanément.  

       Elle me suivit, nous rejoignîmes le chef de gare. Ce dernier nous indiqua la place où nous dûmes attendre la locomotrice. Durant l’attente aucun de nous n’adressa mot. Ghita fut rêveuse et silencieuse. Elle apparut gênée dans sa posture. Elle se frotta les yeux de temps à autres. Ma pensée flottante butta sur plusieurs raisons. Je me fus repenti de l’inviter. Je me tus.  Quelques instants après, la locomotive arriva et s’arrêta juste devant nous. L’agent me présenta au contrôleur, me salua et me laissa aux bons soins de son homologue. Ce dernier nous indiqua aimablement le compartiment huit, que nous rejoignîmes. Je laissai la demoiselle me devancer. Nous cherchâmes le huit et nous entrâmes pour prendre notre place. En entrant, j’entendis la voix accueillante d’une femme dans le compartiment disant à l’étudiante.

    -    Ah te voilà ma chère Ghita ! Quel bon vent t’amène !

    -    Ah te voilà, ma chère Amna ! Le hasard fait bien des choses. Je n’ai jamais pensé te rencontrer aujourd’hui.

    -   Ô Ghita ma favorite ! cette rencontre le dessein la prescrite.

     

      Elles s’enlacèrent et s’embrassèrent chaleureusement. Elle prit place à ses cotés. Ghita m’ignora et fit semblant de ne pas me connaitre, bien que nous trois, fûmes dans le même carré. Le sentiment d’être marginal me déplu un moment. Je ne me senti point frustré. C’est moi qui l’ai voulu. Je me tus et regrettai cette invitation au voyage. J’assumai.

     

      Emna est une fille de la trentaine. L’allure glamoureuse. Elle porte une tenue qui flatte sa silhouette. Ses cheveux entretenus.  Elle porte une raie de côté et des boucles à la Veronica Lake. Les yeux bleus. La voix chaude. Une femme genre fatale qui allume l’homme qu’elle cherche à séduire. De temps à autres, je volai un regard, sans attirer l’attention.

    -  Etais-tu à Marrakech ? Quoi de neuf, avec ton soupirant ?  apostropha derechef Ghita.                   

    -      Ah c’est fini entre nous. C’est un gars collant. Il est devenu insupportable et jaloux.  Figure-toi, qu’il m’a offert ce portable de luxe, en lui montrant le téléphone cellulaire, pour répondre à ses fréquents appels. Je lui ai dit, que je ne supporte plus les appels de quiconque, suite à une allergie otite et que je n’aime plus recevoir ni message ni sms. Ces derniers jours, je ne me connecte ni au facebook ni à gmail.

    -      Waili, ne me dit pas que tu lui as fait cela ?

    -      Si, il commence à me stresser, c’est l’unique issue échappatoire pour qu’il me laisse en paix. Aussi il ne pense pas à fondre un foyer et ce n’est pas mon homme. D’ailleurs je pense me débarrasser de ce joujou en le vendant.

    (Il a raison pensai-je, fonder un foyer avec une mata hari)

    -      Waili, le vendre gaa3 ? ajouta Ghita.

    -    Yamchi limmah, dit-elle avec un ton péremptoire. Ce jouet m’appartient maintenant. Je le vends pour en acheter un simple portable. L’argent restant, je m’offre le parfum Dolce et Gabbana. Je veux la paix, rien que la paix !

    -  Te laisser en paix pour une autre victime, ajouta Ghita. Amna, tu me rappelles Madame Bovary dans le roman de Gustave Flaubert. Dorénavant, tu es Emma !

    -      Arrête veux-tu Ghita, répliqua-t-elle.

    -      Non, mais comment veux-tu qu’il te contacte ? Waili ni appel, ni message, ni rendez-vous, dit Ghita pour la taquiner.

    -   Je veux la paix ! Qu’il aille au diable ! Il n’est pas mon genre. Dis moi Ghita, j’ai beaucoup parlé et me suis attardée sur mon sort, et toi comment se passe avec ton gars de l’enseignement ?

    -     Bof ! lui aussi, il commence à me taper sur les nerfs. Les hommes sont tous les mêmes. Il y a une heure, je l’ai appelé pour lui dire qu’il me manquera à Settat. Je le berne  et J’ai usé tromperie et fallace. Il me croit. Seulement, moi ces derniers jours, j’opte pour un autre homme bien placé. Il n’est pas jeune, mais riche célibataire, la santé pimpante et assagi. (J’avais raison de douter de sa discussion doucereuse, dans la salle d’attente à la gare)

    -     Dire qu’il y a six mois, tu ne lui vouais qu’admiration.

    -  Oui, je l’ai renversé de son piédestal. Je veux un autre et c’est mon droit non ? Je termine cette année mes études. Je dois penser à un boulot et à mon prince charmant.  

      J’écoutai les deux chipies égrener leur duperie, tromperie et goujaterie. Ma délivrance revenait à l’hôtesse du train qui annonça sur le haut parleur, l’arrivée à Settat. Elles prirent leur sac et entamèrent la sortie. Rubiconde Ghita, quitta  précipitamment le compartiment et me lança:

    - Bon voyage Monsieur!

    - Bon arrivée mesdemoiselles, dis-je l’air indifférent.

     

      Les voilà parties, bon débarras ! Le contrôleur tarda à venir, J’épargnais à ma bourse de payer le rajout de la première classe pour la mégère. Vous payerez ce gâchis espèces de vermines ! Pensais-je !!!!

     

    N.B : Bien qu'inspirée en partie de faits réels, les personnages et situation décrits dans cette série sont purement fictifs 

    Fin

     

    Salé, le 10 Juillet de l’an 2015. 

  • OLFACTION !

         Dimanche dernier après avoir terminé mes travaux, j’arrivai tôt à la gare de Bengrir. Le préposé au guichet, m’informa que les places de première classe n’étaient guère disponible et m’offrit une place en seconde classe, cependant, Il me proposa aimablement d’intercéder en ma faveur auprès du contrôleur du train pour une place en première classe. Le remerciant pour son aimable geste, je me dirigeai à la salle d’attente, où je pris place à l’extrémité de l’un des cinq bancs situés au dernier rang.

         Le train tardait à venir. Une attente ennuyeuse me consuma et je tuai l’âne à coups de figues. J’ouvris mon cartable pour mettre la main sur le livre «Littérature sous Louis XV » d’André Lebois. Drôle d’aventure que celle de l’âne de Féron !

    « Jacques Féron était obligé d’avoir une bête de somme pour porter le linge de ceux qu’il blanchissait. La femme Féron vint à Paris montée sur cet âne et descendit chez le sieur Nepveux, marchand épicier. Elle lia le baudet par son licou aux barreaux de la boutique et fit emplette de savon et de soude : elle se souvint qu’elle avait besoin de sel. Voulant en acheter, elle pria le sieur Nepveux d’avoir l’œil sur son âne.


         A peine la femme Féron était-elle partie que la femme Leclerc passa, montée sur une ânesse en chaleur. L’attitude de l’âne, attaché après les barreaux de la boutique du sieur Nepveux, fixa l’attention de la bourrique. Un mouvement naturel la fit arrêter. Allongeant les oreilles et ronflant des narines, elle se prit à braire. L’âne, ne voulant pas rester en reste de politesse avec la bourrique, lui répondit sur le même ton et la solution de la conversation asine, fut que l’âne de Féron, à la faveur de cinq ou six coups de tête, parvint à rompre son licou et suivit la femme Leclerc et son ânesse. Au lieu de demander l’aide pour saisir le baudet
    elle fut charmée de s’approprier un âne qu’elle trouvait à sa convenance, elle ne s’opposa point à sa poursuite.


         Quoi qu’il en soit, la femme Leclerc, son ânesse et l’âne de Féron firent chemin de compagnie et arrivèrent paisiblement tous trois à la porte du demandeur. La femme Leclerc étant descendue de dessus son ânesse, l’âne de Féron jugea à propos de la remplacer. Alors, la femme Leclerc, on sait trop par quel motif, le frappa à grands coups de bâton.

