19488

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Courti Abdou senior - Page 4

  • Mécontemporain! (suite 3)

         Salé, le 14 Juillet 2008 à 20h de relevée.       

     

               Prends-en ton content Abdou, tu peux patienter! Je rentrai chez moi. Je me déshabillai et j’entrai dans la salle de bain, pour prendre une douche. Après le bain, j’enfilai mon peignoir, et au moment où je chaussai mes babouches, je constatai que la paire droite surplomber de haut celle de gauche. Une incitation et une invitation au voyage pensai-je! Maintes fois, cette « abordée » de babouche me fut signe d’un déplacement. Prélude avéré vrai et authentique. J’acceptai le présage de bon augure.

     

              Je pris mon dîner. Je lus mon courriel. Je devisai, « clavaudant » au chat, avec une mienne amie connectée. Nous nous échangeâmes une discussion fort aimable. Je fus de bonne humeur. Ma ci-devant, excellait verbalement et ne mit pas son intelligence en jachère. L’âme imbibé, nous nous quittâmes doucereusement, contents l’un et l’autre, pour  tomber dans les bras de morphée.

     

             Le lendemain, je quittai tôt mon appartement. D’habitude je ne parlais point avant de prendre mon petit-déjeuner. Mais ce matin en allant vers le café mitoyen, je sifflotai un air inconnu. Un fait rare. Quantes  passants, qui à force de nous nous rencontrer matitunalement, me regardèrent abasourdis et stupéfaits. Mais gentiment ils me lançaient,  comme de coutume, le salut. Je répondais poliment au salut.

     

             Comme d’habitude, j’acquis mon journal de chez le kiosque. Je demandai au serveur ma crème tirée et ma tranche de gâteau jalousie :

     On déjeune en lisant son journal. Tout le jour

    On mêle à sa pensée espoir, travail et amour.

                                                       (V. Hugo)

     

               Rassasié, j'hélai un taxi pour aller au travail. Ces deniers jours j’évitai d’user ma voiture. Arrivé, je devais passer devant le secrétariat pour rejoindre mon bureau. Ma demoiselle Batoule, la secrétaire du chef, toujours matinale, m’appela:

    -          Bonjour Abdou, me dit-elle. Es-tu vacciné contre le paludisme, la fièvre jaune et la maladie du sommeil ?

    -          Oui, affirmai-je, l’abord méfiant. Je suis vacciné contre les maladies du tropique, pour dix ans. Pourquoi, encore un périple ? (En mon for intérieur, souriant, je pensai à mes babouches. Mais aussi j’eus une pensée pour ma nouvelle et future conquête).

    -          Le patron t’a désigné avec Gharib  pour couvrir le 11ème forum sur les prévisions climatiques saisonnières en Afrique de l’Ouest au Niger, me dit-elle avec un sourire léger. Vous partez demain matin. Vos billets d’avion et liquidités de Frais de déplacement et séjour seront là dans une heure.

    -          Ah le forum du PRESAO, c’est intéressant. Soit ! Je vais de ce pas  relire la morasse d’un de nos localiers.

     

               Jadis je fus un articlier, naguère  rewriter, me voilà reporter à Niamey. J’irais  vaille que vaille !

     

                L’après-midi attardé, je ne pus aller voir ma désirée. Et je me dis, diffère Abdou, diffère à ton retour ! La nuit je préparai ma valise. Mes habits de rechange. Ma trousse de toilette. Mes babouches tant chéries. Des stipules du tilleul et du thym pour des infusions. Maintes fois, le changement climatique atteignit mon métabolisme et me provoquai des somatiques (Je ne suis pas froussard). Mon livre de chevet « La paresseuse ». Mon MP3 et une clé USB. Par précaution, je pris des  photos d'identité pour  le badge ou l’accréditation au forum. Et enfin un maillot de bain pour la piscine, pour joindre l’utile à l’agréable.

     

                                                                  A suivre..

  • SONGE

                      (En hommage à une mienne amie. Mes soins empressés pour cette grande dame)

     

                 Le matin, je lu mon journal comme d’habitude. Après les grands titres de la une, je consultai mon horoscope. Ce jour, sur le plan professionnel attendez vous à des imprévus, à des changements de programmes. Soyez prudent et ne faites confiance à personne. Sur le plan sentimental, période euphorique en ce moment. Vous aurez une surprise.

     

                 Bien qu’optimiste, attendre c’est espérer la venue de quelqu’un. Ou bien la survenance de quelque chose. Cette étude prédictive des diseurs de bonnes aventures  m’ébranla peu ou prou.

     

                  Je terminai mon petit-déjeuner et ma lecture, et me décidai à quitter la pâtisserie. En sortant, je vis une femme attablée que je n’eus aperçue lors de ma consultation du quotidien. Une belle et charmante dame que je n’ai plus revu depuis belles lurettes.

     

                  - Ah te voilà, Bienheureuse dis-je! Ne me dis pas que je te cherchai si je ne t’ai pas trouvée.

     

                  - Le monde est petit, répondit-elle souriante.

     

                  -  Oui ! Une singulière et merveilleuse rencontre.

     

                  - Que deviens-tu depuis cher ami ? M’apostropha-t-elle.

     

                  - Tant bien que mal. Des hauts et des bas, c'est la vie. Mais je ne boude point.

     

                  

                  A priori, j’allai lui étaler, ses trente ans d’absence. Une absence où je ne fus jamais seul, bien que cette dernière fut toujours présente avec moi, à mes cotés. Elle me chantai « Parlez moi de lui ». Les souvenirs lointains des moments doucereux m’enflammèrent. Le zéphyr amoureux attisa ma flamme et excita ma passion.

     

                    Mais la sonnette d’alarme de  mon grincheux portable, me tira irascible, de ce beau rêve. J’aurai aimé me rendormir pour terminer mon songe et faire appel à mon subconscient. Pénétrer dans le reste. Mais le devoir m’appelle. Lèves-toi et marches me disè-je !

  • Mécontemporain! suite 2

        Toute la nuit, je mûris mes plans pour l’approcher.Je ne fermai l'oeil de la nuit. Je tramai plusieurs scénarios et conjecturai moult canevas de plans pour gagner son amitié, mais non pour courir le cotillon. Adolescent je sus qu’affronter une veuve, c’est la guillotine, la louisette. Et épouser une veuve, c’est être pendu comme si la corde du gibet était veuve de tous les pendus. J’eus aussi la phobie des veuves noires. Cette araignée cannibale et sélective qui arrive à avoir le beurre et l’argent du beurre dans la relation amoureuse. J’eus une araignée dans le plafond, dans la coloquinte. Dieu merci, ma cible est blanche.  

        L’après-midi, je me  dirigeai, fredonnant un air en a-mi-la, au café Pachalik. La cafétéria sise devant l’agence où elle travaille. Emporté par mon imagination, je rêvai à un entretien tendre avec ma prochaine dulcinée. Des oaristys devisés, des paroles tendres, sereines et calmes.  Des entretiens galants, pour la faire revivre, loin de la cruauté de la perte de son conjoint. Je redoutai avec angoisse sa réaction, qu’elle refusât  toute proposition de faire ma connaissance. Le port du deuil m' handicapa. Pour lui partager ma compassion, je mis ce jour une cravate noire. j'eus aimé lui offrir,en ce mois de juillet, un bouquet de fleurs, la veuve dite aussi la scarbieuse .Jolie fleur d'un rouge foncé, veloutée et d'un parfum agréable Je ne pourrai être un démodé douilleur. Mais j’eus espoir en pensant au film que j’avais vu, il y a quelques mois. Un film Isabelle Mergault « Enfin veuve ». L’histoire d’Anne-Marie qui vient de perdre son mari dans un accident de voiture. Elle est enfin libre d'aimer celui qu'elle voit en cachette depuis deux ans. Mais elle n'a pas prévu que sa famille, pétrie de bons sentiments, a décidé de rester à ses côtés pour la soutenir dans son chagrin. Anne-Marie se retrouve alors encore plus prisonnière que lorsqu'elle était mariée. Est-elle libre ? Est-elle prisonnière ? Serai-je son sauveur pour dissiper son chagrin profond ? Mais je me dois être respectueux eut, son égard. C’est un devoir que d’être sincère avec son prochain. « La sincérité est une ouverture du cœur. On la trouve en fort peu de gens et celle que l’on voit d’ordinaire n’est qu’une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres. la Rochefoucauld  »

       Arrivé au Pachalik, après une reconnaissance des lieux, j’optai pour une place de choix  à l'affût de sa sortie. Je pris une table en position statique. Je demandai au serveur comme à l’accoutumer, une tasse de café Lavazza et un oulmès.Le cendrier est déja en place.Aucune trace de la Peugeot 307 noire. La ruelle fut encombrée, des passants pressés, vaquèrent à leurs affaires. Des voitures circulèrent, les chauffeurs usèrent parfois le klaxon causèrent un grand tintamarre. Agressèrent l'ouïe. Force est de constater que le parc auto marocain a beaucoup évolué. Mais l’esprit des automobilistes lui, ne progressa point et manqua de civilité,ce lent apprenti de la civilisation. Dans la gélatine de l’embouteillage, un marchand ambulant exposa ses articles de vente, sur un triporteur ;à deux mètres, juste devant la terrasse du café. 

       Le temps languit .De temps à autres, je consultai ma montre bracelet. Cette attente impérieuse épuisa mon enchantement. Mais je gardais espoir même en l'absence de sa 307. Il est seize heures, la voilà sortante. L’allure saccadée, elle traversa la ruelle en direction du café. Le battement rythmé de ses jambes fit palpiter mon cœur entr’ouvert. Je demeurai calme. Erreur, un penser  amoureux! Elle s’arrêta devant l’ambulant marchand.

     

       Apres avoir prospecté l’étalage, elle mit son sac à l’épaule. Elle prit des deux mains une soupière de dînette de poupée,. Elle parla. Elle marchanda le prix avec le vendeur pour bénéficier d’un rabais sans doute. Il hocha son nez, secouant son menton à droite et à gauche pour la désapprouver. Ils  semblèrent n’être d’accord. Je dus me lever  pour intervenir, par curiosité et pour marquer ma présence dans l’espoir d’attirer son attention. Je feignis acheter des couteaux -à- beurre.

     

    -          Madame, dis le commerçant, Je ne peux céder cette unique pièce sans ses légumiers. J’eus la peine à vendre aussi des raviers, de la fameuse faïencerie de Sarreguemines.

    -          Je vous comprends, dit-elle, la voix douce et les mots chuchotés. D’aucun viendra acquérir ces six bols, croyez moi, monsieur!

    -          Je suis preneur. Dis-je intervenant dans la discussion. J’ai une soupière tête de lion de Limoge, mais les bols se sont amochés. Ceux-là sont assortis avec la soupière et les  saucières.(je romancai).