         La chaleur de l’action passée, la femme Leclerc s’aperçut qu’elle avait été mordue au bras. Alors elle abandonna le dessein qu’elle avait sans doute formé de s’approprier l’âne. Elle s’imagina qu’il lui serait plus avantageux de former une demande en dommages-intérêts contre le maître que de garder le baudet.…. Qui est l’agresseur ? La femme Leclerc. Ce n’est donc qu’à son corps défendant que l’âne se soit vengé.
    On va plus loin. La loi parle en faveur de l’âne. Qui l’a engagé à casser son licol ? L’ânesse. Qui des deux s’est mis à braire le premier ? L’ânesse. Qui l’a porté à suivre la jardinière jusqu’aux Gobelins ? L’ânesse. Qui pouvait enfin empêcher ce désordre ? La femme Leclerc. Elle et sa bourrique sont donc les seules coupables. L’âne a été séduit par l’ânesse. C’est donc la femme Leclerc qui
    doit les dommages et intérêt
    . »

         De temps à autres, je relevais la tête  pour répéter à moi-même, ma lecture à voix basse en mimant les lèvres. Une fois en levant la tête, je constatai qu’une jeune fille vint s’asseoir dans le même rang. Une fille de taille fine qui respire la fraîcheur. Elle laissa la chaise mitoyenne vide. Elle prit son portable, composa un numéro et parla, d’une voix tendre avec son correspondant. Je délaissai ma lecture. Elle relata sa détresse de rejoindre Settat. Elle ajouta qu’il lui manquera et qu’elle ne cessera de penser à son béguin. En tendant l’oreille, je pensai à sa discussion. Parlai-t-elle sereinement ou seulement pour lui faire plaisir ?

         D’habitude, le matin en prenant mon petit déjeuner, je le terminai en prenant un café. Ce jour, en découchant, je ne l’ai pris. J’eus envie de prendre ce nectar et je dus quitter ma place, laissant mon sac et mon cartable pour aller à la cafétéria juste à mes cotés. Je demandai une tasse de café express. Une fois servi, je sortis dehors en suivant les avertissements de l’hôtesse du train, qui ne cessa de nous matraquer par l’annonce« Il est interdit de fumer dans le train et dans les gares » en sus du message affiché sur le paquet «fumer tue ». J’allumai une cigarette, je ne pouvais me priver de ce plaisir. Je savais que la pollution, elle aussi faisait des ravages.

         De temps en temps, je jetai un coup d’œil pour m’assurer de mes affaires. Dehors je constatai qu’au vu des voyageurs d’un train en provenance de la capitale. Les autochtones louaient les taxis. Par contre, les touristes optaient pour les calèches aux couleurs vertes olive. Un moyen écologique pour les occidentaux, alors que les nationaux encourageaient la pollution primaire. Les conducteurs des triporteurs de leur cotés invitaient les hommes et femmes qui traînaient leurs bagages. 

          Je terminai mon bu et ma sortie, remis la tasse au cafetier et rejoignit ma place. Je fus surpris en arrivant. La fille a changé de place en s’approchant de la mienne. Et une belle chatte noire, de poils ras, occupa mon banc. Je souris en regardant le spectacle. Ma voisine d’un geste doucereux, tapa sur son dos gentiment de sa main droite. J’apercevais ses minces doigts et aux ongles parfais, peints à la peinture acrylique. D’un simple geste et minette s’en alla.  

         Cette scène me rappela une étude faite par un psychologue. Dans son cabinet il installa cinq nouvelles chaises. Il s’assit quelques minutes sur celle du milieu. Les femmes qui devaient s’installer sur une chaise, la plupart d’entre elles s’asseyaient là où le psy  s’était assis. Je me suis dis, cette chatte a du flair et la fille l’aurait aussi puisqu’elle s’est déplacée pour me côtoyer. Mais je m’abstins à lui dire ma pensée. Qui sait, elle peut l’interpréter en un harcèlement sexuel !

         Je repris  ma place en remerciant la jeune fille. Je me tus un moment, avant de lui demander sa destination. Elle me répondit qu’elle allait à Settat où elle poursuit ses études de droit à l’université Hassan 1er. Avant elle souhaitait la branche philosophique, mais que celle-ci n’a point de débouchées. Par contre l’option de droit a la de nombreuses opportunités de recrutement, la justice, le journalisme, sans omettre les services du ministère de l’intérieur.

         Je l’écoutai, sans l’interrompre. Elle me demanda ce que je fais dans ce bas monde. Je répondis que je suis retraité de l’enseignement. Au même moment, le chef de gare, vint me rejoindre me disant, qu’il ne voyait aucun inconvénient pour une place de première classe et que le train arrivera dans quelques instants. Je le remerciai, et me tournant vers la jeune fille, prise au dépourvu, je lui disais :

    - Je suis désolé, j’aurai aimé vous accompagner durant ce court trajet. Je ne me trouve guère à l’aise dans la deuxième classe.

    - Ce n’est pas grave,répliqua-t-elle. A un de ces jours, j’aurai aimé continuer notre discussion, mais la première classe est au complet.

        Je la saluai en lui souhaitant bonne chance. Je suivis le chef de gare……

    A suivre.

     

     

  • Et compagnie (Épilogue)

          

       Est-ce la vraie désirée ? Que sais-je ! Nous terminâmes les gourmandises en parlant des modalités. Les propositions de Salima, de jalil et des miennes abondèrent dans le même sens. Il sera mon émissaire auprès de ses parents. Il me tiendra au courant de leurs avis. Salima de son coté, dira son avis favorable et y consent pour un mariage coutumier. Ses parents ne peuvent la contredire, dit-elle confuse de rougeur. Elle est adulte et consciente. Cette rencontre inopinée et ce projet de mariage l’émurent.

    -  Abdou, avec l’autorisation de mon frère, peux-je te dire une réflexion ? 

    -   Oui, dis-je le sens perturbé.

    - Hier nuit, j’ai rêvé que j’enfilai une aiguille et voilà que je rencontre mon homme.

    -  Un rêve véridique (rahmani) qui devient réalité, dis-je avec un sourire d’aise. Dire que moi aussi, j’ai rêvé que je sortais de chez moi, en chemise de nuit. Enfiler une aiguille et porter une chemise de nuit, sont l’annonce d’un mariage précipité.

        Jalil lui tapota l’épaule, en signe d’assentiment lui disant.

    -  Ne mettons pas la charrue devant les bœufs. Rêve ou songe  on le verra bientôt.

        Nous terminâmes de manger. J’appelai le serveur pour payer la note et quittâmes euphoriques le salon. Nous trainâmes un moment dans les ruelles, je laissai mon esprit flâner en rêvant une vie meilleure avec  Salima. Nous errâmes un moment, et décidâmes de nous dire au revoir  avec la promesse de me rendre compte ce soir ou demain.

     

                          Épilogue :

     

         Le lendemain Jalil me contacta, me précisant que mon vœu était positif et que ses parents ne voyaient aucun inconvénient. Les fiançailles eurent lieu deux mois juste après le choix et l’achat des alliances. L’acte de mariage établi le même jour. Salima, dans le cadre du mouvement des enseignants le joignit à sa demande de rapprochement de conjoint. Elle fut mutée à un collège à Salé.

          Nous célébrâmes le mariage en grande pompe le mois d’août. Après trois ans, nous eûmes deux enfants, une fille et garçon. Je n’eus nullement besoin de professeurs pour des heures supplémentaires à nos chéris. L’omnisciente était à la hauteur.  Ainsi, Oum Islam et Abou Abderrahmane vécurent heureux et dans l’allégresse.        

     

         N.B : Toute ressemblance avec des faits et personnages réels est purement fortuite.

     

     

  • Et compagnie (20 ème Episode)

     

       Le chant terminé, le serveur nous amena la commande. Elle opta pour un thé sans sucre, bien qu’elle ait l’air sucré et moi une tasse de café serré, bien que mon cœur fût serré.

    - Tu rossignoles merveilleusement cette chanson, dis-je pour la complimenter. Je note que tu as embellie maintenant. Tu soignes ta ligne.

    -  Merci. Tu me flattes, dit-elle le nez outrecuidant?

       En mon for intérieur, je me disais, la femme qui se voit gazelle, trouve forcement en face d'elle l'homme lion. 

    - Du tout Nejma! Je ne te chante pas la romance pour te plaire, ni pour te raccrocher. Sache que feu mon père et feue ma mère ont peiné pour moi. Ils ont veillé à mon éducation. J’ai grandi dans la droiture. Je ne vais pas me jeter dans les bras de la première gourde venue. 

    - Oui, mais je pense que par ce compliment, tu veux me séduire comme tu le fais avec les autres femmes.

    - Non et non ! Dis-je l’air agacé. Tu es seulement une amie que je respecte. Je suis honoré que tu me considères comme « un homme alpha ».

    - Homme alpha ou mâle alpha, ou homme shampoing ! tes approches sont les mêmes.

    -  Nejma, je t’ai appelé pour nous réconcilier. Je vois que tu places  la barre trop haut. Saches que je n’ai point l’intention de te séduire. Tu es plus jeune que moi. Te rappelles-tu lors de notre weekend à Marrakech, quand je t’ai dit, je serai fidèle à tes cotés jusqu'à ton mariage et qu’à ces paroles tes yeux se mouillèrent? Te rappelles-tu quand je t’ai dit que l’écart d’âge entre nous deux est un handicap et que je te conseille une union avec un gars de ton âge ? Tu me répondis « l’amour n’a pas d’âge».

    -  Oui, mais ta façon de me redire mes propos instillent le doute dans mon esprit.  Je tenais beaucoup à notre amitié puisque pour un certain temps tu fus mon unique confident. Mais depuis lors, j’ai changé mes priorités. Je suis immunisée maintenant.

    - Immunisée ou vaccinée c’est ton droit, objectai-je, enflant la voix. Etre ton confident ou un personnage secondaire ne me dit rien et je n’aspire à rien avec toi. Tu me rabroues là.

    - Arrêtons-nous là s’il te plait Abdou, dit-elle rubiconde, terminons cet entretien. Il est temps que je regagne chez moi. Merci pour le thé.

    - De rien, répondis-je d’un ton sec. D’ailleurs moi aussi, j’ai des affaires à régler.

       Je l’accompagnai au quai de la gare. Sans attendre l’arrivée du train, je la saluai froidement et je quittai la place en lui disant à un de ces jours, lui souhaitant bonne chance. Et de deux, pensai-je. Je rejoignis ma voiture et prit la direction de mon domicile.

       La nuit, je dressai la situation de la journée. Rahima cherche un homme lige et Nejma l’immunisée cherche un confident. Pour chasser ces mauvaises pensées, je me repliai sur ma bibliothèque, pour choisir une œuvre à lire. Je me régalai en lisant le roman « Les carnets secrets d’une insoumise de George Sand». 

        Les jours suivants, apaisé, je ne pensai à aucune fille. Un après-midi, quittant le bureau, vadrouillard, je marchai au gré du hasard dans le quartier Qamra non loin de la gare routière. Je cherchai chez un tapissier deux fauteuils « bergère à oreilles » pour mon salon.  Une rencontre fortuite me croisa avec mon ami, celui qui me conseilla de voir Naima la voyante. Il était accompagné d’une fille.

    - Bonjour Abdou, me lança-t-il. Comment vas-tu depuis notre dernière entrevue ?

    - Bonjour Jalil, bonjour madame, dis-je les saluant, évitant de répondre à sa question.

    - Elle est demoiselle, dit-il avec un sourire. Je te présente ma sœur Salima.

    - Enchanté ! Répliquai-je l’air gêné. J’ignorai que tu eusses une sœur.

    - Salima est ma cadette, dit-il. Elle enseigne le français dans un collège à Bouiblane. Elle vient juste d’arriver, le car a prit du retard.

    - Honoré de faire la connaissance de la vigile de la culture.

       Je cultivai le beau et serein sourire du professeur. Pour ne pas les déranger, je demandais la permission de disposer.

    - Abdou, Salima est fatiguée à cause du long trajet. Elle et moi allons prendre un rafraîchissement. Veux-tu te joindre à nous ?

    - Avec plaisir, dis-je confiant. A condition que ce soit moi, qui règle la note.

       Cette proposition agréa Jalal et sa sœur. Pourquoi pas, dis-je au fond de moi-même. Mon ami Jalil est au courant de mes tribulations. Dans ses regards, je devinais l’invitation au mariage. On ne sait jamais qui on épouse ; le mariage nous l'apprendra, disait Jacques Chardonne. Nous nous dirigeâmes vers un salon de thé et nous attablâmes dans un décor joyeux, raffiné et convivial. Salima prit place la première. Sa manière assise dénote son élégance et son charisme. Jalil et moi priment la nôtre. Le serveur tarda à venir et je pris la décision d’aller le prier de se presser pour prendre notre commande. Je devinai que Jalal allait aborder ma situation sociale avec sa sœur. Je feignis, en temporisant l’appel du serveur occupé auprès d’autres clients, afin de laisser libre latitude à mon ami pour me présenter.

       Je revins à la table et repris place. Jalal s’interrompit. Je remarquai  une propreté rougeaude sur le visage de Salima. Le serveur nous remit une carte-menu engravée. Salima opta pour une bille de kumquat à la pistache, Jalil pour un pudding chômeur et moi pour un délire de chabichou. Pour accompagner ces délices, nous demandâmes trois tasses de café crème tiré. 

       Le temps d’être servi dura un moment. Je glissai vers la sœur des coups d’œil furtifs, mais dès qu’elle s’en apercevait, je détournai le regard. Il suffisait de la voir pour l’estimer. Ce fut l’occasion d’entretenir une discussion. J’hésitai à aborder un sujet, par crainte de tourner à la dérision devant Salima. Ce n’est point que je ne fus sûr de moi, mais je suis un cheval timide comme l’eut dit la voyante.

    -  Abdou, comment vas-tu avec ton projet, me lança Jalil?

    -  Lequel ? Dis-je avec appréhension. Est-ce celui dont je t’ai parlé la dernière fois? J’ai renoncé à cette affaire. Mon surmoi le préconise.

    - Content, je suis vraiment heureux pour toi.

       Je cherchai à insinuer à mon ami, que j’ai suivi son conseil. Salima suivait avec attention la discussion. Elle n’a dit mot depuis notre rencontre. Elle garda le silence un long moment avant de parler enfin. 

    - Jalil m’a laissé entendre que tu es un de ses grands et fidèles amis. Je suis heureuse de faire ta connaissance.

       Ces mots me rassurèrent peu ou prou. J’en fus ému. Je devais répondre avec sincérité. Son tutoiement me sécurisa. 

    - Salima, sans tarabiscoter, je suis honoré. Je nageai dans un bonheur plat, je ne sais ce que le destin me réserve. Mais cette rencontre semblait de bon augure.

    Et m’adressant à Jalal, je dis :

    -   Mon ami, tu es un cachottier. Tu fus un faux-frère, je veux que tu sois mon beau-frère, si Salima y consent.

         Elle devint toute cramoisie dans son sourire lumineux.

    -  Je ne vois aucune objection, me dit-il. C’est elle qui doit accepter ou non. Mais avant tout, vous devez vous connaitre à fond pour l’union sacrée. Je serais ton défenseur auprès de mes parents, car nous nous connaissons depuis longtemps et je n’ai jamais ouï de mal à ton sujet.

    - Merci Jalil, le talent appelle le talent. J’aurai l’honneur d’être gendre de ton honorable famille. Qu’en dis-tu Salima ? Je voudrai t’offrir mon nom.

        Elle se tut, mais afficha un large sourire. Elle était sans doute gênée par la subite rencontre et la soudaineté de ma proposition de mariage.

    - Je suis émue, dit-elle. Beaucoup de prétendants se sont présentés, mais je n’en ai trouvé aucun à mon goût. Il y a un moment mon frère m’a parlé de toi et généralement je suis ses conseils.

        Le serveur nous servit la commande, et je patientai pour que mes commensaux entament les sucreries. Je scrutai Salima à table. Elle mâcha la bouche presque fermée et évita que la cuillerée ne pénètre entièrement dans sa fine bouche. Elle se tenait droite et ne se tortillait guère sur sa chaise.

     

     

     

  • Et compagnie (19 ème Episode)

     

    - Ah, quel hasard et quel bonheur de te retrouver, dis-je sans voix. Qui s’assemble se ressemble, étoile filante !

    - Dans le Coran, répliqua-t-elle,  Dieu a dit «Nous avons effectivement embelli le ciel le plus proche avec des lampes (des étoiles) dont Nous avons fait des projectiles pour lapider des diables et Nous leur avons préparé le châtiment de la Fournaise » (Sourate Al-Mulk).

        Cette réplique du Coran me mit la puce à l’oreille. Elle n’a jamais cité la parole de Dieu pour la rétorque. J'aime le psalmodier. Ma réflexion fut sans arrière pensée derrière la tête pour cette inamicale remontrance. 

    - Cela fait des mois que je ne t’ai pas vu, dit-elle me voyant l’air irascible. Maintes fois, j’eus une pensée pour toi. La dernière fois, j’étais en mission dans ta ville d’origine. Une nouvelle belle ville ! Je voulais te parler pour te le dire, mais je n’avais plus tes cordonnées. Dans une fâcheuse dispute avec ma sœur, j’ai abîmé la puce, mais j’ai récupéré mon ancien numéro.