    La dame eut un léger sourire spontané. Des dents blanches, telles des perles ,bien alignées. Une dentition féminine. Je la regardai. Je la regardai et l’admirai. Je répondis avec un large sourire et je voulus pleurer de joie.

    -          Voilà donc un acquéreur monsieur, dit-elle pleine de satisfaction. Merci Monsieur, m’adressa-t-elle. La providence vous envoie.

    -          De rien Madame, dis-je plantant mon regard sur ses yeux noisette. Je ne vous le fais pas dire, la providence et le hasard. Soliloque je me disais «  L'amour est un jeu du hasard. Qui s'y frotte s'y pique. Il n'est pas bon que l'homme soit seul(Murger) ».

    Elle tira son portefeuille crocodile de son sac colombo. Elle paya et nous dit gentiment au revoir . Elle quitta l’endroit l’allure souple et ferme.A pieds. A mon tour je réglai les légumiers et reprit ma place au café me remémorant une lecture:Je sens monter vers moi le deuil d'une vallée où j'eusse été le roi (Jammes). Au fond de moi-même je pensai, ce n’est que partie remise. Mon âme est veuve.Je suis têtu. Monsieur de La fontaine l'a dit"Entre la veuve d'une année et la veuve d'une journée la différence est grande. L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits". Rebelote!

                   Salé, le 05 Juillet 2008 à 01h30 de relevée 

                                                     A suivre

                

     

      
  • Mécontemporain!

    Au travail, un beau matin je fus lésé, blessé dans mon amour propre. Je me senti frustré par le favoritisme, qui laisse place à l’arbitraire. Peut être existe-t-il, tant soit peu, mes semblables d’obéissance passive. Moi, je ne baisserai jamais le nez. Le responsable du service ; fit comme Napoléon qui se mit à juger les gens par la taille de leur nez, et accorda avantages à ceux ayant le grand nez. Il préfère celui qui fourre son nez dans les affaires de tous .

    Selon le principe de Laurence Peter  « Vous pouvez par exemple grommeler de temps en temps : C’est toujours les mêmes qui sont promus, dans cette boîte, et on oublie les meilleurs…L’incompétence créatrice offre, il me semble, un champ d’action aussi passionnant que la lutte traditionnelle pour l’échelon supérieur. Il donna un exemple : Pour son stage on confia à un maître une classe spéciale d’enfants attardés. Bien qu’on lui eût dit que ces enfants ne seraient pas capables de comprendre grand-chose, il entreprit de leur apprendre tout ce qu’il pouvait. A la fin de l’année, beaucoup d’enfants attardés obtinrent de meilleurs notes de lecture et de calcul que les enfants des classes normales. La direction de l’école pour le congédier, lui reprocha d’avoir négligé l’enfilage de perles, les pâtés de sable et autres disciplines destinés aux enfants attardés. Il a omis d’utiliser le modelage, les jeux de constructions et les boites de peintures fournies par le comité pour l’enseignement. »

    Rendu camus , ne savant que dire, ombrageux, irrité, manifestant mon courroux, la moutarde me monta au nez. Je quittai le bureau. Je mis le nez dehors, pour humer un peu d’air et me recueillir. Je trouvai refuge dans une terrasse de café, loin des tracas pour ruminer mes soucis et méditer sur les facteurs intrinsèques et extrinsèques à mon mécontentement. Et penser aussi à la théorie bifactorielle satisfaction - insatisfaction de Maidani. Les chercheurs ont constaté que la satisfaction au travail est un excellent indicateur de santé et de longévité. Le mécontentement peut cependant susciter, chez l’individu, des doutes quant à sa capacité de bien faire son travail. C’est ce qui se produit en particulier si les travailleurs estiment que leur activité professionnelle n’utilise pas pleinement leurs qualifications et aptitudes.

    Attablé, je demandai au serveur, une tasse de café, une bouteille d’Oulmès et un cendrier. Je lisais une œuvre de Mathilde Alanic « Anne et le bonheur » (Après les vastes horizons où son activité s’était dispersés, ces dernières années, les scènes qu’il traversait, en reprenant contact avec le monde civilisé, lui semblaient singulièrement puériles, rétrécies, mesquines. Du coin de son œil bleu, d’un bleu de glacier, l’officier dévisageait, les uns après les autres, les gens qui l’environnaient, les jugeant de banals exemplaires d’humanité. Et il leur en voulait, à ces êtres falots, incapables de résister à la maussaderie de l’heure, de dégager un si total ennui qu’il en subissait lui-même l’influence…Un bâillement  près de lui s’étrangla à peine, le gagna par contagion.

    - Diable ! Vais-je céder au cafard, moi aussi ? C’est trop bête ! Réagissons !)

    Au moment où je pris ma tasse, je voulus imiter mon héros du roman. Mais du coin d’un œil ambre et non bleu comme la sienne. Je regardai les passants. Mon attention fut attirée par une charmante femme. Moricaude, jeune et jolie. Ardente femme, habillée en djellaba. Blanc vêtue, elle est probablement une femme veuve. Elle sortait d’une agence d’assurance. Venait-elle pour régler une affaire ou y travaille- t-elle ?

    Elle me sublima. Je l’admirai de loin, retenant mon souffle. Elle se dirigea à sa Peugeot 307 noire. C’est un parking non loin de l’agence. Donc elle travaille dans cette assurance. Elle quitta benoîtement la place. J’oubliai mon désappointement. L’âme donjuanesque m’envahit. Je me pointerais là demain. Faute de grive, tue le merle me disé-je !

     

    A suivre

     

  • Cette femme était la femme

         Cette femme était la femme ! 

    (Le cerf blessé traînant ses pattes défaillantes vers quelques retraites inconnues pour y contempler la flèche qui l'a transpercé et pour y mourir, était une parfaite image de moi) 

    A l’aube de ma retraite, je pars quidam.

    Seuls quelques mois,  restent madame.

    Voilà ce qui crève, le cœur ô ma dame !

    Dans la douceur du soir, sachez, femme

    Je  penserai  frisson, tant je  t’aime !

    Dans la beauté de la nuit, triste d’âme,

    Je songerai à toi, tout feu, tout flamme.

     Scrutant la lune, les étoiles charment.

    Les noctuelles,  attirées par le charme

    Des lampions, tourbillonnent, calmes.

    Se grillent, meurent sans une larme

    S’offrent à l’attrait, sans blasphème.

    Une autre  image de moi-même.

    Conquis, silencieux, le teint blême.  

    Le  cœur s’éprit, toi son emblème,

    Bat d’aise, soûl du problème.

    Ma pâmoison, ivre de vin de palme.

    Mon âme balbutie d’alarmes :

    Je t’aime, l’amour  te réclame !

     

                        Salé, le 21 Juin 2008

  • Arrêt sur image

                                                       5179d7b6b70df130f9aa0b42ca2bcfa8.jpg

                             Récemment je lisais un article sur « La fantasia, héritage des Zénètes ».Je remarquais que la selle fait son apparition à Rome au début de l'ère chrétienne. Relativement sommaire, elle ne possède alors pas encore d'étriers. Ce n'est que vers l'an 800 de notre ère que ces derniers entrent dans l'histoire de l’équitation. La selle profonde, munie d'étriers, s'impose alors au Maghreb en même temps qu'une nouvelle façon de monter, élaborée par les Zénètes, des Berbères d’une grande ethnie nomade. Grâce aux étriers, ils pouvaient monter très court, en avançant les genoux et en reculant les talons.  

                   Cette position leur permettait d'engager les attaques en position suspendue, dressés sur leurs étriers. Comparés à leurs adversaires qui montaient long, ils étaient d'une légèreté qui faisait toute la différence au combat. Au fil du temps, ils perfectionnèrent cette technique en adoptant une selle au pommeau et au troussequin élevés emboîtant le bassin, de grands étriers en fer, et le mors dit « arabe », à anneau circulaire formant gourmette passé dans la mâchoire inférieure.
                  Les Zénètes menaient alors leurs attaques en deux temps : d'abord “el karr”, l'attaque fulgurante, puis “el faâr”, la retraite vive qui est une fuite simulée. Cette technique de combat s'est transformée en un jeu – le mot fantasia, d’origine latine, signifie “divertissement” - qui a pour objectif de prouver la bravoure des participants. Ces derniers sont regroupés en “sorbas”, des groupes d'une dizaine à une centaine de cavaliers appartenant à la même tribu ou à la même ethnie. Alignés à l'extrémité d'un terrain d'une bonne centaine de mètres, ils partent ensemble au galop jusqu'à l'ennemi imaginaire - le public - avant de tirer une salve au fusil. La charge est suivie d'un arrêt brusque puis d'un demi-tour et d'un repli rapide.
       

                  Aujourd’hui, j’ai en main le quotidien marocain «Al Ahdath Al maghribia » du 11 Mai 2008. Il consacre une page au groupe : Tagada. Du cinéma Assaâda à la popularité de la chanson, au théâtre et à la télévision. Il retrace le long chemin de la formation musicale, créée en 1972, juste une année après la création de Nass Al Ghiwane. L’article est bien ficelé. Mais il ne relate pas les échos des ‘’coulisses’’.      

                  Les Années soixante dix, Tagada bien connu animait un mariage dans la campagne. La cérémonie passa chaleureuse et ambiante. Omar <le barbu> de Tagada devait chanter la chanson « La danse du cavalier » avec une Marionnette cheval  bâton en bois. A la main, il tenait un long fusil maure finement damasquiné, la “ mokhala ”, une sorte de mousquet. Il faisait cavalier seul habillé en djellaba et le turban jaune coloré. Il faisait des entrechats et des ronds de jambes aux rythmes musicaux. Une innovation de ce groupe, issu du théâtre.  

                  A la fin de la soirée, les  frères du nouveau marié discutaient sur le montant qu’ils devaient octroyer au groupe.

      -     Donnant leur chacun 500 Dh, proposa l’un d’entre eux.

     -     Soit ! répondit l’ainé. Leur grand-mère, une vielle femme, présente à la discussion  intervint et dit :

    -     Et moule lâawd(l’homme au cheval, le cavalier), combien  allez vous lui donner ?          

             Salé, le 20 Mai 2008 à 22h30 de relevée

  • Sobriquet flatteur

    e082de6a586ad3ea615b5f9f92e0c396.jpg

                                          

                       Lors d’une grande cérémonie de mariage, 200 couverts furent dressés .Des menus anges et portes noms des convives indiquaient les places d’hôtes. Le traiteur ne négligea aucun détail. Des chemins de tables verts. Des serviettes ivoire. Même la negafa, cette habilleuse traditionnelle, elle aussi veillait au grain pour embellir Nadia, la mariée. Un orchestre joua des chansons chaude et rythmique. Tous chantèrent gaiement et tapèrent des mains.  Les invités de la noce se mirent à table à vingt heures et à vingt quatre heures ils mangeaient encore. 

                       A quatre heures du matin, après avoir six fois changé de belles tenues traditionnelles, caftans et takchitas, Nadia porta sa dernière robe d’exhibition. Une robe blanche de mariée. Elle descendit de son trône où elle était avec son Bachir. Elle l’invita à une danse. L’orchestre entama la chanson du chanteur Saad saghir:  Bahibbak ya himar (Je t’aime ô l’âne). Bachir fit semblant de ne l’écouter, refusa premièrement l’invitation à la danse et se dirigea vers l’orchestre. Poliment il demanda aux musiciens d’arrêter de jouer cette chanson. Le chef d’orchestre lui répondit, que c’est le désir de la mariée. Se sentant frustré, touché dans son amour propre, il quitta la scène. Avant de quitter Nadia, il lui lança en colère: 

              -       C’est fini entre nous!  Tu es divorcée! Adieu nuit de noce! 

                       En lisant cette histoire dans une revue arabophone, j’eus une pensée pour Bachir. Il n’a rien encore compris de la vie, ni des femmes. J’ai connu il y a des années  une fille. Je l’ai rencontrée, lors d’un vernissage du peintre et écrivain Abderrahmane Zenati à Oujda. Je contemplai son tableau ‘’ Panique’’.    Si Abderrahmane peignit avec tour de main, hommes, femmes et chevaux. C’est notre Raphaël marocain. Je m’approchai pour admirer le tableau ‘’Harka’’. Je vis à mes cotés une charmante Eve. Ronde et enrobée. Des habits soignés. Richement habillée. Pour l’élégance de sa mise, elle a appliqué des fards, soins qui l’embellissaient. Je fus paralysé .J’étais devant deux tableaux. Un fixe et l’autre mobile.Une belle lune. Une communion  intime naquit entre nous deux. Nous admirions ensemble la même beauté.

          -          C’est fantasmagorique! lui dis-je sans faire le freluquet. (mon leitmotiv pour approcher une femme et lui conter fleurette).

           -          Du sublime! répondit-elle. Un artiste notoire. Son roman « Mémoire d’un âne de l’oriental » est mon livre de chevet. J’ai lu aussi « Mourir d’amour ». C’est captivant .

           -          Je vois. Je lui ai lu « Mémoire de la fourmi, El hogra et Le fou de Sarah »  

                 Elle se pinçât les lèvres pour ne pas rire. Mais, ses yeux rirent. Je fus pris au dépourvu. Elle s’aperçut de mon émotivité.

           -          Je voudrai bien connaître ce fou de Sarah, répliqua-t-elle. Je m’appelle Sara, c’est pour cela que je ris.

           -          Charmé madame Sara. Enchanté de vous connaître.

          -          Je te dispense de me vouvoyer. Je ne suis encore liée.

                Elle avait un sourire envoûtant, une large bouche. Sur ses lèvres fines, un rose- baisé. Nous terminâmes notre visite et continuâmes notre discussion hors du salon.

          -          Moi, c’est Abdou. De passage à la ville de l’oriental, je saisie cette occasion pour laver les yeux et l’esprit en visitant cette belle exposition.

        -          C’est drôle.  Nous avons tous les deux, le penser siamois. Moi aussi j’y suis de passage pour deux jours. Mes parents habitent à Ahfir. Je réside à Anvers. Je tenais  à rendre visite à cette galerie.

        -          Dire que Si Abderrahmane se demandait dans son roman « Les cigognes viendront-elles à Oujda ?»

        -          Tout à fait, dit-elle en affichant un sourire avec modestie. Je suis une émigrante en Belgique. Et comme disait Châteaubriant dans’’ itinéraire de Paris à Jérusalem’’: La jeune cigogne a toujours nourri son vieux père. Je suis venue voir mon papa  et lui remettre des subsides que j’envoie trimestriellement.

        -          AArdaa ! (sois bénie), Tu es bénie de tes parents et de ta patrie ! Je peux proposer une chose ?  

       -          Oui propose et moi je dispose.

       -          Tu es d’Ahfir et je suis de Rabat. Si nous dînions ensemble!

       -          Avec plaisir ! Je suis libre. Je ne vois aucun inconvénient. En sus nous avons presque les mêmes goûts et la même idole. 

             Nous partîmes prendre un rafraîchissement dans une pâtisserie. Nous dînâmes légèrement un succulent repas. Nous parlâmes de tout et de rien. Ce fut une ambiance amicale. Nous nous racontions des blagues l’un et l’autre. A un certain moment nous crûmes que nous ne connaissions depuis longtemps. Elle fut contente de l’ambiance, trop contente. Je remarquai que ses yeux brûlaient de désir. Un désir d’amour ardent. En m’écoutant parler, elle passait une mèche de ses longs cheveux noirs, entre ses fines lèvres. Cerf qui désire brame (Moréas). Pour appeler une chevrette, c’est le raire du brocard qu’il faut imiter. Je réai à ma façon, saisissant notre prise de tasse de café, je lui suggérai que nous poursuivissions notre débat dans ma chambre d’hôtel.

        -           Ce sera encore avec le plaisir, dit-elle consentante.

               Je réglai la note. Ensemble, nous sortîmes du restaurant. Le temps était doux. Une légère brise faisait danser ses cheveux. Nous marchâmes la main dans la main. Elle se pendit à mon bras. Un courant de chaleur hérissa mes poils et cheveux. Un coup de désir. Une frénésie me gagna corps et âme.

              Nous entrâmes dans ma chambre. Je pris la précaution d’acheter des jus et limonades dans une supérette. Nous fîmes des combats fleuris.Une lente lutte de corps. Elle me parla toute la nuit, le langage Kâma-Sûtra : Mon Missionnaire, mon Andromaque, mon cavalier à la barre et  mon indolent. 

                Le matin, nous primes notre petit-déjeuner continental dans la chambre. Elle était radieuse, heureuse et contente. Elle fredonnait :

        -          J’aime l’âne Ab doux….Marchant le long des houx!

        -          Beau poème de Francis Jammes, ma Brigitte, reprisé-je.

               Je souriais. Je savais que cette épithète me valait l’organe copulateur asinien que j’aie et pour mes bijoux de famille. C’est un honneur pensais-je. D’autant plus que l’âne, est de bonne souche . Ses parents sont connus.

        -          Tu m’as rendue heureuse cette nuit, me dit-elle de vive voix. Pour la première fois dans ma vie, je suis vraiment satisfaite. Au fond de moi-même, je jubile. Voir mes parents, visiter l’exposition, te rencontrer hasardeusement, passer de si agréables instants à tes cotés, c’est du rêve. Je n’oublierai jamais ce jour. Tu m’as honorée.

        -          Je t’en prie Sara. Nos noms se  connaissaient dans le ciel et s’embrassèrent avant de descendre sur terre. Moi aussi, je m’en souviendrai de toi.

        -          J’ai une petite question à te poser.

        -          Oui ma Brigitte!  

        -          Petit que mangeais-tu le matin ?

        -          Le pain d’orge et le thé.

        -          Et à midi?

        -          Le pain d’orge et le thé.

        -          Et le soir?

        -          Le pain d’orge et le thé.

        -          Laissez-moi rire !  Seul le  thé, te différencie, avec  l’âne !

        -          Brigitte, qui s’assemble se ressemble. Hmar Oubikhir! (Imbécile heureux)

              Je ne dis mot à ce baroud d’honneur.  Nous quittâmes les lieux contents l’un et l’autre. Je la conduisis aux grands taxis. Ce fut une séparation chagrineuse. De ses yeux coulaient des larmes. Moi, j’eus le cœur en larmes. 

             Des mois passèrent. Un jour, d’Anvers elle me téléphona. Après  le salut, elle me dit :

         -          Abdou, je vais me marier. J’épouse un mulet !

         -          Sois heureuse Sara. Prends-le en main, il sera de bonne souche !

     

                                                        Salé, le 28 Avril 2008.

  • Que sont mes amis devenus !

    1cc4709187b443d3c7c7ca2ee0e425d4.jpg

               Salé, le 16 Avril 2008

           Que sont-ils mes amis devenus !

       

           Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie?

           Tout ce qui m'a fait vieux est bien loin maintenant;

           Et rien qu'en regardant cette vallée amie

           Je redeviens enfant.      ( A. De Musset)

              Que sont mes amis devenus ? En écoutant ce poème de Rutebeuf, la nostalgie agissante s’amassai et gonflai mon cœur. Maintes fois, je me remémorai de mes amis, collègues et acolytes du travail. Parfois, que n’eussé-je donné pour les revoir !

             Nous primes habitude de déjeuner ensemble au réfectoire. Mes commensaux furent presque tous des érudits, des lettrés, des avertis. Je fus parrainé  dans le groupe, par Bajqillou. Un gars jovial, l’ami de tout le monde et donc l’ami de personne. Ainsi notre table fût la cible de beaucoup de gent,  intéressés d’y participer aux calembredaines. Mais le clan abhorrait les simagrées, les benêts, les grandiloquents et les fanfaronnades arrivistes. Mes amis furent courtois, humbles, modestes, larges et aimèrent la simplicité.

            Lors du premier jour, attablé avec le groupe, ce fut mon ‘’bizutage’’. L’équipe comptait entre autres, Bajqilou, Abou Tariq,Abou hicham, Abou Lafa, Abou Rochd, Abou Noutq , Abou Annasr (le casanier) et moi. Heureusement qu’à cette époque, les Abou n’étaient guère utilisés comme nom de guerre. Ni Abou Gharib .Ce fut ceux d’Abou Nawass , Abou Firass Al hamadani et Abou Temmam pour ne citer que ceux-là. Tous furent ravis, que j’eusse rejoint « les chevaliers de la table ronde ». Le chef de file Abou Noutq, lança  gentiment une question-réponse, aux compagnons de table. Sous-entendu, je me devais y répondre :

    -          Quels sont les deux seuls noms en français qui se terminent par un Q sans l’U ?

    -          Cinq et Coq, répondis-je en primesautier, tel un élève en classe.

           Je fus enchanté par  le hochement de  tête approbatif des attablés. Nos déjeuners furent l’occasion d’échange d’idées, des débats littéraires, philosophiques et aussi parfois, ils eurent le goût de la gaudriole, des jeux de mots et des arcanes d’histoire. 

           Bajqilou aimait découcher chaque vendredi. (Me lisant, il m’excusera si je relate ces faits). Il avait le goût délicat. Je remarquais qu’il fumait les jours de semaine du tabac noir. Mais le vendredi, il optait pour les blondes. Non pas les femmes blondes auxquellles préférait le genre Silvana Mongano. Ces bacchanales sont des bouées de sauvetages, m’explicitait-il.