    - Toujours la même, il faut que tu insinuasses que je devais t’appeler, dis-je avec sourire narquois. Et si on continuait notre discussion devant une boisson si tu ne vois aucun inconvénient?

     - Avec grand plaisir. Je suis libre pour une heure, j’ai une séance de natation juste après.

         Nejma est plus jeune que moi. Mais je sais, qu’elle me voue un grand respect. Et moi de même. Elle a grandie. Elle est devenue belle et charmante. Je l’admirai et l’adorer et j’avais à l’esprit une citation d’un écrivain  « je vis une jeune tige de palmier et en le voyant, je restais saisi d’admiration, car jamais un si bel arbre n’était sorti de la terre, ainsi, femme, je t’admire et suis émerveillé». Mais les conseils de la voyante m’accablèrent. Je fis mine de rien. Est-elle la vraie désirée ? Est-elle la promise ? J’en doute.

        Nous nous décidâmes de choisir, le café le plus près. Nous nous mîmes d’accord pour aller au café de la gare Rabat-ville. Nous longeâmes l’avenue Mohamed V, chemin faisant, nous nous informâmes l’un et l’autre des péripéties des mois passés durant la déchirure. Arrivés à la place Alaouite, nous entrâmes dans la gare. Nous prîmes place dans un coin discret. Avant de prendre place, elle voulut retirer le veston qu’elle portait. Je l’aidai à ôter la veste en velours nicky. J’humai le beau parfum, qui l’embaumait et je découvris qu’elle portait un t-shirt en jersey.

     - Merci, me dit-elle. Toujours galant.

    - Un devoir, répondis-je. Cela fait partie de l’étiquette mondaine.

       Nous nous assîmes et nous abordâmes une conversation sur cette retrouvaille.

    - Quoi de nouveau, Abdou ? M’apostropha-t-elle.

    - Rien de nouveau, dis-je. Le moral est au beau fixe. Je ne me pleins point. Je travaille. Je passe mes weekends merveilleusement. Je lis. J’ai des amis sereins qui me respectent. Là où je vais-je suis le bien reçu.

    - C’est bon, tu m’as toujours fascinée avec ton caractère. Tu brouillonnes encore ? J’ai toujours aimé tes historiettes.

     - Oui, Malgré le travail, je suis encore fidèle à la plume, mais ces derniers jours je paresse.

     - Donc tu n’es ni remué, ni amoureux. Car je sais que si tu cesses d’écrire, c’est que si tu n’es guère sous le joug de l’amour. Ta muse te délaisse.

     Cette remarque choqua ma modestie. Je fis semblant de ne pas entendre cette réflexion critique. C’est moi qui l’ai invitée et je dois la supporter.  

    - Nejma, dis-je, la muse ne m’a jamais délaissé et je ne l’ai jamais congédiée.  Amine Maalouf l’a bien précisé : Peut-être l’écriture n’éveille-t-elle les passions que pour mieux les éteindre, comme à la chasse ces rabatteurs qui débusquent le gibier pour l’exposer aux flèches. Aussi des fois, il m’arrive de traîner et de fuir momentanément l’écriture, je fais des efforts pour courtiser ma muse.

    - Je serais malheureuse de savoir que tes doigts, qui nous font rêver par leur prouesse en écriture s’arrêtent subitement de nous épater. Prends soins de ce lien qui nous lie et ne cesse pas de nous faire rêver.

        Malgré le brouhaha dans le café, ces paroles flatteuses d’une voix de sirène me parvinrent si douces. Je regardai avec admiration le mouvement de ses lèvres légèrement maquillées en rose. Je contemplai cette langue sertie de rubis. Je me dis, elle est charmante. Je demeurai perplexe. J’hésitais. Il en est des comparaisons et des ressemblances comme des pièces d'or; dont Rousseau a dit, que la première était plus difficile à gagner que les mille qui suivent. Mais où est la première ?

     - Silence radio, Abdou ? me lança-t-elle. A quoi penses-tu ?

     

        Au même moment une chaîne arabe diffusa une chanson de Rabeh Driassa « Nejma qotbiya » (étoile polaire). Je savais qu’elle aime les chansons de Rabeh. Elle se tut, pour la chantonner. J’aimais cette chanson, mais pour marquer ma désapprobation, j’écoutai ses murmures. Elle fredonnait sans chanter. 

  • Et compagnie (18 ème Episode)

     

        En descendant les escaliers, j’avais un esprit de l’escalier. Je me demandai où me mènera cette allégorie de la conquête amoureuse. En sortant de l’immeuble, par crainte que l'on m'aperçoive dans le coin, je cachai mon visage avec le quotidien que j’avais acheté du kiosque. J’appréhendai qu’il fût beaucoup de monde dans la salle d’attente. Je ne pouvais rester assis sans lire. Si je n’ai une lecture sous les yeux, je me fâchai pour passer le temps. Je me dirigeai vers ma voiture laissée au loin pour brouiller la piste. En ouvrant la portière de ma voiture, mon portable mis dans le profil sons discret, quand je consultai la voyante, vibra. C’était Rahima.

    -  Bonjour Abdou, où es-tu ?

    - Je suis dans le quartier Mellah à la recherche d’un poste radio  chez un brocanteur, dis-je. (Rahima sait que je suis un radiophile et que j’aie une collection d’une quarantaine de postes de collection, ma façade mensongère est légale).

    -  Ah toujours à la brocante et épris des anciens postes TSF. Je serais heureuse d’épouser un Abdou antiquaire.

    - Ah bon et pourquoi ? Dis-je.

    - Bonne question. Quand la femme de l’antiquaire vieillit, Elle est revalorisée par son mari.

    - Je ne te le fais pas dire.

    - Passons au sérieux Abdou, je suis dans l’embarras. La mort subite de Mimoune m’ébranle. Tu sais que je suis encore dans la période de viduité et ce délai ne se termine que dans  vingt neuf jours. De son vivant, je pouvais te rencontrer. Mais par respect à sa mémoire, je ne dois sortir de la maison durant cette période.

    - Oui La providence te poursuit. Moi aussi, je dois patienter jusqu'à ce que cette période  Idda termine, répondis-je l’air grave.

    - Voilà! Il est strictement interdit de demander la main d’une femme durant sa période de viduité.

    - Soit! Rétorquais-je. C’est raisonnable et c’est prescrit par la jurisprudence islamique. Restons en contact via le téléphone.

    - Je te remercie pour ta compréhension Abdou. Tu me manqueras c’est sur. Prends ton temps pour faire les papiers, nous avons le temps. Je ne veux pas que tu me vois habillée en blanc. Le port du deuil m’handicape.

    - Toi aussi, tu me manqueras. Moi aussi, je suis condamné à une éphémère viduité.

    - A plus Abdou et prends soins de toi.

    - Merci, Toi aussi Rahima, bon courage !

      Nous coupâmes la discussion. Tu ne vieilliras point avec moi,pensais-je. Mon esprit rebelle  tendit de facto vers l’autre, que la voyante me conseilla. Influencé, je composai sur le clavier du portable, le numéro de la vraie désirée. Je la priée de me rejoindre si elle était libre. Elle acquiesça ma proposition. Elle venait juste de sortir de son bureau.

      En l’attendant, je marchai. Je me sentis libre de cheminer. Je déambulai devant les magasins en faisant le lèche-vitrine. Vingt minutes passées, elle me rejoignit devant la grande poste.

    - Ah te voilà, mon cher ami, me dit-elle de vive voix.  

     De nouveau je me trouvai en face de Nejma (étoile). Une implacable nostalgie agissante me consumait. Une délicieuse figure virginale. Une fille d’une fraîcheur d’âme. Elle m’afficha un large et serein sourire en ouvrant ses bras. Je fis de même. Et nous nous embrassâmes à tour de bras et nous nous étreignîmes avec toutes les démonstrations de vive amitié. 

    A suivre../...

  • Et compagnie (17 ème Episode)

     

    - Oui, dis-je d’un air ouvert et souriant. Elle est cultivée et intelligente, mais cette fille est déjà liée, pensai-je. 

    -  Pourquoi cette humeur bougonne ? me dit-elle.

    - Madame, dis-je l’air rébarbatif, j’ignore de quelle femme vous parlez ? Excusez moi pour le dire, je suis venu pour avoir les intentions d’une autre femme et non pour celle de l’officine.

    - Ah ! dit-elle souriante. Je sais que ton violon d’Ingres, c’est de courir plusieurs lièvres à la fois. Tu as noué une récente liaison avec une autre femme. Cette dernière est maligne. D’un mariage blanc, elle tend à un mariage d’intérêts.