           Nous projetions ensemble de passer des soirées. Après avoir bien dîné, optant pour des brochettes, c’est au tour d’une plaisante beuverie. Ne dit-on pas remplir la panse et penser à la danse ! C’était des ‘’orgies’’ bien organisées et modérées. Les spiritueux ne coulaient pas à flot. Nous étions bons enfants.  Chacun versait son écot pour le manger et la dive bouteille. Il y avait une certaine entraide, une solidarité et une aide mutuelle entre « soiffards hebdomadaires ». Notre vendredi noir. Nous nous contrôlions. Point d’ébriété ou de dépassement. Nous fûmes responsables.   D’aucuns de la « bande » ne coïtèrent  jamais. Souvent, nous rencontrions plusieurs pimbêches callipyges, mais nous ignorâmes leur prétention. Nous évitions les gynécées. Nous préférions rentrer « propres » à la maison.   

          Un vendredi, lors du déjeuner, pourléchant les badigoinces,  je demandai à  Bajqilou, quelle serait notre destination ce soir.

    -          Nous irons à Casablanca.

    -          Soit ! Après nous irons à Tanger, dis-je plaisamment.

    -          Sans problème, me dit-il.

         Abou annasr qui entendit la conversation, intervint, avalant sa salive et agitant sa pomme d’Adam :

    -          Waili !! Vous irez à Casa puis Tanger ! Quelle audace pour un verre, 90 km puis 278km, nonobstant le retour ?

    -          Pourquoi pas !dis-je sans préciser, qu’il y a une guinguette à Rabat qui porte ce nom.

         Jusqu’à ce jour, je pense qu’Abou Annasr ignore que les deux antres à Bacchus sont mitoyens à Rabat. Abou Annasr, souvent retenu au travail, de retour chez lui, il ouvrait doucement la porte de la chambre où dormaient ses enfants. Il était heureux et rassuré quand il sentait la flatulence des pets. Les bambins ont bien mangé, se disait-il.

         Quantes nuits, nous allions dans une boîte sise à Mehdia, village non loin de Kenitra. Nous allions dans ce Night-club pour voir des troupes de Chaâbi. Lors de notre retour, Bajqilou voyant que j’appuyais trop sur le champignon, me disait l’air enjoué et folâtre:

    -          Comment vont les enfants ?

          En entendant cela, je réduisais la vitesse. Aussi parfois, quand le volume du radiocassette, était fort, il disait :

    -          Augmente un peu le volume, veux-tu !

         Je devinais. J’abaissai les décibels, bien que j’adore écouter les Jarra ( chants  populaires). Une fois en route, sur le point de croiser un poids lourd, il me lança :

    -          Aammi Jaye (mon oncle arrive)

         Je prêtai attention, car « Aammi » en arabe classique, veut dire aussi analphabète.  Il avait raison. Ce sont des chauffards.

                                                                          

     

  • SABIR

                                                         S A B I R                                                                                                                                                             

    J’aime le soir, à vau-l’eau, errer sous la charmille.  

    T’accueillir, sous ces sublimes arbustes, m'amie.

    Dans les allées de bouleaux pleureurs,sans larmes

    Cueillir ton sublime sourire, à l’ombre des charmes

    Entendre ta voix,tes murmures ou tes chansons.

    Tu mettais ta main sur ma bouche, en abat-son.

    Chut ! Pour taire mes déclarations , mes aveux.

    Mon flux labial formait, mes désirs et  vœux.

     Tu pinçais tes lèvres, mais sans me dire un mot.

    J'adorais!J’oubliais mes angoisses et mes maux.

    Vent et feuilles de charme, chuchotent en chœur.

    Notre solitude à deux, me fait palpiter le cœur !

    Ces doux sons, confus, comme un bruit de galop,

     Susurrent, tel serpente dans le ruisselet, l’eau !

    Te amo ! Bellisima !Lahbiba ! Excuses, ce sabir.

    Coquillages de mots cueillis avec joie et plaisir !

                                                     Salé, le 10 Avril 2008

  • Leçon de chose(épisode VII et fin)

    Salé, le 20 Fevrier 2008 à 23h de relevée.
        3c3d323712d49b856f74545cfb2d72d6.jpg

    - Merci mon poète et écrivassier. Depuis hier soir je pensais à te parler de la ville de Sidi-Ifni et de la tribu combattante Ait-Baamrane.  Il se peut que tu en aies besoin pour tes reportages.

      - Oui, laissons cela pour une autre fois et parlons d’autres choses. Plusieurs journalistes, écrivains et chercheurs ont vulgarisé ces sujets. Il me faut des scoops sur le social.

              A ce moment là, une dame, souriante s’approcha de notre table. Je reconnus ce visage aimable. Je répondis au sourire d’Amina. Une assistante dans une clinique à Rabat. Elle aussi de la région d’Agadir. Toute resplendissante de charme, de joie et de santé. D’une voix chaude, elle m’adressa, imitant mon salut préféré :

           -  Ah te voilà Abbèss ! Contente de te trouver dans ces lieux !

     -  Ah te voilà Amina ! Que sont mes amies devenues ! Quel bon vent t’amène ! 

     -  Je suis en congé et je revisite ce coin de paradis. J’ai aperçu ta 403 devant le restaurant, je  tenais à te dire bonjour.

       Je fis la présentation des deux dames. Enchantée l’une et l’autre se dirent-elles entre deux échanges de civilité. Elles se parlèrent en souriant.

    -    Tu es encore là, pour combien de jours, cher ami ?

    -    Non ! Je repars demain inchallah. J’ai presque terminé mon travail.

    -    Bon retour donc ! Je serais à Rabat la semaine prochaine.

    -    Soit ! Prends soins de toi. Bonjour à toute la famille, notamment à ta maman. 

       Amina demanda poliment la permission de disposer. Elle nous salua et ressortit. Jade  est  restée sans mot  dire. Je remarquai son irritation.

    -      Ah bon tu quittes demain. Tu devais m’informer au moins.

    -      Mais j’allais le faire lors de notre retour.

    -      Tu devais me le dire avant de le savoir d’une manière fortuite. Qui est cette femme ? m’apostropha Jade.

    -      Une connaissance de la capitale, répondis-je innocemment. Nous faisons des échanges de romans et revues. Elle est une grande lectrice.

    -      Humm !! Saches que cela, ne me regarde pas, dit- elle en mussant un sourire flûté.

    -      Pourquoi tu appuies sur la chanterelle Jade? Dis-je, le ton boudeur.

    -      Loin de là, ce n’est pas de l’esbroufe. Il n’y a rien entre nous deux. N’imagines surtout pas que je suis jalouse.

    -      On dirait un « saint Jean » bouche d’or, susurrai-je, le visage souriant. Mais pourquoi tu enfonces le clou ?

       Ces quiproquos embrouillèrent notre discussion. Je me demandai si c’est l’arrivée de la femme qui est à l’origine de cette jalousité ou bien mon non diplomatique, d’ouïr son récit sur Sidi-Ifni. Nous terminâmes notre dessert. Sans attendre, je fis appelle au serveur pour l’addition. Moi qui prenais un café après un bon déjeuner. Je réglai la facture et fis signe à Jade que nous quittions le restaurant. Au sortir, le serveur me remit mon manteau. 

       Lors du retour, nous ne nous échangeâmes aucun mot. Elle fredonna une chanson à peine audible, tel un murmure ’’Parlez-moi de lui’’.

    -      C’est une chanson de Dalida que tu chantonnes ? Demandai-je.

    -      Oui, mais Françoise Hardy aussi la chante dans son Album ‘’comment te dire Adieu’’. Finissant sa réplique, elle se tut et se refugia dans un épais silence. Etait-ce des paroles  insinueuses ?

      C’était la déchirure d’une amitié née, d’il y a trois jours. Un sentiment de culpabilité m’envahit. Mais je chassai cette appréhension. Des flots de pensées et soucis lancinants obsédèrent mon esprit .

    -      Les bonnes choses ne durent jamais, fit Jade interrompant le silence.

    -      Pourquoi cette réflexion ?

    -      Je me réfère à  Sand dans son dit « je crus longtemps que les transports et les jalousies de l'amour étaient inconciliables avec la divine sérénité de l'amitié, et, à l'époque où je connus Rollinat, je cherchais l'amitié sans l'amour comme un refuge et un sanctuaire où je pusse oublier l'existence de toute affection orageuse et navrante ».

    -      Je récuse cette idée. Notre amitié est fraternelle !

    -      Fais-moi l’amitié de croire que celle-ci n’existe pas entre un homme et une femme.

    -      Jade ! Tu es jeune, belle, charmante, joviale et intellectuelle. Tu travailles, tu gagnes un salaire honorifique. Heureux sera l’homme qui te prendra pour épouse. Ce n’est pas que je fuis tes sentiments. C’est un honneur pour ton ci-devant. Je suis seulement de passage, et je ne voudrais en aucun cas abuser ni de ta gentillesse, ni de ton amitié. 

      Ce dit fort au dessous de la vérité l’ébranla. Dans son œil inquisitrice, brilla une petite lumière de fierté. Elle poussa un profond soupir.

    -      Quelqu’un lèche quelqu’une, souffla –t- elle. 

    -      Non Chère amie! Ce n’est nullement une galanthommérie. Je dois te remercier Jade, pour tout ce que tu m’as fait durant ces trois jours. Disai-je pour taire sa réponse. Tu fus aimable crois moi.

    -      De rien, répondit-elle sèchement. Je dois écraser la photo prise se matin. Elle disait cela en saisissant  mon appareil  ‘’ Canon’’ mis dans la boîte à gants. 

       Elle chercha son portrait et l’arasa. Ainsi, elle effaça charme et souvenir. Lors du repas, elle m’avança qu’elle gommait tous le monde pour que je restasse seul visible.

    -      Jade, restons amis veux-tu ! 

      Sa réponse fut un long silence. Elle se dégrisait, dépitée. Je la conduisis gentiment, près de sa Mercedes, où je la déposai. Elle me serra la main de l’amitié, sans le baiser furtif.

    -      Merci pour ces randonnées. Adieu mon ami, nous ne nous reverrons peut être jamais. Mais, j’ai tes coordonnées pour te contacter.

    -      Ce n’est qu’un au revoir Jade.

      Je fus gêné aux entournures. Mais je songeai  que « Les femmes ne sont, tout compte fait que le principe antagoniste du temps, des horloges sauvages qu’il faut savoir remonter à intervalles régulier avec des clés que la nature nous a données ». Qui vivra verra!!

                                                                                           FIN

     

  • Leçon de chose(épisode VI)

    Salé, le 10 Février 2008 à 22h30 de relevée

                              

    -          Moi aussi, je ne peux être un amant, Jade. Comme l’a si bien spécifié Théophile Gautier :l'amant en un mot, est celui  dont on rêve, qu'on attend et qu'on cherche, qui doit tenir les promesses de l'idéal, réaliser la chimère des poèmes, des comédies et des romans, être la jeunesse, la passion, le bonheur, n'avoir jamais ni faim, ni soif, ni chaud, ni froid, ni peur, ni fatigue, ni maladie.Mais toujours être prêt, la nuit, le jour, à pousser des soupirs, à roucouler des déclarations, à séduire les duègnes, à soudoyer les suivantes, à grimper aux échelles, à mettre flamberge au vent en cas de rivalité ou de surprise, et cela, rasé de frais, bien frisé, avec des recherches de linge et d'habits, l'œil en coulisse, la bouche en cœur comme un héros de cire. Je ne peux m’y conformer à ces critères Jade.