    -  Comment cela madame ? Dis-je, l’humeur soucieuse.

    - Mon homme, Tu es sortable, mais tu ne veux guère une union sortable. Tu es correct et honnête. Tu es convenable, seyant, bien né et timide comme un cheval. Retourne à ta vraie désirée. Parfois des grappes de colère lui pondent au bec. Elle a rompu momentanément, une relation d’amitié douloureuse. Sache que dans la plupart des cas, lorsque c’est la femme qui veut rompre, elle agit avec beaucoup de tact, car dans la majorité des évidences, elle sait qu’une rupture amoureuse brutale peut être source de beaucoup d’ennuis. Pour passer à l’action, elle s’y prend lentement. Elle prépare tout d’abord le terrain en douceur en donnant quelques vagues indications. Elle ne se lance que lorsqu'elle sent que vous avez compris ses messages codés. Si tu remarques qu’elle a des réactions inhabituelles, cela devrait faire tilt dans ta tête. C’est probablement le signe classique le plus subtil : sa vie devient trop intense ; elle n’a pas le temps de répondre au téléphone et même lorsqu'elle le fait c’est pour te dire qu’elle est trop débordée pour pouvoir te parler ou te voir. Certes, cela ne veut pas forcément dire que c’est fini entre vous, mais lorsqu'elle est de moins en moins disponible, c’est qu’il y a anguille sous roche. Elle commence à te faire des cachotteries. Pour un oui ou pour un non elle s’énerve et la discussion vire aux grandes disputes sans une raison véritable, sachant qu’elle mettra tout sur ton dos. Et ce n’est guère le cas de ta vraie désirée.

        Je souris oyant ces mots. Elle dit la vérité. On tombe du coté où l’on penche.

    - Mon homme, dit-elle, le sourire embarrassé. Fuis celle que tu as connue récemment. C’est une fille chipie. Elle ne mérite pas tes sentiments honorables et sincères. Tu as donné une grande importance à une femme déméritant. Sache que tu as laissé en son âme une empreinte indélébile durant ces quelques jours après la fortuite rencontre. Tu as marqué ton passage. Un beau passage de fraternité, d’amour, de joie, de gaieté. Par certain moment, elle fut ta muse. Tu as rimé en son honneur plusieurs poèmes et de nombreux écrits et idées innées qui ne seront guère dans l'oubliance. Oublie-la et évite la compliquée.

       Ce dit ne me plaisait pas en mon âme et conscience. Je suis dans l’embarras du choix. Mais je ne suis actuellement, que dans un passage de manque d’affection. Je ne vais pas payer les violons pour ce passage émotionnel.       

        La diseuse d’aventure parlait, je ne l’écoutai point. Elle s’arrêta un moment pour reprendre la parole. Elle remarqua mon absence momentanée d’esprit et changeât de ton et de sujet.

    - Mon homme, Tu dois aimer une seule et désaimer l’autre. Selon Stendhal, Il y a quatre amours différents: l'amour-passion, celui de la religieuse portugaise Mariana qui de son couvent attend son amant, celui d'Héloïse pour Abélard, celui du capitaine de Vésel, du gendarme de Cento. L'amour-goût, celui qui régnait à Paris vers 1760, et que l'on trouve dans les mémoires et romans de cette époque, dans Crébillon, Lauzun, Duclos, Marmontel, Chamfort, Mme d'Épinay. L'amour-physique, à la chasse, trouver une belle et fraîche paysanne qui fuit dans le bois. Et enfin l'amour de vanité, l'immense majorité des hommes, désire  une femme à la mode, comme on a un joli cheval, comme chose nécessaire au luxe d'un jeune homme. Penses-y et revient me voir. 

    - Promis, rétorquais-je. 

       Après avoir payé ses honoraires, je quittai Naima. 

     

     

     

  • Et compagnie (16 ème Episode)

     

           De qui parle-t-elle de Rahima ou d’une autre femme. J’hésitai à surmonter ce dualisme. De temps à autre la diseuse de la bonne aventure, s’arrêtait un laps de temps pour reprendre sa narration. Je voulais dire à la prédicatrice que tous ce qu’elle disait, fut vague pour moi.

    - Mon homme, cette femme d’office est généreuse, continua-t-elle en poussant un soupir. Proprette et  gentille, elle est belle et son cœur est vide d’embrouillaminis. Bien que des fois elle commence sérieusement à avoir le ras-le-bol de sa situation. Celle-ci l’arrange plus ou moins. Ton arrivée sur son chemin lui a donné l’espoir de survie.      

        En entendant le mot office, je devinai de quelle femme elle parlait. Il s’agissait de  la princesse, dont les initiales de son nom est H.J, et que pour la taquiner  je l’appelai Hygie, l’une des deux filles attribuées à Esculape, dieu de la médecine. Penacée désigne tous les médicaments pour les maladies et Hygie est l’ancêtre de l’hygiène mais aussi protectrice des pharmaciens. Pour l’aguicher je traduisais en arabe sa fonction « protège pharmacien», ‘‘hamiat saidaly’’   en hamiat saida, liya (protectrice de la dame qui me revient). Une fille que j’aie connue il y a presque deux ans et que suite à un futile malentendu, nous nous séparâmes. Elle a une petite fossette au milieu du menton et un grain de beauté sur la lèvre supérieure.

       Généralement la position du grain de beauté donne un aperçu sur la personnalité et un attrait qui confère le charme et la séduction. Celui au coin du cil, est une femme majestueuse. Le mitoyen des paupières est une passionnée. Sur la joue elle est galante, mais d'un caractère superficiel et vaniteux. Sur le nez, c’est une effrontée. Au coin de la bouche, coquette avec l’attire baiser. Sur la basse mâchoire, elle est sensuelle et croquante. En bas des lèvres elle est volage et sur le montent elle est discrète. 

      Les femmes dont la nature ne les a pas gratifiées de grain de beauté  recourent à la mouche, un faux grain de beauté fait de mousseline noire et collé sur le visage. Les mouches sont utilisées pour faire ressortir la blancheur du teint. L'usage des mouches était déjà connu au XVIIème siècle. C'est au XVIIIème siècle qu'elles vont devenir les symboles de la parure. La localisation de la mouche sur le visage possédait une symbolique particulière qui donnait des précisions sur le tempérament et la personnalité de l'utilisatrice à un moment donné. La discrète ou la friponne colle la mouche sous la lèvre. L'assassine ou la passionnée la colle près de l'œil. La galante sur la joue. L'enjouée dans le creux du sourire et la passionnée, sur le haut de l'œil.  

      La pharmacienne, a un « névus » réel sur la lèvre supérieure qui attire constamment mon regard. Je me demandais souvent si elle était gourmande et libertine. Mais je savais qu’elle avait un caractère d’une grande douceur. Elle soignait sa fine ligne. Elle est toujours coquette et s’habille à l’étiquètte moderne. Ce que j’admirais en elle, c’est son attachement à la lecture de Machiavel. Elle me justifiait son engouement en me disant que Nicolas Machiavelli entra de plain-pied dans les grandes compositions littéraires et prit pour ainsi dire possession de son génie. Le Traité du prince, les Discours sur Tite-Live, les Comédies, les Sept livres sur l’art de la guerre, la Vie de Castruccio l’occupèrent en même temps que des œuvres plus légères qui devaient assurer sa renommée dans tous les genres. les œuvres de Platon, Parménide d'Élée, Socrate et Thalès sont ses livres de chevet.

      Errant d’esprit, je faisais semblant d’écouter et pour donner raison à la dame, je hochais la tête en signe d’approbation.

     

     

  • Et compagnie (15 ème Episode)

        Mais avant de préparer les papiers comme l’exhortai Rahima, je suis passé voir un de mes amis les plus proches. Je le mis au courant de mon projet de mariage. De prime abord, me conseilla-t-il « Le mariage est un sac où l'on trouve quatre-vingt-dix-neuf serpents et une aiguille. Qui osera y mettre la main ? ». Penses-y avant de t’embourber, ajouta-t-il. Je te conseille de voir Naima, Une voyante acceptée par le « tout-Rabat ». Elle n’examine ni tarots ni les lignes de la main pour dire l’avenir. Elle dit vrai, crois moi Abdou. Sache aussi que si tu vas en guerre, prie une fois ; si tu vas en mer, prie deux fois ; si tu vas en mariage, prie trois fois dit un adage polonais. Il me souffla le numéro de son cellulaire et son adresse. Le quittant, je le remerciai pour ses conseils. Toute la nuit, je pensai aux recommandations de mon fidèle ami. Je fus dans le désarroi des croyances. La susceptibilité m’avait conquis. 