        Jade a mangé goulument. Je songeai qu’une femme devant un homme n'a jamais d'appétit. Je pensai à une lecture où une femme dit à son homme,  après une lutte de corps et un combat fleuri: Tu m’as labourée comme prescrit par le coran. Son homme mangeait avec tant d’appétit pour lui dire qu’elle n’avait encore assouvie sa faim.

         Le serveur de nouveau vint débarrasser la table. Il nous servit le dessert. Le hasard voulu que celui-ci fut servi dans un service à dessert fleurs de Jade.

    -Quelle heureuse et singulière coïncidence, disais-je  plaisantant. C’est curieux. Tu es connue de ce restaurant. Tu es servie en jade.

    - Crois-moi non !dit-elle en esquissant un sourire. Sais-tu qu’au hasard de la fourchette mon nom avec le poisson a toute  une histoire ?

    - Jade et poisson ? Rétorquais-je.

    - Oui poisson et jade. Je suis née le 20 mars. Donc sous le signe de poisson, poursuivit-t-elle.

    - Je l’ai deviné lors de notre première rencontre au café « l’oriental », l’interrompant. Ce jour, je constatai que tu lisais ’’Horoscope poisson’’.

    - J’ignorai que tu m’espionnasses ce jour. Récemment, j’ai lu un article sur un conte écrit par un auteur anonyme, édité par la collection Folio.

    - Racontes le moi veux-tu. (Dans mon for intérieur, je voulais conter fleurette à cette coquette femme)

    - Et rassures-toi que ce n’est pas un conte de bonne femme, me dit-elle en gardant le sourire.

           - Je te crois, contes-y, Jade. Une femme poisson n’est jamais menteresse.

           - Ne me dit le proverbe persan  que mon père, me dit souvent, croyant une vantardise      "Tout défaut qui   plaît au Sultan est une qualité’’.

    Finissant son gâteau au chocolat blanc, elle me narra avec don le récit. Elle ne parle     jamais, la bouche pleine.

        - Selon un conte chinois du XVIIe siècle, bien sympathique. Un texte picaresque, libertin et poétique. C’est l'histoire truculente d'un jeune étudiant et d'une fille de bonne famille qui vont, en rêve, se rencontrer, se promettre en mariage et s'échanger un gage de fidélité.
    Le lendemain matin au réveil, le jeune homme aperçoit sur son coussin, l'épingle de phénix, et la jeune fille un poisson de jade échangé pendant le rêve. Pensant être soutenus par les dieux et les ancêtres et aidés par la suivante de la jeune fille, les deux "amoureux" (et la suivante) vont se voir, se revoir, aussi peu chastement que faire se peut! S'ensuit une série d'aventures dignes d'un conte voltairien.

          Que dans les brumes d'un songe s'unissent les corps et se mêlent les âmes, qu'un phénix d'or   prenne son vol divin et qu'un poisson de jade jaillisse de l'onde afin que mari et femme faits pour une union d'un siècle se trouvent en harmonie dès la première rencontre, n'est-ce pas là la marque de la convergence des volontés du Ciel?

    -      C’est fantastique, dis-je. Un rêve qui se réalise.

    Sans transition, je tire une petite boite de la poche intérieure de ma veste. Je la tends à Jade.

    -      Une étrenne pour toi Jade.

    -      Merci !dit-elle affichant un sourire pour me remercier. J’ai joie de recevoir ce présent.je voudrais t’embrasser et te donner une étrenne,  pour ta barbe rasée de frais.

      Une gaieté lascive l’embauma. Contente, heureuse, elle prit la petite boite des deux mains et l’ouvrit. Elle prit dans le creux de sa main gauche un poisson en pierre de jade. Une impulsion de sang lui fit rougir les joues.

    -Tu es un chou, charmant et verbeux.

    - Chou pour chou répliquai-je. En Lithothérapie, le Jade favorise honnêteté, justice et modestie et redonne des facultés amoureuses. Je poursuivis citant des vers  de Ducatillon :

    Vers Andromède et pierre de jade,

     Je chante pour toi l’émeraude

    Au travers de larmes chaudes.

     Je plonge dans la mer de rubis

    Dans le rouge doré de mes habits,

     Je suis ton prince maintenant préparé.

    - Merci mon poète. Depuis hier soir je pensais à te parler de la ville de Sidi-Ifni et de la tribu combattante Ait-Baamrane. Pour te donner une idée sur la région. Il se peut que tu en aies besoin pour tes reportages.

                                                                                 A suivre…

  • Leçon de chose:Sauterelle,suite V.

    720006271ecdc3517c95f6d50ee2f7e2.jpgSalé, le 05 fevrier 2008 à 22h30 de relevée.

                                          

       Je cédai la place vue sur mer à Jade. Je ne voulus interrompre sa contemplation de l’océan bleuâtre. Moi, je regardais ravi,  ses yeux bleus. Je me rappelai  la chanson de Hamdaouiya : Khaifa labhar ila yarhale ! (J'appréhende que la mer déménage : Un épris  redoute  la séparation avec sa mie aux yeux bleus). J’eus devant moi les yeux bleus de Jade, une mer calme et sereine. 

       Le restaurant était plein. En entendait une musique de schubert, jouée dans le film "trop belle pour toi».Le serveur vint demander la commande. Il nous exhiba la carte-menu, en posant des amuse-gueules.

       Lisant la carte, Jade commanda :

    - Une tulipe d'espuma d’avocats, escalope de loup en robe verte avec pomme de terre rissolées et comme dessert je prendrai un petit gâteau au chocolat blanc accompagné d'un coulis de chocolat

       A mon tour je demandai :

    -  Palmiers au caviar d'aubergines  au pistou, et cordons bleus de beryx. Pour le dessert,  j’opterai pour « le colonel » sorbet citron non arrosé de vodka.  Où plutôt  amenez-moi « le capitaine » (sorbet poire arrosé d'eau de vie de poire).

    - Et pour  boissons ? demanda le serveur.

    - Un coca-cola avec glaçons.dit Jade.

    - Pour moi ce sera, s’il vous plait, un frais jus cerès.

       Le serveur prit la commande et s’en alla.

    - Encore une nouveauté  dit-elle, affichant un large sourire. Désormais, avec vous j’apprends des choses ! C’est quoi le jus de cerès ?

    - Toujours ce "vous",nos Jades! Cerès c'est des jus de raisin, purée de goyave, jus d'ananas, purée de papaye, purée de mangue, purée de pêche et jus de la passion.

    - Tu as du talent al3afrit.Nous sommes à table maintenant, parle moi de toi.

    Cette epithete "al3afrit" m'alla droit au coeur. Moi aussi j'aime à dire 3afrita à une femme génie.Sous entendu que c'est une fée.

    - Ah oui, je m’y attendais. Mon origine est d’Imintanout. Avant de bénéficier de la retraite anticipée, j’exerçais dans un établissement semi-étatique. Mecontent, lésé  par moment  pour le clientélisme aberrent, je délaisse mon poste. Avec ma rente, je ne pouvais subvenir à mes besoins vitaux. Aimant le journalisme, je trouve un travail de reporter. J’écris des billets et reportages  pour une revue spécialisée sise dans la capitale. Je suis marié et quatre fois père. Mes enfants diplômés vaquent à leurs besognes. Voilà grosso-modo mon profil à la bonne franquette.

       Durant mon récit, Jade m’écoutait attentivement  sans m’interrompre. Ses yeux devinrent humides. Je ne savais si elle était émue. Ou seulement  par pitié !

    -      Dommage, soupira-t-elle. Changeons de sujet, le serveur arrive.

       Le serveur apporta les hors-d’œuvre avant le premier service. Je souhaitai bon appétit à mon inhabituelle commensale. Nous mangeâmes délicieusement  la kémia. Pendant qu’elle se restaurait, je regardai sa gorge bien faite. Du regard, je remontai ses seins dans un corsage, laissant bâiller une échancrure, ornée d’un pendentif. Je bayai, je rêvassai emporté dans les seins des nues. (Mer, en ton sein  garde-moi de périr. Béranger).

    -       A quoi penses-tu ? me dit-elle, me tirant de ma torpeur. Je constate que tu as l’air pensif.

    -       Je pensai au mot dommage, répondis-je, le visage cramoisi.

    -      J’aurai aimé avoir un mari comme toi. Mais, tu as une famille, que Dieu vous préserve. Toujours est-il et j’ose espérer que nous restions amis.

    -      J’espère de tout cœur être à la hauteur de tes aspirations. Je le serai cet ami fidele et dévoué.

    -      Avec grand plaisir, répondit-elle souriante et affable.

        Le serveur vint pour prendre les assiettes et nous servit le plat de résistance. Avec délicatesse, elle reprit  son nouveau couvert pour le poisson. Elle mangeât avec tact. Moi, je m’empiffrai tel un ogre. Je mangeai goulument pour lui dire que j’ai faim d’elle ! Je ne cessai de l’admirer lui récitai quatre vers de Victor Hugo :

    Quand l'homme contemple la femme,
    Quand l'amante adore l'amant,

    Quand, vaincus, ils n'ont plus dans l'âme
    Qu'un muet éblouissement !

    -      Nous ne pouvons être amant. Ta raison sociale et la mienne nous  sont incompatibles. Tu résides loin.

                                                                         A suivre….

      

  • Leçon de chose:Sauterelle,suite IV.

    9387034d3b8bc1692603081f07f906d7.jpgSalé, le 29/01/2008 à 21h30 de relevée. 

           Nous quittâmes Mirleft vers 13h environs. Nous prîmes le trajet retour pour  Sidi-Ifni. Mon guide proposa un crochet à Legzira. Une plage à visiter pour terminer l’excursion en toute beauté avance-t-elle. 

        Legzira, c’est en tout et pour tout deux hôtels, perchés sur une falaise qui surplombe une très jolie crique. Une grande plage sauvage.

    - Avant tout, dis-moi abbès, cela fait trois jours que nous sommes ensembles. Je n’ai pas eu encore l’honneur de connaître ni d’où tu es, ni ce que tu fais dans la vie. J’ose espérer que tu me le dises avant que je ne te le demande. Mais, mon petit doigt me dit que tu es un homme sérieux, assagi et responsable.

    - Je préfère être à table pour en parler. Je conduis en ce moment.

    - Soit !Je suis curieuse de te connaître. Portes-tu un short ? 

       Elle m’apostrophait en abaissant la vitre de la portière du coté passager. Les lunettes mises sur le front adornées sa chevelure que brossait le vent. Le nez au vent .Elle se coiffait au coup de vent. Une absolue féminité.

     - Non, mais j’ai une culotte-short avec mes effets laissés à l’hôtel. Pourquoi ?

    -C’est très simple, dans cette plage féerique, plusieurs couples s’y baignent édéniquement nus.

    - Est-ce une proposition ? J’aurai aimé le refaire. Lors de la préparation des examens du brevet, il y a belle lurette, mes amis et moi prenions des bains de minuit sur le Bouregreg.   Ces baignades furent édéniques sous la pleine lune. Mais pourquoi m’as-tu demandé si je portai un short ? A l’instant, tu disais que je suis sage et responsable, répliquais-je avec un sourire, les lèvres aux coins abaissés.

    -  Echec et mat, dit-elle avec un rire contagieux. Je voulais faire comme fit Eve à Adam. J’ai beau faire pour t’induire cette tentation, mais en vain. Je te taquine.

    - Ah bon ! Sans transition, quelques mois avant ma retraite anticipée pour départ volontaire, Sara, une collègue du travail m’offrit une pomme reinette. La prenant, je faisais semblant, la sensation de froid. Brrr ! Brrr ! Brrr !

    - Quoi ? me demanda-t-elle.

    - J’ai pensé à mon ancêtre Adam lorsqu’Eve lui offrit une pomme. Mes poils s’hérissent et j’ai la chair de poule.  Un incoercible rire s’empara des présentes.

    À l’entrée de la ville, elle me prescrit d’emprunter la rocade.

    -Il y a des embouteillages monstres à cette heure-ci, dit-elle. Evitons donc les « hajouj et majouj » et la cacophonie. 

    - Des « Hajouje et majouje »Sais-tu l’origine de cet adage Jade ? Les gog et magog, c'est par ces noms que l'Ecriture a désigné des nations ennemies de Dieu. Ceux qui se sont mêlés d'interpréter l'Ecriture, qui ont donné libre carrière à leur imagination. Certains commentateurs du Coran ont écrit que le mur dont il est question dans le récit de Dhu-l-Qarnayn  est une muraille derrière laquelle Gog et Magog seraient enfermés et prisonniers, qu'ils creuseraient chaque jour dans le but de la détruire. Alors qu'ils sont sur le point d'y parvenir, ils s'endorment en se disant qu'ils achèveront le travail le lendemain, mais Dieu rend à la muraille son épaisseur initiale. Un jour, cependant, ils y parviendront, et pourront alors s'échapper et détruire le monde.

    -Je sais, je lis le Coran pour m’apaiser. 

       Nous arrivâmes au port. Dans le quai, une multitude de bateaux aux belles couleurs  accostaient. Nous descendîmes. Par là c’est des chalutiers qui déchargent les sardines. Les pêcheurs alignés en queue-leu-leu, lançaient l’un à l’autre, des paniers de sardines, fraiches. Les écailles des clupéidés brillées au soleil. Ils chantaient des ritournelles à haute voix «Halons le bateau  tous ensemble !!! ». Là-bas, c’est les bateaux sardiniers. Des machines remplissaient, par vannes les sardines dans des conteneurs sans doute pour les usines. Elles seront conservées en boite, ou après cuisson, pression, pressage, séchage, et broyage ;en faire une farine qui peut également être utilisée comme fertilisant ou aliment de bétail. Sans oublier aussi l'extraction de l’huile de sardine. Des études ont démontré que le taux du cholestérol et d’accidents cardio-vasculaire est inferieur chez les esquimaux.

       Jade, belle et charmante dandinait. Regardait avec attention ce rituel, joyeusement. L’acre odeur de la mer agita ma faim.

    -     Si on allait déjeuner, Jade .J’ai une faim de loup!

    -     Moi aussi, ma faim s’est réveillée! Que penses-tu de ce restaurant là « L’Atlantique »?

    -     C’est un boui-boui. Le menu serait d’une simplicité primitive.

    -     Soit ! Allons donc en ville, dit-elle en lançant un coup d’œil furtif et gêné. 

       Nous partîmes à Sidi-Ifni, sur les chapeaux de roue. Nous arrivâmes sur la côte sud. Un hôtel-restaurant moderne. Par galanterie, je la laissai devant, pour admirer son panier. J’en suis friand (honni soit mal qui pense). Nous entrâmes, un serveur tout sourire nous accueilli. Je lui donne mon pardessus, qu’il accrocha au valet de nuit. Il nous indiqua une table ayant vue sur mer.

     

                                       A suivre…

     

     

  • Leçon de chose:Sauterelle,suite trois.

     

      Salé, le 21 Janvier 2008 à 22h30 de relevée

     

                       

                     Leçon de chose (suite) 

     

        La tendre amitié nouée, m’enjoint d’être le surlendemain prêt à 10h de relevée au rendez-vous. Cinq minutes, que voici, une Mercédès bleu-royal, qui s’apprêta à stationner. Jade rayonnante au volant la conduisait. Elle prit place à coté de ma 403. Elle descendit souriante. Elle vint à ma rencontre. Nous échangeâmes salut et baisement. Je l’invitai à prendre place dans la Peugeot. Elle proposa, son véhicule pour la randonnée. Je déclinai sa suggestion, juxtaposant que sa 190 est sans doute connue et que par délicatesse, il serait souhaitable d’utiliser la mienne. Elle acquiesça avec gaieté. J’ouvris la porte de devant. Elle s’y assit. 

       Ce jour elle portait une magnifique robe-bustier noir au petit pois qui découvrait les deux gloires de la femme. Une véritable princesse comme disait Andersen. Cette fille de sang  qui avait senti un pois à travers vingt matelas et vingt édredons. Quelle femme, sinon une princesse, pouvait avoir la peauaussi délicate ? Le prince, bien convaincu que c'était une princesse, la prit pour épouse, et le pois fut placé au musée. J’aimai sa douce peau sous cette robe sans falbalas. Ce fut un moment de  silence, chacun s’apprêtait à prendre la parole. Par politesse et étant le conducteur, par sécurité, je m’abstins à parler. 

       - Comment va notre Colombo ? dit-elle d’une voix chuchée presque un murmure.

       - Couci-couça, murmurai-je le sourire aux lèvres. Seuls mes proches amis m’appellent ainsi pour me taquiner. Que proposes-tu, toi qui es de la région ?

       - Nous irons à Mirleft. C’est un village assez important.   

    - Bonne idée mon guide. Je pense m’ «ajader» ce jour et boire tes mots expliquant le parcours. Tu m’as promis hier de me parler de toi.

       - Oui ! Après avoir passé deux années à l’Ecole Normale Supérieur, je fus affectée en qualité de professeur de premier cycle dans un collège à Takerkoust. Ce  village  dépend de la délégation provinciale de Marrakech. Je passai deux autres années scolaires loin de mes parents. Ce fut une rude période. Esseulée, je m’ennuyai.  Une connaissance me conseilla de faire un mariage blanc avec un homme résidant Tiznit. Ce mariage putatif me permettait de participer au mouvement de mutation des corps enseignant. Je contractai donc un mariage avec un cousin. Je bénéficiai de cette mutation pour rapprochement de conjoint. D’un accord tacite, nous divorçâmes une fois chez mes parents. Voilà Abbès mon histoire.

        Durant toute cette narration, je l’écoutai l’ouïe attentive. Elle parla sereinement. Par moment, je me retournai pour contempler son regard. Un regard curieux, ardent et enflammé.  La douceur de sa peau. La douceur de sa voix. La douceur de son parfum. La douceur de la musique. La douceur de la voiture. Ces mansuétudes m’exhalèrent une douceur virgilienne. 

       - A raison, une issue échappatoire de l’isolement, rétorquai-je.

        Apres une heure de route nous arrivâmes à bon port. Outre sa belle plage, les pêcheurs s’adonnaient à la  « pêche à la belote ». C’est aussi l’endroit rêvé du surf à la planche, ou à voile qui fait la  renommée des environs de Mirleft.  Les adeptes de ces sports nautiques sont souvent très exigeants : à l’affût des meilleures vagues.

       Un fort militaire, de Tidli,  construit en 1935, surplombe majestueusement le village. Du haut du fort on bénéficie d'une vue superbe sur Mirleft et le bord de mer. Je pris  des photos de galets multicolores, érodés par le flux et le reflux des lames. Une vue du rocher  qui ressemblait à une patte d’éléphant sur la grève. Un bonhomme  ramassa  les galets  ronds et plats dans un sac en plastique. C’est pour l’ornement de l’entrée de la villa, nous fit-il entendre, en parlant à son compagnon. Jade trébuchai sur les cailloux. Elle chaussait  des souliers à cothurne. Ces Chaussures de cuir enserrant la jambe jusqu'à mi-mollet et à lanières lacées par-devant. Moi je chaussai un brodequin Caterpillar. Je pris un galet glauque en forme de cœur, que je tendis à Jade. 

    -     Merci cœur de pierre. Qui s’assemble se ressemble, dit-elle Souriante. As-tu du cœur ?

    -      C’est un cœur  jade, répondis –je l’air sibyllin. Je  narrais trois vers de Musset :   

       L'océan était vide, et la plage déserte,
       Pour toute nourriture il apporte son cœur.
       Sombre et silencieux, étendu sur la pierre.

    - Touche-là, bonne réflexion ! me dit-elle, me donnant sa  main gauche aux doigts effilés.

    - De grâce Jade, dis-je et je topai sa main tendue.

    Nous quittâmes la plage, tous deux ravis de cette parade.

     Au volant, ma 403 refusa de démarrer.

    -  Si nous n’étions pas en plein village, j’eus pensé que tu me fasses le coup de la panne, dit-elle le sourire taquin.  

      L’entendant, le moteur ronfla. Nous quittâmes le village .

                                       A suivre…

  • Leçon de chose:Sauterelle,suite.

     

             Leçon de chose: Sauterelle

         Le lendemain je mettais le holà à mon imagination. J'ai passé  une nuit à élucubrer des appréhensions  sans intérêt. Tiendra-t-elle au rendez-vous ? Cette brune femme ambrée, telle l’oasis à l’ombre des palmiers, m’est momentanément un énigme. J’aime les femmes qui ont beaucoup de tenue et qui en même temps sont faciles disait Montherlant. Moi aussi j’aime ces minuscules plaisirs qui éclairent le quotidien. Moi aussi  j’aime les fleurs. C’est fâcheux de ne pas trouver un marchand de fleurs dans cette ville. J’aurai aimé offrir un bouquet de  huit roses léonida et une bianca placée au milieu. Moi aussi j’aime les histoires à tiroir. Moi aussi j’aime les grosses farces. Une fois j’ai offert un bouquet de fleurs artificielles à un ami plaisantin.

        L’heure du rendez-vous approchait. Pressé de regagner vite « l’oriental » je ne savais que faire, pour éviter le grand embouteillage impromptu de voitures et  deux roues. Ah si j’avais un gyrophare, je serais à temps. Tant faire se peut, j’arrivais au parking  à l’heure convenue.