        L’après-midi, je passai la voir après avoir pris un rendez vous pour une consultation. J’entrai dans son cabinet, après m’avoir annoncé, j’entrais dans un salon. Elle se tenait assise à son bureau en acajou. Une lumière tamisée, laissait paraître à peine sa fine silhouette. Elle répondit à mon salut et me priait de m’asseoir devant sur un fauteuil crapaud. Sur le bureau il y avait un calendrier perpétuel en bois, un porte plume stylo, un globe, un porte carte visite et un sous mains en cuir où une omoplate ovine était placée. Elle me remit l’os en me priant de poser sur coté cœur en disant : Ha qalbi, ha takhmami ( Voilà mon cœur, voilà mes pensées) .  

       J’exécutai sa demande en lui remettant son outil de travail, hormis que je fus tourmenté par un flot de doute de ce qu’elle allait me dire. Mon esprit espiègle tenta de prendre la tangente. Je savais que cette science appelée omoplastoscopie, une technique divinatoire native en Chine pour prédire l’avenir. Les chamans observaient, dans les restes calcinés des sacrifices, les éclats des os, en particulier ceux des omoplates. Ainsi la divination permettait de deviner l’avenir en partant des lignes et des dessins qu’on croit percevoir sur les omoplates des chèvres, des moutons, ou des porcs. En Europe du Moyen-âge, pour pratiquer l’omoplastoscopie, il semble que l'idéal fut d'utiliser l'omoplate droite d'un cochon noir ou d'un mouton noir. Par contre au Moyen-Orient, on dit qu'il faut prendre un mouton ou une chèvre et formuler dans sa tête la question à laquelle on veut obtenir une réponse, avant sa mise à mort. Puis on en fait griller les omoplates, bien que l'on puisse aussi tirer des présages sur l’omoplate avant la cuisson. On examine avec attention les dessins tracés sur l’os car ce sont eux qui annoncent les événements. On utilise cette pratique divinatoire pour faire des pronostics sur des événements généraux tels la sécheresse, la fertilité des moissons, la paix ou la guerre. 

        La diseuse, à titre liminaire m’évoqua, grosso-modo, mon passé et mon présent. Elle relata quelques séquences tirées du vrai.  

    - Mon homme, me dit-elle, la femme que tu aimes est une charmante femme. Elle est maintenant seule et anxieuse . 

       Je l’écoutai perplexe. En effet elle est seule, elle vient de divorcer d’avec feu son mari, pensai-je. Je me demandais comment peut-elle perdre le moral, alors qu’elle est démariée et contente de la désunion.

  • Et compagnie (14 ème Episode)

     

                

          Au moment où je terminai ma narration, nous arrivâmes devant ma voiture. J’ouvrai la porte de droite et prier Rahima de prendre place.

    -     Merci pour la galanterie Abdou.

    -     Il y a de quoi, dis-je tendrement.

       Je contournais le véhicule pour ouvrir celle de gauche. Je démarrais doucement le moteur de ma fidèle ford. Je pris la direction du quartier où habite Rahima.

    -   Mes compliments ma chère! Je te remercie pour cette belle soirée, dis-je pour rompre le silence.

    -   Abdou, C’est moi qui dois te remercier. Tu m’as remise dans les bras du bonheur. J’ai passé un moment agréable. J’ai ris. Cela fait longtemps que je n’ai pu m’amuser.

    -   J’ignorais que tu t’amusas, dis-je pour l’aguicher. Etait-ce un jeu d’enfant de cachotterie?      

    -  Je me suis amusée, charmée, ravie, je ne le nie pas. Pourquoi penses-tu toujours à l’envers ? Mon langage est simple et mes idées sont claires. Abdou nous sommes au début de notre connaissance. Nous sommes majeurs et vaccinés, je ne vais pas te dire que je t’aime et que je tiens à toi. J’évite le poncif  et la banalité. Je ne noierai jamais le poisson pour te leurrer. Je te demanderai par conséquent de n’avoir aucune suspicion ou arrière pensée. Tu es l’objet de mes pensées depuis notre première rencontre. Je me sens liée à toi.

      -  Je te crois Rahima. Tes pensées secrètes me séduisent. Moi aussi, je tiens à toi et je pense que c’est réciproque. Celui qui découvre plus délicieux que le miel, il n’a qu’à le laper (adage marocain). Tu es mielleuse.

          Elle ne dit mot mais afficha un sourire angélique. Elle appuya sur le bouton du poste radio. J’aimai son geste pour deux raisons. La première c’est que nous eûmes la même pensée. Une pensée siamoise. Et deuxièmement j’allai le faire. Elle me précéda pour presser le bouton et asseoir un air ambiant. Quel dessein avec elle ! C’était la chanson de Jacques Brel « Quand on a que l’amour». Elle accompagnait les paroles avec une voie mélodique telle Juliette Gréco. Nous langions une rocade, parfois je lâchai le volant quelques secondes pour l’applaudir et nous chantions ensemble d’une même voix.

    -  Jacques Brel est mon idole depuis ma tendre jeunesse dit-elle d’une voix de colibri.

       C’était l’émission club jazz d’Ali Hassan. Pour l’éducation musicale, il avait avec brio commenté la valse à mille temps. Sympathique et toujours de bonne humeur, il excella dans l’art   transitionnel. Nous appréciâmes de réentendre les chansons nostalgiques. Ce fut Amsterdam, Ces gens là, Vesoul, Mathilde et Jef. 

    -  Ali Hassan est le doyen des animateurs radio dit-elle. Il fut le premier à présenter Jacques Brel au Maroc.

     

    -   Oui en 1973, enchaînais-je. En tant qu'acteur il joua, en 1981, le rôle de chauffeur d’un camion dans le film «Le Grand Voyage ».

         L’émission continuait avec la belle chanson « Ne me quitte pas » et un lai d’amour nous embauma.

    -   Rahima ne me quitte pas, dis-je pour lui chanter la romance.

    - Je suis à toi pour toujours. Abdou, tel que le stipule la moudawana, il faut que tu prépares les papiers nécessaires pour l’acte de mariage. Une copie de l'acte de naissance, un certificat administratif et le certificat médical. Moi, j’ai l’acte de divorce.

     

        Au moment où elle disait cette recommandation, nous arrivâmes à la rue quatre vingt.

    - Demain, j’entame ces papiers administratifs. Bonne nuit et prends soins de toi.

      Je la saluai par une bise sur les joues, lui souhaitant une bonne nuit.

     

       Le  lendemain, dès potron-minet, je me levai pour me doucher. Après avoir pris mon petit-déjeuner Je rejoignis le bureau. Aux alentours de 10h30 un appel retentit. C’est Rahima au téléphone.

    -  Bonjour Abdou. J’espère que je ne te dérange pas. Je viens de recevoir un appel mon ex belle-fille, la sœur de Mimoune. Il est mort  hier nuit.

    -   Waili !  Que lui est-il arrivé ?

    -  Une crise cardiaque suite à une overdose d’alcool. Il était avec ses amis dans une orgie.

    -  Que Dieu ait son âme, dis-je. L’étoile filante d’hier nuit était un signe précurseur. Mes condoléances attristées Rahima.

    -   Merci, mais je ne sens aucune tristesse, car de son vivant, il ne connaissait point d’amour; hormis l’argent. Je savais hier quand il m’a téléphoné avec sa voix de rogomme, qu’il allait faire une gaffe.

     

       Pour moi, les dès ont roulé. Rahima sera mienne sans concurrence. 

     

  • Et compagnie (13 ème Episode)

     

    -  Après mes études primaires dans mon village, continuais-je à la bonne franquette, je devais aller à Rabat afin de parfaire le secondaire au Lycée Moulay Youssef. Après l’obtention du baccalauréat, je fis quelques années de Droit que je ne pus terminer. Je dus quitter le banc universitaire pour subvenir aux besoins de ma famille. Une fripouille, gros ventre et responsable d’autorité, redouté et craints par les villageois, insuffla aux autorités provinciales d’aménager et de reconstruire le bourg. Il haïssait ceux qui ne sont pas issus de la région. Une discrimination notoire entre l’appartenance ou non-appartenance du village. Tout un quartier de boutiques et  cafés maures furent détruits. Le siège du commerce, gagne-pain de mon père et notre maisonnette connurent le même sort. Les sinistrés ne furent guère dédommagés. Je dus quitter mes études pour subvenir aux besoins de mes parents et de mes frères et sœurs. Je trouvais un petit travail dans la capitale et priais ma famille de me rejoindre. Ce fut dur au début, mais je tins à reprendre le relais que mon père me céda malgré lui. Dieu merci, je pus mener ma mission honorablement. Mes frères et sœurs grandirent dans l’honorabilité, obtinrent des diplômes et accédèrent à l’emploi. Et je suis content d’avoir accompli mon devoir de soutien et d’assistance. Mes deux parents m’accordèrent leur bénédiction. Pour répondre à leur grâce, je prenais l’initiative de les envoyer au Hadj. Mes frères et sœurs participèrent aux frais du pèlerinage pour qu’ils bénéficient eux aussi, de la bénédiction parentale. Voilà grosso modo mon trajet de vie, dis-je pour terminer.