        Le loup-gare-où sa voiture 403 cabriolet ? me demandai-je.  Une ancienne voiture, fiable que je préfère aux récents modèles. De nombreux amis me demandaient, vu ma situation sociale, d’acquérir une nouveauté. Je répondai que ce sont leurs mémoires qui sont antiques. De leurs réflexions, je récoltai des adjectifs et épithètes « Colombo », bien que je ne porte ni son imperméable, ni son cigare, ni domestiquer un chien .Ainsi  donc, je cherchais une place loin du salon, pour éviter toute indiscrétion et arrivée de quelques intrus  amis. Je  voulais être seul avec le professeur. J’ai soigné mon look et ai joué la perfection depuis le bout des ongles jusqu'aux chaussures. J’ai nettoyé à fond ma 403. J’avais pris des cours de diction et appris par cœur le Bottin mondain.

        Ouf, après avoir garé minutieusement  ma 403, j’entrai  au salon. Je me dirigeai vers le coin d’hier dans la terrasse verte plantée. Le temps était brumeux et des embruns, ces gouttelettes d’eau de mer suspendues dans l’air, gênaient la vue sur mer. Le ciel était nuageux, l’océan agité. Au moment où je m’apprêtai à m’asseoir, j’apercevai sa silhouette  estompée par la brume.

    -Ah vous voilà !disai-je, plein de joyeuseté.

       Par politesse, je faisai un pas pour l’accueillir. Notre salut fut un baiser familial, un furtif attouchement de joues. Son parfum Burberry, sans doute, m’embauma en l’accompagnant à notre table, et par galanterie j’avançai la bergère pour qu’elle s’y mette à l’aise.

     –Comment vas-tu depuis, je tutoyai !                                                    

    -Bien, merci et toi ? Hier nous oubliâmes de nous présenter. Je m’appelle jade.

    - Charmé, j’ade’or .Moi c’est Abèss.

    - Abaisses ton charme dit elle. J’allai faillir à cette rencontre. Mon  frère ainé est arrivé hier nuit. Il est venu voir ma mère pour lui raconter ses malheurs. Sa femme a accouché une troisième fille. Il espérait procréer un garçon. Choqué, Il en veut à son épouse.

    - Ah bon !  Est-il au courant de la déclaration du PNUD à l’occasion de la Journée internationale de la femme pour mettre un terme à toutes les violences envers les femmes et les filles ? J’ai lu récemment un roman d’Amine Maalouf, où il relate l’aventure d’un conférencier européen en Egypte. En flânant un soir dans les rues du Caire, il trouva de jeunes gents qui vendaient des fèves. Cette légumineuse a un pouvoir magique. Ceux l’ayant consommé procréent des mâles avec des attributs.  L’auteur se demande si tous les hommes optaient pour des garçons. Ce sera un suicide collectif !

        Le serveur qui tardai à venir, interrompit notre discussion.

    -Pour moi ce sera cookies aux pépites de chocolat, demanda-t-elle.

    - Avez-vous la poudre de caroube pour une tisane ?

    -Non, répond le serveur me regardant avec stupeur. Il souriait quand Jade se tourna pour cacher son rire, l’air badin.

    -Bon, je vais commander une infusion de chicorée.

    - Soit !vous serez servis.

    -Drôle, c’est la première fois que j’entends une boisson de caroube,  dit-elle.

        En affichant un sourire rusé, sure de mes propos j’étalai mes connaissances du net. J’expliquai en disant :

    -La caroube s’appelle aussi Carouge, Pain de saint Jean-Baptiste, figuier d'Égypte et fève de Pythagore.  Le caroubier est un arbre méditerranéen, produisant des gousses à la saveur douce et caramélisée et dépourvues de théobromine et de caféine .On s’en sert comme succédané de chocolat. Plutôt que de la considérer ainsi, ce qui n’est pas très valorisant, je préfère l’appréhender comme un délicieux aliment en soi. Un aliment de surcroît pauvre en matières grasses et ne nécessitant pas d'adjonction de sucre. Avec la caroube, pas de crainte de crise de foie et on peut s'en donner à cœur joie. Son origine est l’Arabie Saoudite et on la trouve en Somalie, en Asie mineure et aujourd'hui elle est répandue dans tout le bassin méditerranéen. Elle est cultivée principalement en Sicile et en Espagne. En 1856, 8000 caroubiers ont été importés d'Espagne vers le Texas, l'Arizona, la Californie et la Floride. L'espèce s'est répandue largement en Californie où elle est même considérée comme parasite, car l'arbre recèpe quand on le coupe et ses graines sont trop largement disséminées par les coyotes. Les graines du caroubier, dures, sont assez régulières pour avoir longtemps servi comme unité de poids. Le mot Carat tire son étymologie de "querat", nom que les Arabes donnaient à la graine de caroube. Un carat, unité de mesure de masse utilisée dans le commerce des diamants et des pierres précieuses, correspondait donc au poids d'une graine de caroube (entre 185 et 205 mg, 1 carat = 200mg). De même, siliqua, nom latin de la caroube, fut chez les Romains le nom d'une unité valant 1/6 de scrupule. En Allemagne, les graines de caroube torréfiées sont utilisées en substitution du café.

    -Je tire chapeau très bas. Moi qui disais que seuls les baudets aimaient la caroube.  Dés lors pour ses apports médicinaux, j’en  boirai volontairement avec une pensée pour toi.

    - Moi aussi, j’ai constaté que les élèves, qui révisaient sous l’ombre des caroubiers jonchant les remparts du lycée Moulay Youssef étaient des cancres. Les rayons du soleil transperçant les branches induisaient par ionisation, sans doute, leur matière grise. Où étions-nous  avant la commande ?

    - Oui, nous parlions de filles et  garçons.

    -  Au juste sais-tu qu’un fermier élevait ses vaches dans l’étable. Il leur donnait à manger la luzerne et la meilleur verdure de prés amplofiant une musique douce dans l’air. Ses vaches vêlaient des futures vaches laitières. Aussi as-tu constaté que les femmes nanties, que leurs époux gâtaient, lors de leurs envies. Elles suivaient un régime lacté, des poissons de toute sorte, des fruits en abondance, enfin de compte elles accouchent des fillettes. Par contre as-tu vu que les démunis, se contentant du thé et du pain, des ers et des haricots héritent des bambins. Elle m’écoutait comme une vache regardant le train passer.

    - C’est vrai, affirma-t-elle. J’ai une question à te demander, es-tu lié ?

    - Oui, jai épousé un ventre comme disait Napoléon. Et toi ?

    - Je te raconterai mon histoire demain inchallah .

    - Entendu Chahra-Jade !Demain nous ferons une randonnée en voiture.

                                                                                                                          A suivre...

  • Leçon de chose:Sauterelle.

                                             

                            Leçon de chose: Sauterelle

    0b69a9353f76a8241ac873dea6206870.jpg

        Que de fois je me rendais au salon de thé « L'Oriental » pour prendre une tasse de café et m’adonner à la lecture. Que de fois je rencontrais une habituée. Une femme génialement désirable au visage qui attire les regards comme attire une rose, l'abeille. Solitaire elle lisait, et de temps à autres elle levait ses yeux pour contempler la mer et redire sa lecture  silencieusement.

       Que de fois je voulais l’approcher, mais en vain ! Mon engouement immodéré me suscitait d’aller lui parler, mais je me résignais à le faire.Je me demandais comment agir et sauter la sauterelle pour ouvrir sa porte. Le hasard faisant bien les choses. Ce jour là  délaissant ma lecture, son chapeau éventé atterrit prés de moi.Le plan c'est l'homme. Saisissant l’unique aubaine, je le prenais à la va-vite pour le lui remettre en gentleman.

      -  Merci, me dit-elle avec un sourire angélique.

      -  Un devoir, répondis-je avec un sourire enjôleur. Sans indiscrétion, êtes-vous de Sidi-Ifni ?

      -  Non, retorqua-t-elle, je suis de Tiznit.

      - Ah la ville de la fabrication des bijoux d’argent. Ce patrimoine ancestral, qui ne laisse aucun visiteur insensible à la méticulosité de ses artisans. Alliant leur savoir-faire à leur créativité, ils ont donné vie à un art dont ils détiennent seuls le secret.(Mais la drague n'est qu'un palliatif pour gens inorganisés, me rappelais-je)
      - Je vois que vous connaissez ma ville natale monsieur.

      - Peu ou prou ! Mais sans tarabiscoter, c’est une belle ville. Ses habitants  et ses artisans sont des argentiers. Je vous laisse pour ne point vous déranger, lançais-je à contre cœur, en terminant ma ratiocination.

     - Du tout ! Vous ne me déranger guère. Rejoignez-moi à cette table si vous le permettez ! Vous discourez admirablement.

     - De grâce madame. Vos désirs sont des ordres.

       Je prends mon livre, et je demande au serveur de déplacer ma tasse près de la dame. Nous nous échangeâmes et arborâmes le sourire. Je lui demandais ce qu’elle faisait dans ce bas monde.

     - Professeur de sciences naturelles.

     - Ah vous disséquez les amphibiens et les orthoptères.

     - Oui, dit-elle, en lançant un sourire en coin.

     - Vous me rappelez Monsieur Nicoli, un Corse, mon professeur des sciences.

     - Parlez-en-moi de cette personne, je vous prie !

     - Soit ! Un beau jour en garant sa voiture, notre professeur de sciences naturelles, Monsieur Nicoli aperçut la majeure partie de sa classe en train de jouer un match de mini-foot .Ils jouaient avec une balle de tennis sur le gazon. Un espace vert ornant la devanture de la belle mosquée Assouna . Celle-ci se trouve en face du portail du lycée Moulay Youssef. Seuls quelques potaches arrivés en retard n’y participaient .Parmi eux Fannouri. Il était le mal aimé de  ses collègues. Il apprenait ses leçons par cœur, les récitait  avec monotonie.  Comme disait Bouvard : motamoter !

       La cloche sonna quinze heures de relevée. Tous les joueurs et spectateurs se hâtaient pour prendre leurs effets et cartables délaissés dans le capharnaüm prés des buts.  Si les uns étaient essoufflés, les autres suintaient de sueurs.

       Enjambant les escaliers à toute hâte, rangés par deux, nous voici devant l’entrée de la classe. Un amphithéâtre, laboratoire des expériences des sciences naturelles, où notre Nicoli disposait la rainette, face dorsale contre la planche à dissection, et l'épingler par l'extrémité de ses quatre membres. Aussi la dissection  des souris et des vertébrés notamment celle du criquet pèlerin. Le Maroc menait depuis lors une lutte anti- acridienne contre ce fléau dévastateur.

       Nous entrâmes et prîmes  place. Le professeur scruta ses élèves par dessus ses lunettes. Il était mécontent du jeu devant le « portail » et ne voulait par ce regard,  user ses verres.

     - Fennouri au tableau, lança-t-il.

      Un sourire enroba la classe. Il devait réciter la leçon de la semaine dernière « Le criquet  ».  

    Une fois devant le professeur, harassé, balbutiant des mots avec accentuation, il débita  roulant les R :

     - Le criqui, le criqui, le  criqui, le criquite, le criquite ! Il se tut, cherchant ses mots. En se tournant vers  nous il suppliait :

     - Juste la tête, akhouti irhame lwaldine(que Dieu bénisse vos parents,  frères !

         Bouche cousue, aucun ne prêta ni aide ni assistance. Des crescendos de rires fusaient à sa lugubre position.

     - Monsieur Fannouri  à ta place, tu n’as pas appris ta leçon, tu as un zéro !

     - Mais j’ai appris ma leçon Monsieur, il me faut juste la tête, adjurait-il.disant, criqui..criquite!

     - Quittes là, j’ai dit un zéro, et c’est méritoire.En sus tu m’écriras cent fois la leçon comme punition, Pelé!

       Rageant,  rabroué, abattu, triste et dolent à cette vitupération, il regagna sa place sous la risée de tous, lui qui ne jouait point.

    - Ah le pauvre, dit-elle avec son sourire au transfert d’enthousiasme, comme les dents de peigne. Je suis en retard, vous m’excuserez si je pars.Nous n'avons cependant pas parler de vous, mais demain l'on parlera de tous.

    - Promis, je ne vous retiens pas.

      Nous consentîmes de nous revoir le lendemain.

    Je suis mon belleau, celui

    Qui veut vivre ce aujourd'hui

    L'homme ne sauroit connoitre

    Si un lendemain doit être.(Ronsard) 

                                                            Salé,le 08 janvier 2008 à 21h de relevée

  • Café Philo

                            Café Philo

    Cent raisons m’incitaient  à m’attabler  au salon de thé.

    Sans raison, hardi, je scrutais les attablés avec amabilité !

    Mes voisines, coquettes aux balconnets ; belles femmes.

    Rayonnantes, enjouées, brillaient  tout feu tout flamme.

    Elles ont demandé toutes, quatre  crème-tirée, au serveur.

    Il s’est exécuté promptement,  avec joie, grande ferveur.

    Leur servant des cafés,  demandant, rajout de lait voulu,

    Afin d’allonger chacune,  le pur nectar de café moulu.

    Une dame, semblant femme jalouse, l’air vagissant,

    Lui demandait de n’y  verser, juste qu’un soupçon !

    L’autre, une tristounette, rabougrie, plein charme.

    Ajoutez-en pour moi, monsieur, une grande  larme !

    La troisième, romantique mielleuse, dans le sillage.

     A mon ambroisie, j’aimerai y rajouter un  nuage !

    La quatrième hie, une gamine à l’aspect vierge,    

     Pour mon café serré, seul  un petit doigt l’asperge !

    Et  Monsieur, m’adressait-il, quelle est votre fantaisie ?

    De bon cœur,  un cappuccino et une tarte jalousie ! 

                  Salé, le 30 Novembre 2007  à 22h de relevée 

  • Culs-terreux

    Salé, le 20 Novembre 2007 à 21h 30 de relevée

                                                Culs-terreux ! 

       Les fideles ont été appelés, le Vendredi 16 Novembre, à accomplir la prière rogatoire, dans toutes les régions du Maroc. Ils se sont rendus massivement dans les Mosquées qui officient la prière du Vendredi et les Msalla pour implorer Dieu de répandre ses bienfaits, ses pluies et sa miséricorde sur le pays et attirer la bénédiction Divine sur le bétail, les récoltes et les travaux des champs.

       Un rite semblable se déroulait en chine ? Il suffit aux chinois du nord-ouest de la province de Yumman de réclamer, la pluie à grands cris ils l’obtiennent,lorsqu’ils en ont besoin. Cet étrange phénomène météorologique se produit près des « lacs enchanteurs » dans les montagnes de Gaoligong. Quand on crie à haute voix à coté de l’un de ces lacs, lit-on dans un journal de Shanghai, il est fréquent qu’il tombe une forte averse, d’autant plus longue qu’on a crié plus longtemps. 

       Selon les explications des experts locaux : L’air est si humide dans ces parages que la moindre vibration déclenche les précipitations.

       S’agissant de cette absence prolongée de la pluie au Maroc,  cette sécheresse est due, selon des imams, à la pécheresse des femmes du pays. Un quotidien marocain  raporte, que les chefs religieux, considèrent  que le libertinage est la cause principale de cette siccité. Ils demandent  aux parents d’interdire «la nudité de leur fille ».Ils font référence à la pédophilie. Tsunami, qui le 24 Décembre 2004, fit  150 000 morts, 500.000 blessés et 5 millions de personnes déplacées.

       Jadis, dans les années soixante, le nord du Maroc était une région annuellement inondée par les crues du Sebou . Le Gharb était immobile, les naufragés enduraient  le calvaire. Ainsi des femmes âgées  fessues, arboraient leurs lunes et les cordes de pluie cessaient par enchantement le jour suivant . Les culs-terreux reprenaient les labours des champs. 

        Il se peut que ces imams aient raison ou est-ce une rodomontade ? Je doute des desseins politiques des démagogues.

       Météo du 20.11.07 :Pluies et averses faibles à modérées dès la nuit du mardi à mercredi intéressant le littoral atlantique au nord d'Agadir.  

     

     

  • La belle et la bête

      Salé, le 10 Novembre 2007 à 23h30 de relevée.        

     

                 LA BELLE ET LA BETE

    Un matin, en congé, j’étais attablé dans une terrasse d’un café au bord de la mer. Je dominais la vue de l’océan. Calme ce jour. Le drapeau blanc ondoyait à la brise, sans claquement. Le café  était plein à craquer . Les chaises étaient occupées par des aoûtiens. Je commandai un café express. Le garçon ne tarda point à me servir. Je sirotai ma tasse, sur une belle chanson De Farid Al Atrach, quand deux dames, la quarantaine, bien habillées, m’apostrophèrent gentiment.

          -Vous permettez, monsieur ? Toutes les places sont occupées comme vous le constatez. Tôlerez vous que nous nous assoyions prés de vous ? 

          - Je ne vois aucune objection, Mesdames ! Faites je vous prie.

    Elles m’avaient tiré d’une longue songerie de lecture.

    A mon signe d’assentiment, elles prirent place à mes cotés. Me voilà en compagnie de deux belles femmes. L’une portait un tee-shirt  bleu et l’autre noir. Elles avaient deux grandes pendantes, une belle poitrine. Les deux portaient des djeans  bien roulés. Elles n’avaient pas d’alliance à la main. De coquettes femmes spéculai-je !   

    Je m’engageais dans ma lecture, quand le garçon venait  leur demander, ce qu’elles désiraient consommer.

        -  Pour moi ce sera, un seven-up avec grenadine. Pour mon amie, ce sera un coca avec un zeste de citron.

    Celle qui commandait les boissons, se tournait vers moi et jeta un coup d’œil furtif sur ma lecture. Je lisais une œuvre d’un expert français sur « La dégustation du vin » je projetai écrire un billet pour mon journal sur les méfaits de l'alcoolisme . 

    Le garçon déposa les verres sur la table, et dés qu’il quitta la scène, elle s’adressait à moi, me disant.

    -     Si ce n’est une indiscrétion, votre lecture n’est  elle pas drôle? 

    -     Du tout madame !Il faut connaitre le tout dans ce monde. La nature nous offre de bonnes et mauvaises choses.(Je pensais à sa drôlesse)

    -     Je partage votre avis, mais il faut éviter les spiritueux.Elle tira de sonc sac channel , un paquet de Marloboro qu'elle alluma.

    -     Je vais vous narrer une chose, de vraie madame…. 

    -     Moi c’est Chams dha et là, hind une amie.

    -     Charmé,Chams dha ! A un âne l’on apporta deux sceaux. Un rempli de vin et l’autre plein d’eau. Il délaissa le vin et but l’eau.  

    Hind affichait un large sourire. Je lui demandais .

    -  Et vous, vous ne participez pas à ce débat ? 

    -  Rien à dire, seulement vous écouter. Elle affichait un large sourire que je cultivais en mon for intérieur.

    -  Mais les animaux ne sont pas de buveurs, rétorquait Chams dha. 

    -  Si madame !selon Science digest, les animaux eux-mêmes peuvent être la proie du démon de l’alcool, et les occasions de boire ne leur manquent pas. Sachez aussi que toute  plante contient du sucre capable, dans les conditions voulues, de fermenter et donc de produire de l’alcool. En Inde, les chouettes s’enivrent d’alcool de palmier. Les rouges-gorges et l’ampélia de Bohème s’endorment après avoir picoré des pommes blettes. Quand aux colimaçons, redoutables parasites, ils sont si friands de bière que les jardiniers avisés mettent ce penchant à profit pour s’en débarrasser. Ils placent parmi les fleurs un petit récipient plein de bière ou ces redoutables parasites viennent s’abreuver et finissent par se noyer.

    -     C’est intéressant .J’ignorais cela, disait chams Dha, vous nous épatez Monsieur...

    -     Chraibi, je répondais.

    -     C’est normal, disait-elle avec raillerie. Le talent appelle le talent, Chraibi en arabe, veut dire  buveur non ?

    -     Oui, vous avez raison, je répondais. Et votre nom traduit veut dire bien Chaud-soleil, ce cru tant convoité par les soiffards.

    -     Les deux rirent, Chams Doha un rire jaune et soufflait vers le ciel des anneaux bleus  et Hind un rire du coin pour ne pas blesser son amie et entonna le couplet de la chanson de Farid «Warak warak daiman ».

    Elles quittèrent  la terrasse sans achever la boisson.

    Moi, je me replongeais dans ma lecture.
  • Oubliette!

                            

                                    OUBLIETTE

     

    Ce matin, tu m’avais promis d’appeler,à dix heures !

    Oublié, je fus  déçu, boudeur,de mauvaise humeur !

    Dois-je penser, démériter cette  belle promenade ?

    Dois-je souffler, au cœur, pour qui battre la chamade ?

    Dois-je véhiculer, écrivant, étalant mes  jérémiades ?

    Ce ne sont des geignements, chère mie Nadnad !

    Mais  reproches au « Palmier », et  des œillades.

    Qui aime bien châtie bien, doux cœur en jade !

    Je songe à ce grand palmier, qui par modestie,

    Se plie, saluant, bénissant le sable qui le nourrit .

    De ta grandeur, ton amabilité et ton engouement,

    Trembles, chamérops t’envient jalousement !

    L’un  peuplier, jonchant les allées des amants,

    L’autre palmier nain, sans dattes;deux manants !

     Désolé, Nadnad , j’oublierai  dés hui, ce joli nom !

    Sans rancune, Palmier, souviens-toi  maintenant,

    Que rimant ces vers, mes lèvres  touchent la coupe,

    Pleine de  l’élixir, alcoolat , cru du Guadalupe .    

    Je m'amuïs , les yeux  béats, tels une soucoupe !

                                   Salé, le 08.11.07 à  14h30 de relevée