        Elle glissa sa main droite dans ma gauche et nous marchâmes à pas retenus.

    -  Hé ben Abdou, tu as souffert. Une jeunesse et une vie drues. C’est une histoire poignante et trépidante à raconter dans un livre. Reste qu’après tout cela, tu es devenu un homme expérimenté. Edouard Bled disait : Quels que soient les chemins où les événements l’entraînent, l’homme reste toute sa vie l’enfant de son enfance.       

     -   Je projette le faire le moment venu, si Dieu le veuille. Je le ferais pour moi-même, puisque je ne prétends ni à publier pour en tirer de l’argent, ni à aspirer à un prix. Ce sera un recueil englobant tous mes écrits passés, présents et futurs. Un legs qui sera confié à nos enfants.

    -   Et le truand du village, si je peux te poser cette question ?

    -   Crois moi, les villageois atteints dans leur quotidien, priaient chaque jour Le Très Haut pour le châtiment de ce chenapan. Je t’assure que quelques mois après, il fut licencié et limogé de son poste. Il sombra dans un gouffre d’amertume. Quelques jours après, il tomba malade et mourut. Toute sa richesse ne pouvait le sauver. 

    A suivre......

     

  • Et compagnie (12 ème Episode)

     

    -   Patience ! Attend voir ces archanges répliquai-je. Les gamins du village se distrayaient des fois méchamment. Ils harcelaient un pauvre homme connu pour ses souleries. Ils vociféraient le sobriquet de Halloufa (la truie) à son encontre. Cette appellation l’irritait et le mettait en colère. Il courrait après ceux qui le scandaient.

    -    Ah si mon ex, y demeurai, rétorqua-t-elle. 

    -   Tu dis cela pour le mépriser ou penses-tu encore à lui ?

    -   Non ! Ni regret, ni nostalgie. Passons, veux-tu ? Oublions-le. Il ne mérite pas d’en parler en ce beau moment si romantique.

    -   En vérité, Halloufa était un homme prévenant, enthousiaste et nullement agressif, continuai-je. Célibataire endurci, les habitants lui accordaient la pitance et la charité. Dans le village, il y avait le courant électrique, mais il n’y avait pas d’eau courante. Il y existait seulement deux puits. Celui de Rachcham et de celui l’usine de crin végétal. Halloufa puisait les seaux d’eau de ces puits pour les familles. Les recettes de porteur d’eau, lui permettaient de fréquenter la dive bouteille à l’Auberge de la Gaieté ou au Café de la Mamora. Par respect au nom de Mohammed qu’il portait, je n’ai jamais adressé ce surnom pour le héler. Au fait me semble-t-il, c’était une idée des grands du village pour inciter les bambins à éviter le vin. Celui qui boit l’alcool, subira le même sort. Mais il n’y avait pas que Halloufa. Il y avait Laaskri, le gargotier,"Magnin" le charretier. Son petit âne de trait, me faisait penser à Blanquet, l’âne de Jean-de-figues (Excellent Blanquet ! comme je l’aimais avec ses belles oreilles touffues et son long poil blanchi en maints endroits par le soleil, les coups de bâton et la rosée). Un livre captivant de Paul Arène que je garde précieusement avec des grands œuvres littéraires dans ma modeste bibliothèque. En outre il y résidait aussi Ben Abed, un militaire harki réfugié au Maroc ; pour ne citer que ceux là. Ben Abed fut l’un des premiers enseignants de la langue française au sein de l’école. Bien qu’il touchât un consistant pécule de retraité militaire, il n’avait jamais acheté de véhicule. Je me demandais chaque fois, comment en état d’ébriété avancée pouvait-il retourner à sa fermette à bicyclette ? Pour anecdote, un jour il demanda au tenancier du bar s’il avait le même vin bu le jour d’avant. Le barman niais lui répondait positivement. Il lui dit qu’il repassera quand  il n’y aura plus. Depuis, il ne remit plus son pied dans l’estaminet.

          Je lui volais un sourire. Au même moment une jeune fleuriste sortait d’un restaurant de la ruelle et offrit à Rahima une rose couleur de carmin en disant :

    -   Madame, Ronsard dans un poème rima : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

    -    Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain, dis-je en réponse.

    -   Waw ! Que voici un Ronsardien ! Vous avez la chance madame d’avoir cet homme, dit-elle en s’adressant à Rahima. J’imagine que vous êtes ensemble en face de la cheminée à la maison. Votre homme en train de vous lire « le roman de la rose ». Les flammes du feu de l’âtre projetant votre silhouette sur le mur au son doux des crépitements du bois brulé.

    -    C’est gentille de votre part mademoiselle. Croyez vous que je puisse lire 22.000 vers  d’un seul trait ?

          La fleuriste chantait-elle des louanges ou ce n’était qu’un petit ton de tartuffe, pensais-je. J’allais lui accorder une gratification pour ces belles paroles. Je fus impressionné par son imagination fertile. Je ne voulu continuer cette discussion, pour ne point la retenir et par respect envers ma campagne (le surmoi est encore éveillé).

          Rahima prit la rose par son rameau. Voulait-elle cueillir une rose de la vie comme dit Ronsard? Elle rapprocha la rose de ses lèvres, l’huma et l’embrassa. La couleur de la rose et de ses lèvres peintes au carmin se confondit. Elle poussa un soupir d’aise. Je remerciais la fleuriste pour son discours et tirais un billet tout neuf pour la payer. Satisfaite, elle repartait contente. Rahima la remercia d’un beau sourire.

    -     Abdou, c’est quoi ce roman de la rose ?

    -     Le Roman de la Rose est une œuvre poétique de 22.000 vers. Il a été écrit en deux temps : Guillaume de Lorris et par Jean de Meung. La première partie conte la cour d’un homme à son aimée et ses tentatives de pénétrer dans un jardin clôturé symbolisant la belle. La seconde présente une discussion plus philosophique de l’amour ainsi que des digressions sur des sujets variés tournant parfois en dérision certaines idées et sentiments exprimés par Guillaume de Lorris. C’est un guide de la façon d’aimer.

    -    Tu me donnes l’envie de lire cette œuvre.

    -  Soit, mais ne compte pas sur moi pour te la lire devant une cheminée, dis-je plaisamment.

    - Abdou, tu m’épates encore. Parles-moi veux-tu de ton adolescence, de tes aventures et mésaventures.

     -  J’y suis presque ma dame. Comme le disait Sartre dans « les mots », à l’âge pubertaire, je n’ai jamais quêté un nid d’oiseaux sur les arbres. Je n’ai jamais jeté une pierre sur un chien ou un animal. La maltraite des ânes de trait me faisait de la peine.

    -    Monsieur Noé ! L’ami des bêtes, me lança-t- elle me taquinant.

    -   Pardon, Rahima n’est guère une bête. Je suis heureux et veinard de trouver en toi la femme polyvalente. Merci de l’adjectif et de l’épithète. C’est un titre honorifique pour moi que d’être défenseur des bêtes. Saches aussi mon Amie (avec grand A, précisai-je), que j’avais, j’ai et j’aurai encore, aussi une grande pitié pour les non-voyants et les démunis.

         Elle devint toute cramoisie et afficha un sourire d’aise.

    A suivre…../.

     

  • Et compagnie (11 ème Episode)

      

        Force est de constater que les garçons du village, furent jaloux de notre train-train de vie. Nous n’avions  point de loisirs dans le village, hormis une salle de jeu de billard. Mon père et notre frère aîné nous défendaient de fréquenter ce lieu de délinquance. La quiétude du bourg fut régulièrement troublée les samedis , par la  séance de la musique soufie Al Hadra. Cette soirée était un rituel thérapeutique pour les possédés qui souffrent du mal des entités surnaturelles maléfiques. Nous assistâmes à des spectacles extravagants.  Les fans en transe, croquaient gaiement des raquettes épineuses de figues de barbaries. D’autres jouaient allégrement jusqu’à entailler leur bras avec des coutelas tranchants. Maintes fois, nous vîmes Lakhlifia, une belle femme de haute stature, perforer avec allure ses bras avec une épingle de nourrice. Les spectateurs évitaient de vêtir des habits de couleur rouge ou noir. Les hadaras en transe décelant ces deux couleurs, les pourchassaient. Le lendemain ces acteurs étaient sains et saufs avec nulle trace de blessure apparente.

        Une fois par quinzaine, nous avions droit à une séance de projection de cinéma en plein air. Ce furent des films de Charlot, de Laurel et Hardy ou des documentaires su le rôle de l’hygiène.

        Comme tous les enfants, nous consacrions beaucoup de temps à jouer des matchs de football dans le terrain plat de l’usine de crin végétal. Fautes de moyens et de ressources, nous ne jouâmes  qu’avec une pelote de Tahar. Tahar ne savait guère jouer au foot. Mais vu qu’il détenait le jouet, il imposait de force sa participation au jeu (Je joue walla, walou! clamait-il).

         Je m’arrêtai de parler pour lui faire signe de retourner sur nos pas. Nous nous étions oubliés. Nous étions loin de la voiture. Un long chemin de retour restait à prendre, mais nous avions de bonnes jambes. Elle rebroussa la première la ruelle, je la suivis. Au fond de moi-même, je l’admirai faisant la belle jambe. Elle mit ses jambes en valeur dans sa manière de marcher. Elle parada !

    -  Parfois le vendredi jour férié à cette époque, repris-je, nous organisions une randonnée dans la campagne verdâtre. Nous nous adonnâmes à une séance de pêche sur un petit ruisseau affluent du Bouregreg. Nos cannes à pêche furent des plus rudimentaires. Des tiges de roseaux, des fils de nylon et de gros hameçons. Nous ne savions pratiquer ni la pêche au toc, ni la bonne plombée. Nos appâts et asticots étaient des insectes et des vers de terre. Une fois, un de mes amis harponna une tortue et un autre une reinette verte au lieu de prendre un poisson. Ce fut un moment d’hilarité. Nous commençâmes à les brocarder de la prise. Ils libérèrent leur saisie pour taire la raillerie, et les remirent à l'eau. D’aucun avança que le matin, un gars lui eut dit « Bonne pêche !». Ce souhait est un mauvais présage pour n’importe quel pêcheur assura-t-il. Mais de nombreuses fois, nous pûmes tirer des ombles chevaliers ou des truites. Une fois la pêche terminée, nous ramassions des branches d’arbre pour faire un feu de camp. Nous creusions une fossette, utilisée comme barbecue pour déguster les poissons grillés. Les vergers d’oranges, des poires, des pommes et des figues fournissaient notre dessert. Les propriétaires indulgents ne disaient mots. Ce fut la zakât offerte à nous les chérubins pour purifier le verger des démons . Mais à aucun  moment nous ne fîmes un ratissage ou une destruction de leur bien. Tant de fois les agriculteurs nous donnèrent des bidons de petit lait. Après le barattage manuel du lait caillé et l’obtention du beurre fermier, le surplus du petit lait est offert aux passants. Pour les remercier, ensemble en chœur, nous priâmes le Très Haut de bénir le bienfaiteur après avoir psalmodié la Fatiha.

    -   En effet vous fûtes chérubins et gentils, dit-elle. Je pense qu’il n’existe point maintenant ce genre de cultivateurs ou de séraphins comme vous. Actuellement le lait et le petit lait sont vendus à la coopérative agricole. C’est de l’or blanc !  

     

    A suivre…./.

     

     

  • Et compagnie (10 ème Episode)

     

          Je ne pouvais me rassasier de l’admirer. Mais je notai que nous étions les seuls encore attablés. Les autres clients quittèrent les lieux. Durant le dîner, nous nous n'aperçûmes guère de leur présence. Je fis signe au serveur d'apporter l’addition.

    -    Abdou, parle moi un peu de toi, veux-tu?

    -  Une fois dehors, il fait beau temps, une promenade à pieds nous sera bénéfique et je te parlerai de moi.

    -   Oui, tu as raison !

    - Je réglai la facture. Nous prîmes congé et remerciâmes les responsables de l’accueil et du dîner. Au sortir, la clochette accrochée à la porte tinta encore un drelindin-din. J’affichai un large sourire en disant à Rahima :

    -   Nous nous sommes bien tapés la cloche ma mie ?

    -   Pardon, je n’ai rien compris.

    -   Nous avons bien mangé. Un dîner gargantuesque.   

    -  Oui, un  repas copieux. Je croyais que tu parlais du carillon et des appels à la joie et à la félicité  avec un grand sourire.

         Dehors, il faisait bon. Un clair de lune éclairait la ruelle. Heureusement que Rahima et moi, n’étions nullement des amants de la lune. Présentement nous  sommes ensembles. Rahima est belle comme la nuit. Nous marchâmes comme deux tourtereaux. J’allais prendre sa main pour la guider, mais je renonçai à ce marivaudage. Mon surmoi, tel un gendarme me le défendit. Nous fîmes quelques pas dans un silence religieux.

    -  Abdou me dit-elle, en me montrant du doigt le ciel. Regarde l'étoile filante.

    -  Fais des vœux vers le paradis pour qu’ils soient exaucés..

    - Non, je n'y crois pas. Je ne suis pas superstitieuse non plus. Pour moi, une étoile filante c’est le décès d’un être humain.

    - Possible ! Mais je te déconseille de montrer une étoile filante ou la lune pour éviter à ton index le panaris. Les frais de la manucure sont onéreux ces jours-çi, dis-je pour la taquiner.

    -  Au restaurant, Abdou, tu m’as promis de parler de toi. Je suis curieuse de savoir.

    -  Soit ! Sache Rahima, que mon destin est un des plus modestes. Je suis issu d’une humble famille. Mon père à l’âge adulte, fuyant l’animosité  et la cruauté du caïd de Mejjat dans le souss, vint s’installer dans un petit village non loin de Rabat. Sa fuite ne fut pas une frousse ni une peur de travailler dans la "touiza", mais c'est une rébellion contre la cruauté et l'esclavage de cet homme. Il quitta sa ville Imintanout, laissant derrière lui ses parents, ses frères et sa sœur et les gens du village qui l’aimaient tendrement. Mon père aussi les aimait. Laborieux et dégourdi, il put trouver un travail chez un colon français. Il se maria avec une première femme. Elle était stérile. Il divorça d’elle, pour épouser ma mère. Mon père avait entre autres, un don de musicien, il jouait merveilleusement du guembri.

    -   Ne me dit pas un guembri tortue ? M’interrompit-elle souriante en pensant à notre première rencontre.

    -  Nenni ! Ni guembri tortue ni guembri fait-maison avec un bidon d’huile automobile, gloussais-je avec un semblable sourire.

        Ma narration se poursuivait parfois lors d’un arrêt devant une vitrine. Nous devisâmes quelques fois des produits en ouvrant des parenthèses inattendues dans la discussion. Les passants nous lorgnèrent et convoiter notre sage allure. Nous fîmes l’ignorant.

    - En l’espace de quelques années, il devint polyglotte continuai-je mon récit. Il apprit le dialecte Zemmouri (chelha régionale), le français et aussi l’espagnol. Je fus le plus choyé de mes frères. Tout petit je me permettais de parler le français avec mon père. Il aimait que je lui parlasse dans cette langue. Il était content que sa progéniture excellât dans ce langage. Il faut dire aussi que j’ai fréquenté la medersa. Il fut intransigeant pour que tous ses enfants aillent à l’école. Il nous défendait de l’aider dans ses travaux. Les grandes vacances, nous l’aidâmes tant faire se peut.

        Mon père nous disait, l’avenir c’est le savoir. L’école est la clé d’or pour ouvrir la porte de l’avenir. Mais gardez vous mes enfants de travailler avec le makhzen ou de vous engager dans l’armée. Evitez les arrivistes. Soyez agiles au feu et à la mer ! Ses conseils influèrent sur le surmoi de chacun de nous. Ma mère est une grande dame. Elle tint à aider mon père. Elle se contenta du peu de ressources. Elle était heureuse de mener sa vie en veillant sur nous et en nous protégeant. Nous vivions dans le besoin, mais nous demeurions dans la légitimité.

     

    A suivre.../.